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Don Nicolas Rivenq!

Tourcoing
Théâtre Municipal
12/01/2006 -  et les 3*, 5 et 7 décembre 2006
Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni, K. 527

Nicolas Rivenq (Don Giovanni), Alan Ewing (Leporello), Delphine Gillot (Donna Elvira), Salomé Haller (Donna Anna), Simon Edwards (Don Ottavio), Ingrid Perruche (Zerlina), Renaud Delaigue (Commandeur/Masetto)
Ensemble vocal de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, La Grande Ecurie et la Chambre du Roy, Emmanuel Olivier (3/12)/ Jean-Claude Malgoire (direction)
Pierre Constant (mise en scène), Roberto Platé (décors), Jacques Rouveyrollis (lumières), Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi (costumes), Béatrice Massin (chorégraphie)

En l’honneur des 25 ans de l’Atelier Lyrique de Tourcoing et du 250e anniversaire de la naissance de Mozart, le Théâtre municipal de Tourcoing remet sur le métier l’une de ses plus belles productions de ces dernières années: le Don Giovanni de Pierre Constant avec Nicolas Rivenq dans le rôle-titre. Si la mise en scène est une splendeur, on ne peut pas en dire autant de la distribution qui est loin d’être homogène et de la direction d’orchestre qui manque de finesse.



Pierre Constant signe une mise en scène simple, classique et respectueuse de l’œuvre. Le décor est unique: il s’agit d’un décor en arc de cercle gris-blanc, avec des portes qui donnent sur les coulisses, une fenêtre qui servira pour la sérénade. Mais c’est surtout le fond de la scène qui est remarquablement utilisé: le commandeur entre en scène par ce côté au début du premier acte et de nombreux personnages vont se placer devant le fond noir, ce qui permettra d'offrir de très belles images: Don Giovanni, tout de gris vêtu, se détache à un moment sur le noir pour un effet saisissant et le metteur en scène joue beaucoup sur le contraste noir-blanc. Quelques naïvetés apparaissent ça-et-là mais sans que cela soit préjudiciable à l’écoute de l’œuvre et à l’intrigue: quand Don Ottavio tente de réconforter Donna Anna, des serviteurs viennent laver les traces de sang du père, le commandeur voit sa fille violée, etc… Quelques idées, quelques détails sont, en revanche, à relever: à la fin de l’air du champagne, Don Giovanni jette du vin à terre et se trouble, croyant revoir la tâche de sang du commandeur, etc… Cette mise en scène restera exceptionnelle à cause du final du second acte: on aura rarement vu une telle force théâtrale, une telle intensité. Le commandeur n’apparaît pas sur scène, il ne marque sa présence que par trois chaises qui volent avec fracas et par la lumière blanche qui remplace la toile de fond. Don Giovanni, et de temps en temps Leporello, se détachent sur cette toile et, à ce moment, Nicolas Rivenq fait de grands gestes, quasiment ceux d'un fou. Après avoir refusé définitivement de changer de vie, il est pris de spasmes, se roule par terre puis s’agrippe au rideau rouge qui commence à se fermer et finit par monter dans les airs (en poussant son cri final), attaché au rideau qui forme alors une corde. La scène est tellement puissante que le dernier ensemble est supprimé. Les costumes de Jacques Schmidt et Emmanuel Peduzzi sont magnifiques et assez neutres: Donna Elvira porte une somptueuse robe rouge foncée, tandis que Donna Anna est soit en chemise de nuit, soit en robe de deuil. Le travail est surtout porté sur les vêtements gris de Don Giovanni, son chapeau…

