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La relève assurée! Paris Salle Gaveau 10/09/2006 - Francesco Cavalli : Ercole amante Ismaël Gonzales (Hercule), Magali Arnault/Iulia Elena Surdu (Iole), David Hernandez Anfrus (Hyllus), Marianna Flores/Maria Hinojosa (Junon), Adrian George Popescu (Lychas), Ricardo Ceitil (le page), Ingeborg Dalheim (Cinthia, Belleza, Vénus française), Lauren Armishaw (Vénus), Vincent Vantyghem (Eutyros), Stéphanie Leclercq, Anne-Emmanuelle Davy et Virginie Thomas (Trois Grâces), Emmanuelle de Negri (Clerica, Aura1), Théophile Alexandre (Aura 2), Juliette Perret (Pasitea), Raphaël Pichon (Bussiride), Lior Leibovici (Ruscello, Laomedonte),
Chœur et Orchestre de l’Académie baroque d’Ambronay
Gabriel Garrido (direction) Chaque année l’académie baroque européenne d’Ambronay permet à de jeunes chanteurs de travailler une œuvre ancienne pendant plusieurs semaines, sous la direction des plus grands spécialistes. Honneur est rendu cette année à Francesco Cavalli avec un opéra peu joué, Ercole amante car mal reçu à sa création à Paris en 1662. En effet Lully, jaloux d’un certain succès de son collègue italien, a intégré à l’opéra des ballets dans la plus pure tradition française, laissant ainsi le public “s’ennuyer” pendant les parties chantées.
Cet opéra, servi par une longue distribution, donne à entendre beaucoup de chanteurs dont certains sont très prometteurs. Le rôle-titre échoit à Ismaël Gonzales qui rend hommage à la force d’Hercule notamment à la fin de l’opéra où il meurt avec des sursauts de vie. Il se montre toutefois froid, même s’il tente de jouer sur les nuances et les couleurs de sa voix en s’adressant à sa bien-aimée Iole.
Iole est chantée par les deux titulaires du rôle et elles dessinent un personnage totalement différent. Autant Magali Arnault brosse le portrait d’une jeune fille énergique et amoureuse, autant Iulia Elena Surdu campe une amoureuse un peu fade. Les voix sont également peu comparables puisque la première possède une voix corsée et elle utilise subtilement et musicalement le vibrato en fin de phrase.
Hyllus est également interprété par deux chanteurs mais seul le nom de David Hernandez Anfrus est mentionné sur le programme. Les deux ténors sont complémentaires parce que si le titulaire des trois premiers actes arbore une voix agréable, celui des deux derniers éprouve plus de difficultés dans les aigus mais se montre nettement plus expressif et plus investi dans son personnage.
Deux chanteuses aussi pour Déjanire et deux lectures différentes: Jana Levicova présente une Déjanire humaine mais parfois un peu criante tandis que Delphine Terrier joue davantage sur les nuances et la douleur du personnage avec des respirations, des retenues dans la conduite de la phrase vocale. Toutefois “Déjanire 1” est assez expressive dans les “ah” qui ponctuent sa première apparition et se montre proche du texte quand elle souligne le “respira” avec un fil de voix.
Marianna Flores et Maria Hinojosa se partagent également le rôle de Junon et si la première requiert tous les suffrages, la seconde déçoit beaucoup. C’est pourquoi il convient d’insister sur Marianna Flores car elle est une Junon idéale avec la rage nécessaire pour camper l’épouse de Jupiter. Elle alterne des couleurs sombres et des notes plus douces à la fin des phrases, la rendant presque humaine. Elle articule à l’extrême les mots pour leur donner plus de sens.
Ricardo Ceitil met sa voix au service du personnage ambigu du page. S’il ne fallait retenir qu’un seul point de sa prestation, ce serait l’extrême agilité de sa voix qui lui permet de soutenir un rythme rapide et de nuancer ses notes avec diverses teintes puisqu’il joue beaucoup sur les piani et les forte.
Ingeborg Dalheim s’améliore au fur et à mesure de la représentation car au début, en tant que Cinthia, la chanteuse dévoile une voix un peu stridente et elle peine dans les aigus. Mais lorsqu’elle revient à la fin de la soirée, dans le passage français, elle a plus d’assurance et sa voix est plus ronde, plus soutenue.
Adrian George Popescu est une sorte de caricature de Dominique Visse avec le talent en moins: il imite les notes de sa voix pointue, ses graves avec une sorte de ricanement, ses gestes saccadés… Dommage car ce jeune contre-ténor semble avoir des qualités mais qui sont assez difficiles à apprécier à cause de cette sur-imitation.
Le rôle de Vénus est tenu par Lauren Armishaw, une jeune soprano à la voix agile: elle campe avec brio la déesse de l’amour avec une certaine facilité pour dompter le rythme de la partition. La fraîcheur de sa voix est également à relever ainsi que la qualité de ses vocalises.
Vincent Vantyghem est l’un des meilleurs éléments de la distribution. Dès les premières notes il est évident que cette basse possède une solide expérience: ses notes sont stables, son incarnation du personnage est juste (l’ombre du père d’Iole), son aisance vocale est remarquable… Il possède toutes les qualités pour faire un excellent défenseur de tous les méchants que compte la tragédie lyrique.
Les rôles plus secondaires sont très bien tenus à commencer par les trois Grâces qui accompagnent Vénus: on ne peut que saluer leur élégance et l’harmonie de leurs trois voix. Stéphanie Leclercq, la mezzo, offre un soutien et un velours à l’ensemble, tandis que Anne-Emmanuelle Davy et Virginie Thomas illuminent la partition de leurs voix fraîches. Pasitea, en la personne de Juliette Perret, possède une voix puissante qui rend grâce au personnage. Emmanuelle de Negri et Théophile Alexandre, en Aura, complète agréable le tableau.
Gabriel Garrido insuffle une vie à l’œuvre avec des intentions très expressives: dans l’intervention de l’ombre d’Eutyros, il hache son discours avec des notes sans appel, très sèches. Toutefois il ne peut complètement contrôler les faux départs, les quelques couacs des instruments à vents. Les musiciens sont assez habiles pour se détacher de l’orchestre et il convient de noter les efforts des luthistes qui tentent de mettre un peu de rythme dans la partition, notamment dans le passage des Trois Grâces.
Amputée malheureusement de son aspect scénique, cette production d’Ercole armante aura permis de découvrir un opéra avec de très beaux moments (certes Cavalli reste et restera toujours connu pour son incomparable Calisto) et une distribution contenant quelques chanteurs à suivre de près et dont nous ne manquerons pas d’entendre parler dans les années à venir. Manon Ardouin
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