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“Offenbach à toute vapeur” Paris Salle Gaveau 11/11/2006 - Extraits d’opérettes de Jacques Offenbach : Orphée aux Enfers, Madame Favart, La Vie Parisienne, etc…
Extraits de Gioacchino Rossini, Wolfgang Amadeus Mozart, Gabriel Fauré…
Ghyslaine Raphanel (soprano), Franck Leguérinel (baryton)
Orchestre Pasdeloup, Jean-Christophe Keck (direction)
Chaque année l’orchestre Pasdeloup donne un thème à sa saison et pour 2006-2007, celui du voyage a été retenu. Depuis déjà deux ans, Jean-Christophe Keck, directeur musical du projet Offenbach à l’orchestre, organise des concerts autour du compositeur pour redonner vie à certaines de ses œuvres oubliées. Le chef d’orchestre-musicologue revient, avec deux spécialistes du genre, Franck Leguérinel et Ghyslaine Raphanel, sur quelques pièces méconnues avec un enthousiasme qui ne se dément pas au fil du temps et des concerts.
L’intitulé du concert est “Offenbach à toute vapeur” et c’est à un véritable voyage en compagnie de Mozart, Rossini et Offenbach que nous convient l’orchestre et les solistes. Le concert s’ouvre sur deux pages de Rossini, la célèbre ouverture de Guillaume Tell et le rêve de Don Magnifico de La Cenerentola. En ce qui concerne l’ouverture, Jean-Christophe Keck se montre habile dans les transitions alors que les thèmes de Rossini ont tendance à s’accumuler: il annonce bien les changements de ton pour terminer dans un tempo et à une allure effrénés. L’extrait de La Cenerentola est magistralement interprété par Franck Leguérinel, qui se moque un peu de son personnage tout en lui apportant une grande part de sincérité. Il a beaucoup d’humour et le prouve à travers la prononciation de l’italien: il insiste dans la dernière partie sur les “che”, “tche”…
Gabriel Fauré est aussi présent dans ce parcours à travers des extraits de Shylock, “Chanson et Épithalame”. L’orchestre arrive à bien restituer l’élan poétique des grandes phrases du compositeur. Ghyslaine Raphanel exécute une touchante “Chanson” mais la voix semble un peu fatiguée et la musicienne doit prendre l’ascendant sur la chanteuse, un peu mal à l’aise.
En dehors de ses fonctions de chef, musicologue, chanteur, éditeur…, Jean-Christophe Keck est également compositeur. Il essaie de retrouver l’atmosphère des opérettes de l’époque d’Offenbach avec plus ou moins de réussite. L’Opéra-théâtre de Metz a créé la saison dernière Monsieur de Chimpanzé et le Petit ballet des animaux empaillés, joué ce soir, complète la partition. Le résultat est assez mitigé, car le compositeur accumule les thèmes, les reprend deux fois mais il ne les développe pas.
Mozart ne pouvait qu’être de la fête puisque Offenbach vouait une admiration sans bornes au compositeur et qu’il a été surnommé par Rossini “le petit Mozart des Champs-Elysées”. Les solistes de l’orchestre, Thomas Saulet à la flûte et Audrey Perrin à la harpe, interprètent avec aisance et musicalité l’Andante du concerto pour ces deux instruments. Ce passage est une bonne transition pour aborder la seconde partie du concert, entièrement consacrée à Jacques Offenbach.
Les extraits retenus sont très agréables à écouter et même s’ils n’ont pas tous la qualité des pages d’Hoffmann ou bien de La Belle Hélène, il ne faut pas trop les sous-estimer. Le couplet “Oui j’ai menti” tiré de Dragonette est assez irrésistible de candeur et de naïveté. Ghyslaine Raphanel rend bien cet esprit avec des respirations appuyées, un crescendo général dans l’intensité de la voix, etc… La Chaconne de Monsieur et Madame Denis est une parodie de la chaconne du style français baroque, même si le rythme n’est pas aussi systématique. La chanteuse rivalise de souplesse dans les vocalises et de beauté dans les aigus perlés. La voix revient manifestement et on retrouve tout le charme de Ghyslaine Raphanel. Franck Leguérinel interprète souverainement le rondo du Colporteur tiré de Le Soixante-six: il détaille tous les objets que l’on peut trouver dans sa boutique à l’aide de notes hachées, il a tout d’un Dulcamara donizettien… La voix du baryton se prête très bien à ce genre de musique car il en fait ce qu’il veut, la nuance, la gonfle avec suffisance ou bien l’amincit pour ridiculiser son personnage. Brillant! Il est tout aussi convaincant dans le couplet de Boudinet de Apothicaire et Perruquier où le personnage, simple d’esprit, déplore de ne jamais connaître l’amour: le chanteur donne peu de volume à sa voix, il se fait très humble et parvient parfaitement à sculpter le héros. Les deux solistes se rejoignent pour le duo du voyage de La Vie Parisienne, où Franck Leguérinel apporte une classe au baron et où Ghyslaine Raphanel est toute mutine, douce et enjôleuse mais également autoritaire avec son dernier “sans nous”. L’orchestre s’en donne aussi à cœur joie avec un ballet des mouches d’Orphée aux enfers d’un entrain remarquable. Il tire un peu la partition vers la valse de Vienne surtout au niveau des violons dans la première partie qui reprend le thème de John Styx.
L’Orchestre Pasdeloup est idéal pour interpréter cette musique dite légère mais qui n’en demande pas moins une forte concentration et une attention particulière à la musicalité pour ne pas tomber dans le mauvais goût. Leur enthousiasme est communicatif et Offenbach serait aux anges de voir une salle soulevée de gaieté en entendant sa musique. Il ne reste plus qu’à espérer pouvoir assister de plus en plus à des concerts d’une telle qualité et retrouver ces chanteurs qui servent si bien la musique d’Offenbach.
A noter:
- Franck Leguérinel sera Calchas dans La Belle Hélène à l’opéra du Rhin du 23 décembre 2006 au 25 janvier 2007. Manon Ardouin
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