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La valeur n’attend point le nombre des années

Paris
Jardin des serres d’Auteuil (Pavillon des azalées)
09/02/2006 -  
Hugo Wolf : Sérénade italienne
György Kurtag : Douze microludes, opus 13
Maurice Ravel : Quatuor

Quatuor Amedeo Modigliani: Philippe Bernhard, Loïc Rio (violon), Laurent Marfaing (alto), François Kieffer (violoncelle)


Organisé en deux temps comme de coutume (fin juin puis fin août/début septembre), le festival «Les solistes aux Serres d’Auteuil» a repris son cours, proposant notamment, parallèlement à des interprètes reconnus (Nicholas Angelich, Stéphanie-Marie Degand, Marc Coppey, …), quatre «concerts-tremplins», dont celui du Quatuor Amedeo Modigliani. Nombreuses sont les formations (Michelangelo, Molinari, Mondriaan, Renoir, Turner, Vermeer, …) qui ont opté pour le nom d’un peintre, tant sans doute les correspondances entre ces deux arts sont riches et nombreuses, et il n’est donc pas surprenant que ces quatre étudiants au CNSMDP aient effectué un tel choix en 2003.


Leurs mentors au CNR de Paris, à savoir les membres du Quatuor Ysaÿe, lorsqu’ils ont créé au sein de leur propre maison de disques (Ysaÿe records) la collection Nascor consacrée aux jeunes talents, leur ont offert d’en enregistrer le premier volume, qui comporte notamment la brève Sérénade italienne (1887) de Wolf, mais l’acoustique réverbérée du Pavillon des azalées ne rend hélas pas parfaitement justice à la subtilité fourmillante de la partition.


Derrière l’écriture économe des aphorismes postweberniens que constituent les Douze microludes (1977) de Kurtag, le Quatuor Modigliani, par son engagement, débusque la véhémence, la tension et la noirceur. Rien de… ludique, par conséquent, si ce n’est le pari, parfaitement tenu, consistant à s’investir à chaque fois pour quelques mesures dans des climats fort différents.


On comprend aisément que les musiciens aient eu à cœur de se confronter à leurs aînés dans une œuvre qui est peut-être le Quatuor «français» par excellence, celui de Ravel (1905), mais on ne pourra en tout cas pas leur reprocher, dans une lecture extravertie et séduisante, aux contrastes exacerbés et pleine de tempérament, de suivre la voix (ou la voie) de leurs maîtres du Quatuor Ysaÿe: Allegro moderato travaillé jusqu’au maniérisme, où, avec des ralentis qui viennent souvent souligner les fins de phrases, la pâmoison semble menacer à chaque instant; Scherzo dans lequel les pizzicati claquent de façon vigoureuse et spectaculaire, suscitant des applaudissements spontanés; Très lent prodigue en vibrato et portamento, prenant le tour d’une ballade fantastique et postromantique, dans l’esprit de la Nuit transfigurée; Vif et agité final plein d’élan, mettant en lumière de façon assez inhabituelle la fougue juvénile d’un compositeur de vingt-huit ans


Se déclarant, par la voix de leur premier violon, Philippe Bernhard, touchés de l’accueil particulièrement chaleureux que leur réserve le public, les Modigliani remercient par trois bis généreux, qui prolongent quasiment de moitié le programme initial. Tranchants et spirituels, ils font montre d’une belle maîtrise du style classique dans l’Allegro con brio qui conclut le Soixante-quatorzième quatuor «Le Cavalier», troisième de l’opus 74 (1793) de Haydn, mettant en valeur les surprises que réserve sans cesse le discours. Le Langsamer Satz (1905) de Webern, à la fois intense et remarquablement construit, convient admirablement à leurs archets expansifs et le Presto final du Neuvième quatuor (1806) de Beethoven, conjuguant risques et enthousiasme, ne sera pas de nature à calmer l’ardeur des spectateurs: de fait, on ne se souvient pas d’avoir assisté à un concert de musique de chambre prenant fin par une standing ovation, saluant en l’espèce un ensemble dont l’homogénéité et la personnalité plus que prometteuses confirment que «la valeur n’attend point le nombre des années».



Simon Corley

 

 

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