Nicolas Rivenq est absolument souverain dans le rôle de Don Giovanni: quelle voix, quel jeu d’acteur et quelle prestance! Il est vraiment Don Giovanni jusque dans les moindres nuances des récitatifs, dans les subtiles attaques des notes (“signorina” quand il s’adresse pour la première fois à Donna Elvira), dans son phrasé et surtout dans son allure scénique: le chanteur est très grand et utilise cet atout pour mieux entourer les femmes, pour les charmer davantage… Don Giovanni n’est pas très jeune (ses cheveux sont presque blancs), il est expérimenté et ce choix justifie la dernière scène et son renoncement à abandonner cette vie. Il campe un “grand seigneur” tout en étant parfois autoritaire et effrayant. Le fameux duo “La ci darem” est très intéressant car Nicolas Rivenq le chante avec une assurance désarmante et Zerlina ne peut que succomber tellement il est envoûtant. Le personnage est également effrayant quand, par exemple, il insiste sur la prétendue folie de Donna Elvira “è pazza”: les mots sont de plus en plus terrible, ce qui prouve qu’il est déstabilisé par sa présence. Le final avec le xommandeur est, de loin, le moment le plus réussi du spectacle et son interprétation y contribue beaucoup. Dès les premières notes de ce passage, il apporte une dimension de folie au personnage, avec des accents sur les mots, des attaques assez sèches. Une interprétation magistrale!
Renaud Delaigue est un Commandeur plein d’autorité et de fermeté: il possède les graves nécessaires pour apporter une réelle dimension au personnage. Le duo Don Giovanni-Commandeur au début du premier acte est magnifique: les deux chanteurs semblent faire abstraction du chef d’orchestre et chantent à leur tempo (lent et retenu) en rendant ce passage particulièrement poignant et solennel. Il campe aussi le rôle de Masetto avec une certaine classe qui dépasse celle exigée par le personnage de paysan. Il met sa belle voix profonde au service de Mozart par un “Ho capito” subtil qui souligne bien le désespoir et la colère de Masetto: les “insultes” à Zerlina sont menaçantes et presque criées.
Alan Ewing est un chanteur de très grande qualité mais à la voix peut-être un peu trop grave et pas assez souple pour le rôle de Leporello. Une fois cette remarque faite, on ne peut que souligner son aisance vocale et son habileté à conclure les airs: à la fin d’un air du catalogue rondement mené mais sans grand humour, il se détache du solfège pour chanter de doux “voi sapete” et “hm” qui s’éteindront au fur et à mesure. Il trouve aussi des accents justes quand il essaie de se disculper auprès des autres personnages au second acte.
Delphine Gillot fait de Donna Elvira une femme désespérée, voire acariâtre. Sa voix est un peu rauque et surtout affublée d’un vibrato un peu trop prononcé qui confirme l’idée que “l’épouse de Don Giovanni” a déjà vécu et a plus d’expérience de la vie que les deux autres femmes de l’opéra. Elle se limite à l’idée que Elvire est une furie, attentive aux moindres gestes de Don Giovanni, du moins jusqu’à son air “Mi tradi”. La musicienne se révèle alors dans le récitatif avec des couleurs plus chaudes, une voix plus stable et de belles nuances sur “sospiri”. Malheureusement l’air proprement dit confirme la première impression.
Salomé Haller ne semble plus que l’ombre d’elle-même. La jeune chanteuse possédait un très gros potentiel au début de sa carrière mais depuis quelques mois, la voix a perdu de sa puissance, elle a du mal à passer la rampe, le phrasé s’est durci. La représentation commence assez bien pour elle car elle campe une Donna Anna assez tendre, anéantie par la mort de son père comme le suggère la baisse de volume de sa voix dans la description du cadavre “sangue”, etc… Mais à partir du duo et surtout dans ses deux airs, la chanteuse remplace la musique par des cris et même des cris qui ne sont que du souffle tant il y a d’air. Comment la voix pourra-t-elle résister après un (ou des rôles) abordé(s) trop tôt?
Simon Edwards a fait de très gros progrès ces derniers temps et il est nettement plus convaincant vocalement. Il incarne un très bon Ottavio, avec une sensibilité musicale et un instinct théâtral notables. Le problème du tempo, évoqué plus bas, l’empêche malheureusement de développer les longues phrases des deux airs du personnage alors qu’il est parfaitement capable de tenir les notes comme le prouve son souffle inépuisable sur les “a” dans “Il mio tesoro”. Il serait intéressant de réentendre ce chanteur dans de meilleures conditions, car il semble destiné à être un bon ténor mozartien.
Ingrid Perruche complète un trio de dames assez faible. Elle possède plus de voix que les deux autres chanteuses, mais cela ne lui permet pas d’assumer entièrement le rôle de Zerlina. Scéniquement, elle est assez convaincante, car elle met bien relief le personnage avec des gestes vifs, des regards langoureux à Masetto et une réelle aisance: le metteur en scène prend le parti de souligner que Zerline tombe immédiatement sous le charme de Don Giovanni, après un regard. Musicalement elle donne à attendre d’assez beaux passages comme le “Batti, batti…”: elle se fait à la fois charmeuse grâce à un crescendo qui se développe sur la totalité de l’air mais elle se montre aussi assez ferme avec des notes plus tranchées, plus puissantes quand elle sent que Masetto ne succombe pas suffisamment vite à ses pardons.


L’orchestre est dirigé, ce soir, par Emmanuel Olivier et non par Jean-Claude Malgoire. Il est parfois difficile de reconnaître la musique de Mozart tant les pupitres ne partent pas au bon moment, tant les instruments ne s’écoutent pas et tant les décalages entre chanteurs et orchestre sont nombreux. Le second acte est mieux conduit et le chef commence à créer une ambiance. Le choix des tempi peut paraître assez étrange car, par exemple, il joue très vite les grands passages de douleur, par exemple les deux airs de Don Ottavio, sans laisser l’émotion habituelle s’en dégager.



Pour Nicolas Rivenq, pour la mise en scène ce spectacle mérite vraiment d’être vu et apprécié: ils présentent un Don Giovanni vraiment original, troublant, inquiétant et beau. Le reste de la distribution se laisse entendre et si tous les chanteurs ne sont pas vraiment à la hauteur des exigences de Mozart, ils témoignent néanmoins d’une envie de faire de la musique et de servir l'œuvre avec honnêteté.





A noter:
- Le spectacle tourne dans quelques villes françaises: Brest les 5 et 6 janvier, Reims les 26, 28 et 30 janvier 2007.
- Jean-Claude Malgoire a enregistré la Trilogie Da Ponte, disponible chez Auvidis.


Manon Ardouin

 

 

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