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Héros straussiens

Paris
Salle Pleyel
10/20/2006 -  
Richard Strauss : Don Juan, opus 20 – Scène finale de «Capriccio», opus 85 – Ein Heldenleben, opus 40

Soile Isokoski (soprano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Paavo Järvi (direction)


Depuis l’ère Janowski, Richard Strauss est devenu familier aux musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France, une fréquentation qu’ils ont assidûment poursuivie avec Myung-Whun Chung, notamment lors d’un cycle Strauss durant la saison 2003-2004. Mais la venue de Paavo Järvi pour ce programme 100% straussien aura hélas confirmé que les musiciens donnent le meilleur d’eux-mêmes avec d’autres que leur actuel directeur musical.


Car dès les premières mesures de Don Juan (1888), quelque chose, aussi bien dans l’élan impétueux et cinglant insufflé par Järvi que dans la sonorité claire et dépourvue de sécheresse délivrée par l’orchestre, suggère d’emblée que la qualité sera au rendez-vous. Et si le chef, privilégiant de façon presque martiale la fuite en avant du héros, tient l’ensemble d’une main de fer, il n’en sait pas moins l’envelopper d’un gant de velours, par exemple dans le phrasé capiteux dont il entoure le thème associé à Zerline. Cela étant, même si Pleyel est incontestablement devenu le lieu de la capitale où l’on entend le mieux le glockenspiel ou le triangle, la confusion de certains tutti, tendant même à la saturation, semble montrer que le «Philhar’» n’a pas eu le temps de maîtriser ce nouveau site aussi bien que l’Orchestre de Paris.


A l’autre extrémité de la longue vie de Strauss, la scène finale de Capriccio (1941) laisse quelque peu l’auditeur sur sa faim, apportant la seule (relative) déception de cette soirée. Non point que Soile Isokoski, parfaite artiste, ait démérité, malgré des aigus irréguliers, parfois un peu tendus et moins timbrés, mais ce monologue intimiste n’est peut-être pas fait pour un volume aussi grand que celui de Pleyel dans lequel la voix peine trop souvent à s’imposer. Sans doute les auditeurs de France Musique, qui diffusait ce concert en direct en même temps que dans le cadre des traditionnels échanges franco-allemands du vendredi, auront-ils bénéficié d’un meilleur équilibre entre la soprano finlandaise et l’orchestre.


Il est en outre dommage que Radio France n’ait pas cru bon de reproduire dans les notes de programme le texte chanté, omission d’autant plus regrettable que le soin apporté à leur présentation doit une fois de plus être souligné, avec d’excellentes introductions de Christian Wasselin et de pertinentes citations de Lenau, Dukas et Debussy («Entre les deux Strauss, je choisis Johann, entre les deux Richard, je choisis Wagner.»)


Au terme de leur précédente exploration straussienne (voir ici), Chung et son orchestre avaient déjà produit une belle impression dans Une vie de héros (1898). Choix opportun, au demeurant, que celui de ce poème symphonique, car par son aspect narratif comme par son propos, il forme une sorte de pendant à Don Juan, qu’il cite d’ailleurs généreusement. Adoptant des tempi toujours aussi enthousiastes quoique jamais précipités (moins de quarante-trois minutes), le chef estonien ne concède pas la moindre baisse de tension, même dans les pages un peu moins abouties de la partition, et obtient de l’orchestre, visiblement ravi de travailler avec lui, un luxe éblouissant de couleurs et de virtuosité.


Rarement en effet formation française aura sonné de façon aussi somptueuse, tel un grand orgue, mais au-delà de cette remarquable cohésion, et malgré un malheureux solo de cor final que l’on ne pourra que pardonner, il faudrait citer successivement tous les pupitres, à commencer par Svetlin Roussev, idéal de finesse et de précision dans les caprices (violonistiques, forcément) de La Compagne du héros. Emmenés par un formidable carré d’as – Magali Mosnier, Hélène Devilleneuve, Jérôme Voisin et Jean-François Duquesnoy – les bois livrent également une performance de premier ordre, mise en valeur par l’acoustique, qui éclaircit ainsi de façon spectaculaire le riche contrepoint des Adversaires du héros ou des Œuvres de paix du héros.


Comment dès lors ne pas être impatient de retrouver Paavo Järvi dans un tout autre répertoire (Haydn et Schubert) dès le 29 novembre prochain au Théâtre des Champs-Elysées, à la tête de la Philharmonie de Vienne, puis le 30 mai 2007 à Pleyel avec l’Orchestre de Paris dans un programme Sibelius/Chostakovitch?


Le site officiel de Paavo Järvi
Le site non officiel de Paavo Järvi



Simon Corley

 

 

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