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Chapeau bas!

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
10/21/2006 -  
Airs et mélodies de Poulenc, Mozart, Canteloube…
Kiri Te Kanawa (soprano), Frederica Von Stade (mezzo), Julian Reynold (piano)

Le Théâtre des Champs-Elysées accueille ce soir deux grandes chanteuses, deux gloires, deux artistes en un mot. Kiri Te Kanawa et Frederica Von Stade se sont réunies pour interpréter du Mozart, des mélodies de Fauré, du Offenbach, etc… avec une amitié et une bonne humeur qui franchissent aisément la rampe.



Lorsque l’on a encore la chance de pouvoir écouter de tels monstres sacrés, il ne faut pas avoir les enregistrements aseptisés ou les représentations légendaires d’il y a vingt ans dans la tête. Non, on ne doit avoir en mémoire que l’émotion qui naissait de ces moments-là et c’est cette émotion intacte qu’il faut retrouver. Par respect et par admiration pour ces deux dames on taira les imperfections vocales (problèmes de justesse, voix ayant perdu de la puissance…) pour se concentrer sur l’interprétation. Et elle est remarquable!
Le concert s’ouvre avec Mozart et le duo Marcelline/Suzanne des Noces de Figaro. Cet extrait est assez irrésistible car elles jouent beaucoup entre elles et soulignent avec ironie les “piquante”, “brillante”. Place ensuite à la mélancolique comtesse Te Kanawa qui enchante avec “Porgi amor”. La magie opère complètement grâce a un vibrato doux qui se développe avant “o mi rendi”, à un aigu tenu avant “duolo” ou bien encore au legato élégant dans l’une des dernières montées. La fin de l’air est d’une immense émotion! Frederica Von Stade se transforme en Zerlina de Don Giovanni avec un “Vedrai carino” plein d’abattage: elle met en relief les mots avec des accents sur “battere”. Elles reviendront à Mozart pour conclure la première partie du concert avec le duo de Cosi fan tutte “Ah guarda sorella”. Elles possèdent la fraîcheur et l’enthousiasme nécessaires pour incarner les deux jeunes femmes mais dès les premières notes, les rôles sont clairement distribués. Kiri te Kanawa est bien Fiordiligi à cause de la noblesse de sa voix et de l’élégance du phrasé et Frederica Von Stade Dorabella avec son angoisse qui s’entend dès “che alletta” et sa ligne de chant plus légère, plus frivole. Saluons la haute qualité des notes tenues à tour de rôle dans la dernière partie du duo avec une mention spéciale pour le crescendo très assuré et puissant de Kiri Te Kanawa.
Les deux chanteuses se tournent ensuite vers le répertoire français avec de larges extraits des Nuits d’été de Berlioz. Frederica Von Stade est idéale pour la Villanelle, car son entrain lui met du soleil dans la voix notamment sur le “matin”. Grand moment avec Kiri te Kanawa dans Le Spectre de la rose: la voix est somptueuse dans les montées, chaque note est distillée avec une musicalité indescriptible… Elle chante la seconde partie en mezza-voce, ce qui est du plus bel effet. Enfin elles chantent à deux, L’Ile inconnue avec toujours autant de grâce, quoique ce duo déstabilise un peu. Poulenc est ensuite le second compositeur français abordé avec quatre mélodies. Frederica Von Stade commence avec Les Gars qui vont à la fête qu’elle chante avec entrain et virtuosité dans un français assez bon. Dans C’est ainsi que tu es, elle dévoile des graves encore bien sonores et émouvants. Kiri Te Kanawa, quant à elle, chante Hôtel avec raffinement. Elle use et abuse des ports de voix sur les descentes (sur “fumée”, etc…), elle donne une touche langoureuse à son chant sur “à la fenêtre” tandis qu’elle parvient à voiler sa voix sur “cigarette”. Elle tient véritablement en haleine le public avec un tempo très lent et une pose suggestive sur le piano. Enfin elle termine avec le joyeux Voyages à Paris dans lequel elle retrouve un timbre presque de jeune fille (sur les “i”) avec des ports de voix aguicheurs, etc…


La seconde partie est moins sérieuse. Elle débute avec des extraits des Chants d’Auvergne de Canteloube. Dans ces pages, les deux chanteuses mêlent toutes les couleurs de leurs voix pour exprimer le bonheur, l’émotion (spécialité de Kiri Te Kanawa). La technique vocale est également au rendez-vous car elles parviennent à des nuances très fines et c’est une véritable leçon qu’elles offrent au public. Kiri Te Kanawa chante O Waly, waly de Benjamin Britten avec sensibilité et on ne peut que s’incliner devant un aigu impressionnant de puissance et de stabilité. Frederica Von Stade se taille ensuite un franc succès dans une mélodie de Copland Why do they shut me out of Heaven dans laquelle il est question d'animaux (chat, vache, etc…) dont l’écriture reproduit les cris. La mezzo y met tout son charme et sa malice pour s’approcher au plus près des cris des bêtes et c’est absolument à mourir de rire! Elle interprète ensuite le fameux air de Mignon d’Ambroise Thomas avec une musicalité rare. Elle ensoleille cet air en lui apportant une touche très douce, très subtile. Kiri Te Kanawa distille l’adieu à la table de Manon. Quelle émotion… Elle chante cet air tout en douceur avec des larmes dans la voix et en quelques notes arrive à planter le décor. L’air ne comprend pas de grands intervalles, si ce n’est dans des moments où Manon évoque ses souvenirs: la soprano souligne alors cette simplicité d’écriture avec un legato d’une grande pureté, par exemple, avant “si souvent”. Elle semble emparée par la musique - et par les souvenirs de Manon - dans la montée qui se clôt avec “ah pauvre ami!”. Les différents “adieux” finissent par être murmurés tant le personnage est désespéré et n’a plus la force de se battre. Offenbach ensuite avec la Barcarolle des Contes d’Hoffmann. Ce passage est absolument envoûtant car les deux voix s’unissent pour charmer Hoffmann et… le public. Effet réussi car l’interprétation est prenante! L’humour est ensuite au rendez-vous avec Tosti et une chanson vénitienne où elles font mine de conduire une gondole. Elles dédient enfin leur dernier morceau à leurs deux filles, jeune mariée ou sur le point de l’être, True Love de Cole Porter où l’amour des mères et l’émotion se lisent dans chaque note.
Devant un public très enthousiaste, les deux chanteuses reviennent pour un duo dont elles n’annoncent pas le titre et surtout pour un Duo des chats de Rossini, absolument irrésistible de drôlerie. Les deux chattes semblent se disputer, elles sont charmeuses aussi et les deux dames agrémentent le chant de “tss…”, “kss…” très expressifs. Deux sacrés caractères! Un merveilleux moment qui prouve qu’elles aiment s’amuser et partager leur bonheur de chanter.


Elles sont accompagnées par Julian Reynold, pianiste remarquable aux petits soins pour elles. Il se montre un fin musicien car dans les airs transcrits pour piano, il parvient à restituer l’ambiance, comme au début de ”Porgi amor” où il adopte un tempo lent, tout en retenue.



Le public parisien a pu assister à une soirée bien émouvante et unique. De manière générale, la voix de Frederica Von Stade est mieux conservée pour le moment et on peut espérer la revoir un jour dans la capitale. Kiri Te Kanawa, en revanche, a suffisamment laissé entendre dans la presse que ce serait son dernier passage à Paris pour pouvoir considérer ce concert comme des adieux, des adieux de grande classe!


Manon Ardouin

 

 

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