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Imprévisible Kissin

Paris
Salle Pleyel
10/06/2006 -  
Olivier Messiaen : Un sourire
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour piano n° 24, K. 491
Henri Dutilleux : Mystère de l’instant
Robert Schumann : Concerto pour piano, opus 54

Evgueny Kissin (piano)
Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


Associé en 2002 (voir ici) et en 2004 (voir ici) à l’Orchestre national, Evgueny Kissin était cette fois-ci l’invité de l’Orchestre philharmonique de Radio France. Alors même que sa venue pour un seul concerto aurait suffi à créer l’événement et à remplir la Salle Pleyel, il avait décidé pour l’occasion d’en présenter deux: une aubaine qui a donc attiré, sous une pluie battante, l’affluence des grands jours Faubourg Saint-Honoré.


Si le triptyque ouverture/concerto/symphonie offre une solidité à toute épreuve, il est plus difficile en revanche de construire un programme autour de deux concertos, saluant en l’occurrence deux des «vedettes» de cette année 2006, Mozart et Schumann: le choix consistant à les faire précéder chacun d’un compositeur français contemporain, pour étonnant qu’il ait pu paraître, était pourtant pleinement justifié. Cette alternance d’oeuvres orchestrales et concertantes nécessitait il est vrai de nombreux changements de configuration, mais elle aura permis de mettre en valeur les prouesses techniques qu’autorise désormais la nouvelle salle – ainsi, le piano, dissimulé sous la scène (en dessous de l’estrade du chef), s’élève-t-il lentement pour rejoindre le plateau, soulevant des applaudissements admiratifs – même si l’allumage intempestif des lumières durant le concert, comme deux jours plus tôt avec l’Orchestre de Paris, demeure problématique.


D’un anniversaire à l’autre, d’un directeur musical (Marek Janowski) à l’autre (Myung-Whun Chung), l’Orchestre philharmonique reprenait d’abord Un sourire, pièce qu’il avait commandée à Messiaen en 1991, dans le cadre d’une autre «année Mozart». D’une grande simplicité de construction et de propos, elle ne se compare certainement pas aux grandes réussites de Messiaen et Chung, s’il l’apprécie suffisamment pour l’avoir enregistrée quand il était directeur musical de l’Opéra national de Paris, en tire ici le maximum, à la tête d’un orchestre éthéré, inhabituellement dépourvu de contrebasses.


Messiaen ayant laissé une célèbre analyse des concertos pour piano de Mozart, l’enchaînement avec l’un d’entre eux, le Vingt-quatrième (1786), était tout naturel. Si ce concerto n’est certes pas le plus «souriant», tant s’en faut, Kissin en accentue néanmoins le côté sérieux, intimidant et dépouillé. Indéniablement exigeant, regardant vers Bach tout en rendant justice à l’énergie beethovénienne de la cadence de l’Allegro initial, il surprend cependant parfois par une articulation trop raide et des accents très marqués. En outre, à force d’être analytique, l’acoustique ne favorise pas la fusion des timbres et révèle au grand jour le moindre décalage entre le soliste et l’orchestre.


En début de seconde partie, Mystère de l’instant (1989) de Dutilleux constitue sans doute le plus beau moment de la soirée, tant par l’intensité frémissante que Chung y insuffle que par la cohésion dont font preuve les cordes du Philhar’. Présent, comme de coutume, pour remercier les musiciens, le compositeur reçoit un accueil triomphal du public. Au-delà de styles bien évidemment très différents, le rapprochement entre Dutilleux et Schumann était opportun, car il suggère des affinités réelles, que ce soit une expression profondément poétique, une prédilection pour les atmosphères nocturnes ou aussi, de façon plus anecdotique, le jeu sur les correspondances entre l’alphabet et la dénomination anglo-saxonne des notes.


Avec le Concerto pour piano (1845) de Schumann, Kissin est bien loin des maniérismes qui avaient exaspéré dans Beethoven voici deux ans: minutieux et introspectif, réservant des moments d’une très grande originalité (cadence du premier mouvement), il déçoit en revanche par un jeu souvent dur et martelé, alternant curieusement respect rigide de la mesure et rubato insensé, comme peu avant la coda de l’Allegro vivace final. Peu d’affettuoso dans l’Allegro initial, à peine plus de grazioso dans l’Intermezzo, ce n’est que rarement que l’on trouvera l’expression et la spontanéité, malgré un accompagnement nettement plus inspiré qu’en première partie.


Comme à l’accoutumée, les rappels font surgir les admirateurs du pianiste russe, qui lui remettent des fleurs ou les lancent même depuis le parterre. Toujours aussi généreux en bis, il débute fort logiquement dans la continuité des deux concertos qu’il vient de donner, avec l’Alla turca qui conclut la Onzième sonate (1778) de Mozart, ludique et mécanique, puis la transcription par Liszt de Widmung, première des mélodies du cycle Myrthen (1840), où panache et liberté reprennent enfin leurs droits. Les spectateurs obtiendront encore la Première des Valses de l’opus 64 (1847) de Chopin, miraculeusement fluide et légère, dans l’attente de retrouver Kissin le 26 juin prochain au Théâtre des Champs-Elysées pour un récital Schubert, Beethoven, Brahms et Chopin.



Simon Corley

 

 

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