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Les ambitions de Colonne Paris Salle Gaveau 10/10/2006 - Francis Poulenc : Concert champêtre
François-Bernard Mâche : Braises
Olivier Greif : Symphonie n° 1
Igor Stravinski : Pulcinella (Suite)
Elisabeth Chojnacka (clavecin), Jacques Loiseleur des Longchamps (baryton)
Orchestre Colonne, Claire Gibault (direction)
La suite des «Paris de la musique» marquait également la rentrée de l’Orchestre Colonne: la rencontre entre le festival organisé par «Musique nouvelle en liberté» et l’association symphonique parisienne allait de soi, tant Laurent Petitgirard, qui a pris les rênes de l’orchestre depuis près de deux ans, a immédiatement affiché la couleur, programmant systématiquement de la musique contemporaine française en ouverture de chacun de ses concerts. Et la saison 2006-2007 demeure ambitieuse, par le choix tant des solistes (Gary Hoffmann, Kun-Woo Paik, Gabriel Tacchino) que des compositeurs (Decoust, Dusapin, Nigg, …). Il faut donc espérer que le public, attiré par un tarif unique à 10 euros, par la tenue de trois de ces concerts à Pleyel et par la présence des principales figures du répertoire (Beethoven, Brahms, Dvorak, Mendelssohn, Mozart, Prokofiev, Schumann) saura honorer une programmation aussi intelligente.
La première partie de la soirée mettait en vedette Elisabeth Chojnacka, d’abord dans un grand classique de la riche littérature que le XXe siècle a laissé à son instrument, le Concert champêtre (1928) de Poulenc: si le clavecin babille imperturbablement et avec entrain à la façon d’un Scarlatti, Claire Gibault lui donne une réplique particulièrement vigoureuse, l’ensemble prenant un caractère abrasif qui évoque le Concerto de Falla.
Le diptyque Braises (1995) de François-Bernard Mâche, interprété en sa présence, possède un titre on ne peut plus en harmonie avec la crinière flamboyante de la grande prêtresse du clavecin contemporain, créatrice de l’œuvre, qui se meut avec autant d’aisance dans les errances du premier mouvement que dans les rythmes déstabilisateurs du second, mouvement perpétuel tenant du dernier Ligeti ou du meilleur Reich, mais dont le foisonnement ethnique remonterait en même temps à Jolivet.
Disparu à l’âge de cinquante ans, Olivier Greif n’a écrit qu’une seule symphonie, qui n’en demeure pas moins intitulée Première (1997). A l’image d’un Nicolas Bacri, il se place dans la descendance des symphonies de Mahler et Chostakovitch: ces cinq brefs mouvements d’une durée totale de vingt minutes n’en adoptent certes ni la durée ni l’effectif instrumental, mais n’en retiennent pas moins certains traits stylistiques et, surtout, recourent à part entière à l’élément vocal. Le dépouillement des moyens techniques et expressifs, tel ce quatrième mouvement presque entièrement construit sur une seule note, fait songer à la Troisième symphonie de Gorecki, comme la façon dont le baryton, face à un orchestre tour à tour blême et implacable, semble incarner l’élément humain, entonnant une sorte de De profundis dont les textes (de Paul Celan) sont indéniablement laïcs mais dont la musique, par exemple dans le choral du deuxième mouvement, trahit une inspiration plus spirituelle. Jacques Loiseleur des Longchamps s’attache à une bonne diction des poèmes (en allemand) et défend magnifiquement une partition qu’il connaît bien pour en avoir assuré la première, même si l’accompagnement tend parfois malheureusement à le couvrir.
La conclusion permettait de revenir à une atmosphère nettement plus ensoleillée, et au néoclassicisme qui avait ouvert le programme, avec la Suite tirée de Pulcinella (1920) de Stravinski, que l’on peut cependant rêver, au-delà d’approximations instrumentales trop nombreuses, moins aimable et empesée, plus verte et mordante, plus légère et distanciée.
Le site de l’Orchestre Colonne
Le site de l’Association Olivier Greif
Simon Corley
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