About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Routines françaises

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
11/16/2006 -  et le 17 novembre 2006
Maurice Ravel : Le Tombeau de Couperin
Henri Dutilleux : Tout un monde lointain
Hector Berlioz : Symphonie fantastique

Gautier Capuçon (violoncelle), Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Marc Albrecht (direction)

Nouveau directeur musical ou pas, chaque orchestre possède sa personnalité et ses habitudes, et Marc Albrecht, même motivé, n’obtiendra pas du jour ou lendemain des changements fondamentaux à Strasbourg. Le constat est patent devant ce programme de musique française, domaine où l’orchestre a vraiment ses propres repères et ses compétences. L’empreinte du chef y aura paru moins déterminante qu’au cours des concerts précédents, le plus gros des efforts semblant s’être porté sur une Symphonie fantastique d’aspect très « travaillé », au détriment du reste, laissé au rayon des affaires courantes.


Heureusement, Ravel et Dutilleux sont un vrai terrain d’élection pour l’Orchestre Philharmonique. Le Tombeau de Couperin permet d’apprécier les interventions des vents, en particulier la musicalité et la souplesse de Sébastien Giot au hautbois. Les tempi sont rapides, parfois un peu trop, au risque de chahuter des cordes qui ont du mal à suivre. L’enchaînement avec « Tout un monde lointain » s’effectue avec une belle évidence, ce concerto bénéficiant par ailleurs d’un accompagnement attentif et raffiné, même si Marc Albrecht ne parvient pas toujours à trouver le bon équilibre entre une orchestration très fournie, pourtant maniée avec un remarquable souci de transparence, et un soliste d’une projection confidentielle. En fait ce problème d’audibilité n’est pas nouveau, puisqu’on le retrouve dans la majorité des concertos du XXe siècle écrits pour la sonorité impérieuse de Mstislav Rostropovitch, que des interprètes plus jeunes et parfois plus subtils peinent à égaler en puissance. Gautier Capuçon détaille les passages les plus lyriques avec une sensibilité exquise, mais ses grands traits des premier et troisième mouvements se noient dans l’accompagnement. Dès lors ce concerto semble manquer de toute la superstructure qui devrait en assurer la cohésion. On en tire une impression flatteuse mais un peu éparse, ce qui est sans doute dommageable à la perception d’une œuvre pourtant essentielle.


Après la pénible volée de bois vert infligée par la critique nationale, venue écouter en masse Les Troyens à l’Opéra du Rhin, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg nous devait une revanche. Et pourquoi pas à l’occasion de cette Symphonie fantastique, donnée dans des conditions plus favorables qu’une fosse étouffante et mate?
Or malheureusement cette exécution soignée trahit de nouveau, et avec une désagréable constance, tout ce qui ne fonctionne pas bien. Trop de traits à découvert des cordes aiguës se creusent inopinément, semblant tout à coup émaciés et aigres, un problème qui paraît moins lié à des fluctuations de timbre qu’à des attaques floues, phénomène de plus en plus prononcé à mesure qu’on s’enfonce dans les profondeurs des rangées de violons (des pupitres moins exposés aux regards, sans doute, mais dont les incertitudes ont néanmoins une incidence patente sur la sonorité d’ensemble). Cela dit, même parmi les violons les mieux en vue, l’absence d’une véritable culture de l’attaque précise fait aussi des ravages (Scène aux champs, mes. 167 à 171 : qui est calé sur qui ? Mystère !). Autre point noir : le couplage d’un aigu de cordes pas toujours flatteur avec le timbre des flûtes, souvent serré et pauvre, qui se conjugue pour rendre la partie supérieure du spectre sonore peu agréable au tympan (Scène aux champs, mes. 31 à 48, c'est vraiment laid !). On relève aussi d’assez nombreux problèmes de cohésion « latérale », notamment entre flûte solo et cors, assis il est vrai aux deux extrémités de la même rangée. Des détails d’intendance certes, mais qu’il est dangereux de sous-estimer, tant leur addition finit par dégrader le confort d’écoute. Bref, le chantier est ouvert, ou du moins on ose espérer qu’il l’est.


En ce qui concerne ce que Marc Albrecht tente d’imprimer de personnel, on apprécie la construction de Rêveries, passions, remarquable travail sur les transitions et les enchaînements, qui évite adroitement l’impression de discours décousu qui émane parfois de ce long premier mouvement. Un Bal, prestement enlevé, pâtit en revanche de l’absence d’énergie des violons, qui n’assurent guère le rôle moteur qui leur incombe. Une réserve qui affecte également les climax de la Scène aux champs, avec là de surcroît de vrais problèmes d’accord (une brève pause pour remettre tout le monde au diapason aurait été appréciée). Et puis, pour conclure, une énergique et gratifiante Marche au supplice assortie d’un Songe d’une nuit de sabbat spectaculaire à souhait, mais où Marc Albrecht semble parfois rechercher l’effet et les coups de projecteur avec une insistance trop systématique, au détriment d’un certain naturel dans la mise en scène. Encore un concert de transition, donc, qui laisse beaucoup d’espoir mais que l’on aurait souhaité moins inégal.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com