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Willkommen, bienvenue, welcome im Cabaret, au cabaret, to cabaret! Paris L'Archipel 11/12/2006 - et tous les dimanches de 18 heures à 19 heures Hervé Joulain, Jocelyn Willem (cor), Serge Hureau (chant), Stéphane Delplace (piano), Jean-François Zygel (présentation et piano)
Un petit creux en fin de semaine dans la programmation musicale parisienne… pourquoi ne pas échapper à l’automne et se diriger vers le climat tropical, chauffage aidant, de L’Archipel? Car c’est dans ce cinéma – où Pierre Dyens fait vivre, année après année, une saison dédiée à toutes les musiques, ou presque, ainsi qu’aux correspondances avec le septième art – que l’infatigable Jean-François Zygel a élu domicile pour son émission hebdomadaire diffusée en direct sur France Musique: infatigable, car ce «Cabaret classique», dans l’esprit de son émission estivale «La boîte à musique» sur France 2, s’ajoute à ses fameuses «Leçons de musique» au Théâtre du Châtelet, sans compter son activité de compositeur.
Durant une heure, Zygel est au four et au moulin, menant son monde avec fermeté: bien loin de se contenter de jouer et de faire la conversation avec ses invités – debout! – selon son bon plaisir, sans le moindre rapport avec ces fastidieuses et envahissantes tournées promotionnelles, il régente tout du geste, applaudissements des spectateurs, admonestations aux chuchoteurs, signes adressés aux techniciens de Radio France. Et il interprète le générique tout en annonçant le programme: même si le darjeeling trône devant le Fazioli, ce piano bar annonce bien évidemment un cocktail, à la Pagnol toutefois, avec un petit tiers de cor, un petit tiers de chanson, un petit tiers de fugue et un gros tiers de Zygel.
On quitte L’Archipel pour rejoindre la terre ferme et le boulevard de Strasbourg avec l’impression un peu frustrante d’un grignotage plaisant, aucun morceau n’ayant dépassé trois ou quatre minutes, avec des petits bouts de Beethoven ou de Schumann ainsi que des miettes de Brahms, Tchaïkovski ou Stravinski. Mais on aura passé un moment en bonne compagnie: le corniste Hervé Joulain et l’un de ses tout jeunes collègues, Jocelyn Willem, qui vient de rejoindre le pupitre du National, l’excellent Serge Hureau, patron du «Hall de la chanson» («Centre national du patrimoine de la chanson, des variétés et des musiques actuelles»), revenu de son «Music-hall d’immeuble» (voir ici), et Stéphane Delplace, l’incontournable «fugueur fou» des émissions de Zygel, que l’on a connu plus convaincant que dans ses tentatives du jour sur le Poco allegretto de la Troisième symphonie de Brahms puis sur Au clair de la lune.
Et l’on aura entendu des choses littéralement inouïes, dans ce cabaret finalement plus éclectique que son qualificatif de «classique» ne le laisserait supposer: les formidables sonneurs du Rallye «Trompes des Vosges» choisis par Hervé Joulain, un brévissime duo pour cors de Mozart, une pièce pour deux cors et orchestre de Telemann dont Zygel détourne l’accompagnement vers Poulenc, Anna la brune (mélodrame que Cocteau écrivit dès 1934 pour Marianne Oswald sur le crime des soeurs Papin, qui inspira plus tard Les Bonnes de Genet), les couplets généralement ignorés de Au clair de la lune ou de Ah, vous dirai-je maman, les adaptations liturgiques de Il pleut, il pleut bergère ou la comptine à la Prévert Trois p’tits chats. L’hôte accompagne même Joulain dans un Nocturne de sa composition, destiné à ce dernier (mais in memoriam Britten) et datant de l’époque, voici un peu moins de vingt ans, où les deux musiciens étaient membres du Philhar’.
Sans y toucher, on aura également révisé au passage la distinction entre cors impairs et pairs au sein de l’orchestre ou bénéficié d’une importante découverte musicologique, Le chameau s’en fout, désopilante et poétique chanson anonyme de 1947, que Marie Dubas avait à son répertoire. Et si le propos est parfois contestable – le Konzertstück pour quatre cors de Schumann est-il si rare que cela au concert? – il demeure toujours plaisant et enjoué, cultivant délicieusement l’équivoque en jouant sur les mots (le cor(ps), l’instrument).
Mais il est déjà 18 heures 57, une fois de plus en zeitnot, Zygel rend les armes en même temps que l’antenne: tant pis pour la «Minute du professeur Solfège», pour le duo pour cors de Zemlinsky, pour la «fausse chanson XVIIIe» des années 1930 dénichée par Hureau et pour la troisième fugue de Delplace: ces laissés pour compte rejoindront le cabinet de curiosités que sera le programme qu’il promet de consacrer aux victimes que Cronos fait semaine après semaine dans son émission («le temps, c’est le véritable maître»).
Les prochains rendez-vous (à noter que deux seront exceptionnellement produits le 26 novembre) permettront notamment d’entendre Henri Demarquette, Svetlin Roussev et Bertrand Chamayou. Par ailleurs, entamée les 5 et 12 novembre, la diffusion intégrale des Misérables (1925) d’Henri Fescourt, étalée sur quatre soirées, se poursuivra les 10 et 17 décembre, toujours en compagnie de Jean-François Zygel, dans la foulée de son «Cabaret».
Le site de L’Archipel
Le site du Hall de la chanson
Simon Corley
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