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Une Amina enchantée! Paris Théâtre des Champs-Elysées 11/12/2006 - donné aussi à Lyon les 9 et 19 novembre 2006. Vincenzo Bellini : La Sonnambula Natalie Dessay (Amina), Francesco Meli (Elvino), Paul Gay (Alessio). Carlo Colombara (Comte Rodolfo), Jaël Azzaretti (Lisa), Sara Mingardo (Teresa)
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Lyon, Evelino Pido (direction)
Après des Lucia di Lammermoor triomphales à la Bastille ces dernières semaines (lire ici, Natalie Dessay revient au Théâtre des Champs-Elysées pour une Sonnambula de Bellini tout aussi remarquable. La soprano est entourée d’une distribution honnête, à défaut d’être exceptionnelle, et, surtout, elle est soutenue par Evelino Pido qui confirme concert après concert qu’il n’a pas son pareil pour défendre le bel canto.
Natalie Dessay chante pour la première fois à Paris le rôle d’Amina et la standing ovation qu’elle reçoit à la fin du concert prouve qu’elle a séduit les oreilles et les cœurs des parisiens. Elle incarne une douce Amina, un peu égarée et perdue face aux accusations que professent contre elle les villageois et Elvino. La soprano est très scrupuleuse de la partition ce qui l’empêche parfois de se laisser prendre par la musique, même dans les airs de brio comme le premier et le dernier. Peut-être lui manque-t-il la scène pour se donner entièrement et pour brosser un portrait complet du personnage. Tout est très bien chanté, malgré quelques aigus un peu criés, tout est très bien rendu dramatiquement mais il manque la petite flamme habituelle. Mais toutes ces remarques deviennent bien superflues quand on entend avec quelle application elle traite “Care compagne…”: elle alanguit son phrasé, retarde un peu ses notes et lance une vocalise avec le plus grand naturel, etc… Elle sait faire passer de multiples sentiments et parvient à souligner la fragilité de la jeune fille dans le duo avec Elvino “Son geloso…”. Et bien sûr elle se taille un franc succès avec le dernier air où, dans “Ah non giunge”, enfin détendue, elle se livre à des vocalises pyrotechniques dont elle a le secret. Déjà dans Lucia, on avait pu remarquer qu’elle a une nouvelle esthétique des notes aiguës: elle fait monter la vocalise jusqu’à son sommet en pleine voix et sur la dernière note, elle exécute un decrescendo pour aboutir à un piano. Révérence!
Francesco Meli est un vaillant Elvino, à la voix puissante et sonore. Sa prestation ne démérite pas mais, même s’il essaie de nuancer son chant avec de superbes piani (des aigus aériens dans ses dernières interventions), on a parfois l’impression d’entendre Radamès plutôt que le doux et naïf Elvino. Il serait intéressant de le voir “jouer” Elvino sur scène, car ses intentions semblent bonnes et il tente de décrire les sentiments du personnage. Pendant le dernier air d’Amina, il se décompose progressivement avec une voix de plus en plus douce et émue pour finalement lui pardonner sa “faute”. La confrontation avec le comte au deuxième acte est un des grands moments du concert car les deux chanteurs se livrent à une joute vocale impressionnante: le comte, toujours très calme et sûr de lui, tente de dominer Elvino dont la voix tremble à mesure que la musique avance. Il faut dire qu’Evelino Pido est très inspiré dans cette page avec des tempi rapides, pressés, mais tout ce passage a beaucoup d’allure.
Carlo Colombara est peut-être le chanteur le plus complet de la distribution. Non seulement sa voix est d’une grande qualité avec des sonorités profondes et chaleureuses mais il arrive aussi à entrer dans la peau du personnage avec une aisance scénique, malgré le carcan qu’impose une version concertante avec pupitre et partition. Son air d’entrée est emprunt d’une bien touchante mélancolie. Il sait se faire doux avec Amina quand elle entre dans sa chambre mais aussi intransigeant avec Elvino dans le duo susmentionné.
Jaël Azzaretti remplace Sophie Karthäuser, ce qui explique peut-être qu’elle semble un peu étrangère au costume de Lisa. Cette chanteuse a déjà prouvé à de nombreuses reprises qu’elle est une musicienne fine et inspirée mais ici elle semble dépassée par la partition et son deuxième air est un peu malmené. Dommage, car l’air introductif était très bien mené, avec de belles intonations pour exprimer sa douleur de se voir préférée Amina dans le cœur d’Elvino. Elle possède toutefois le piquant nécessaire à ce personnage pas très sympathique.
Sara Mingardo est un véritable luxe vocal en n’incarnant que le rôle épisodique de la mère d’Amina. Mais quelle mère! Elle impose son autorité vocale et avec beaucoup de calme elle défend sa fille. Sa voix est toujours aussi chaude bien que peu puissante, mais c’est ce qui fait sa force: en quelques notes l’orchestre, les personnages et le public la respectent.
Paul Gay vient agréablement compléter la distribution et ses interventions, bien que succinctes, dévoilent un instrument franc, stable et harmonieux. Gageons que ce chanteur ne tardera pas à voir sa carrière se développer dans des emplois plus conséquents.
Le Chœur de l’Opéra de Lyon, dirigé par Alan Woodbridge, est excellent. Les choristes savent ce que c’est qu’une nuance et ils ne sont pas avares de couleurs, de tons différents, etc… Malgré leur grand nombre, ils parviennent à alléger leur volume notamment dans le premier chœur avec des “ah…” très légers et délicats. De même, ils sont presque inquiétants quand ils racontent l’histoire du fantôme.
Evelino Pido est idéal pour diriger Bellini et dès les premières notes, il met en place le drame qui jamais ne baisse de tension. Plus besoin de livret, plus besoin de surtitrage pour comprendre l’intrigue tant il développe éloquemment chaque thème et chaque phrase.
Ce concert a permis d'écouter une bonne distribution qu’il faudrait conserver pour maintenant porter l’œuvre sur scène. Natalie Dessay confirme qu’elle est prête à se “reconvertir” dans des emplois plus sérieux et que le temps des Olympia et autre Königin der Nacht est bien révolu…
A noter:
- Virgin Classics vient de sortir un double-cd et un DVD regroupant les plus grands moments de la carrière de Natalie Dessay (lire ici). Manon Ardouin
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