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Double anniversaire Chaise-Dieu Abbatiale 08/18/2006 - Wolfgang Amadeus Mozart : Thamos, Roi d’Egypte, extraits de la musique de scène, K. 336 [345] – Concerto pour piano n° 24, K. 491 – Symphonie n° 36 «Linz», K. 425
Andreas Staier (pianoforte)
La Chambre philharmonique, Emmanuel Krivine (direction)
Fondé en 1966 par Georges Cziffra, le Festival de La Chaise-Dieu présente cette année sa quarantième édition: trente-huit concerts traduisent l’ampleur prise depuis le milieu des années 1970, sous l’impulsion de Guy Ramona puis de Jean-Michel Mathé, par cette manifestation qui laisse toujours une grande place à la musique sacrée, du grégorien à Tavener, en passant par Tallis, Vittoria, Gabrieli, Gesualdo, Schmelzer, Stradella, Caldara, Perti, Bach, Haendel, Haydn, Mozart, Brahms et Rachmaninov. De même, le souci de «recréer» des partitions oubliées demeure l’une des caractéristiques de La Chaise-Dieu, avec cette fois-ci Il martirio di Sant’Orsola d’Alessandro Scarlatti ou la Messe «In nomine Domini» de Perti.
Mais le répertoire symphonique se maintient à la place qu’il occupe depuis ces dernières années: de ce fait, si les meilleurs ensembles anciens ou baroques (Tallis Scholars, Akadêmia, Concerto italiano, A sei voci, Orchestre baroque de l’Union européenne, The Sixteen, Gabrieli Consort, Le concert de l’Hostel Dieu, La Fenice, ...) continuent d’être de la partie, six orchestres symphoniques sont par ailleurs invités. En outre, l’association de quatre autres communes de la région (Le Puy-en-Velay, Chamalières-sur-Loire, Brioude et Ambert), qui accueillent plus du tiers des spectacles, se poursuit, de même que les actions à destination de la jeunesse (concert ouvert aux élèves des écoles de musique du département, atelier d’écoute destiné aux enfants du canton) ainsi que l’académie, formée d’une dizaine de jeunes instrumentistes à vent, qui donneront des sérénades dans le cloître, des répétitions publiques et un concert de clôture.
La continuité domine donc – mais pourquoi irait-on bouleverser une recette au succès incontestable? – au point que l’on pourrait, sans exagérer, estimer que la principale évolution se limite au lifting opéré sur le somptueux livre-programme, dont la vente demeure cependant toujours assurée par ces bénévoles juniors habillés de leur traditionnelle cape sombre. Seul bémol, corollaire sans doute inévitable du prestige qui s’est attaché au fil des années à ce festival et d’un budget au sein duquel subventions publiques et mécénat privé ne représentent que la moitié des recettes, le prix des places disposant d’une bonne visibilité reste relativement élevé, d’autant que les concerts gratuits, au nombre de trois en 2005, ont été réduits à une aubade offerte au Puy. Il convient en revanche
de relever que les conférences de présentation proposées en introduction à
huit concerts sont en accès libre, de même que neuf "sérénades" données
avant certains concerts, et que jeunes et étudiants peuvent bénéficier de tarifs spécifiques.
Le festival a structuré sa programmation autour de plusieurs thématiques («Trésors baroques italiens», «Vienne, capitale musicale», la Russie, ...) et, s’il fête ses quarante ans avec une légitime fierté, n’échappe évidemment pas à un autre anniversaire, celui de Mozart, bien entendu, dont les œuvres constitueront tout ou partie de six programmes, à l’image du concert d’ouverture confié à La Chambre philharmonique, dirigée par son chef et fondateur, Emmanuel Krivine. Comme de coutume, les concerts à l’abbatiale sont précédés d’une brève intervention de l’orgue, toujours très appréciée du public et confiée en l’espèce à Paul Goussot, pour une assez terne «improvisation style Mozart».
Faire preuve d’originalité dans cette année Mozart célébrée aussi bien par les institutions au cours de leur saison que par les festivals durant l’été relève autant de la nécessité, sous peine de passer inaperçu, que de la gageure, tant il faut de l’imagination pour se distinguer dans un hommage aussi universel. La solution la plus simple consiste, dans cet immense catalogue, à puiser parmi les partitions négligées: ainsi de ces cinq entractes extraits de la musique composée pour des représentations de la pièce Thamos, Roi d’Egypte (1774-1779), d’esprit très Sturm und Drang. La nervosité de Krivine sied à ces brusques changements de climat, même si la réverbération naturelle du lieu ne rend pas nécessairement justice à cette vision dramatique au sens propre du terme.
Soliste du Vingt-quatrième concerto (1786), Andreas Staier s’était révélé bien plus convaincant voici quelques semaines à Paris dans deux autres concertos (voir ici). En effet, indépendamment de la difficulté pour le pianoforte de s’imposer dans un espace aussi vaste, à la déconvenue visible de certains spectateurs peu familiers de l’instrument, d’autant que comme à son habitude, le pianiste allemand prend le parti, tel un continuiste, d’accompagner les tutti de façon le plus souvent inaudible, les intentions didactiques l’emportent sur la dimension tragique, le souffle, l’élan, l’urgence et la grâce, malgré les incitations d’un orchestre pourtant abrupt et dynamique. En bis, la poésie reprend brièvement ses droits, avec l’Andante pour orgue mécanique (1791) diaphane, comme venu d’un autre monde.
Durant l’entracte, l’inauguration des nouvelles illuminations du parvis et du cloître donnait lieu à un spectacle d’une vingtaine de minutes intitulé «Rémanences», sur des images et une musique de Damien Fontaine. Mais ceux qui ont eu le courage d’affronter la fraîcheur des soirées d’été altiligériennes et les risques de torticolis en ont été pour leurs frais: projections confuses sur la façade de l’abbatiale, s’insérant difficilement parmi les reliefs, les anfractuosités et les vitraux du bâtiment, et brouet sonore d’une rare insipidité, à côté duquel Jean-Michel Jarre fait figure de génie, se mettent au service d’un propos pour le moins nébuleux. Face à cette pyrotechnie virtuelle un peu vaine, le feu d’artifice final, bien réel quant à lui, n’en aura pas moins dispensé quelques touches plus oniriques et festives.
A la reprise, la Trente-sixième symphonie «Linz» (1783) semble comme nourrie de ces fusées multicolores: vive et roborative, sans excès d’emphase, efficace dans sa manière de ne pas chercher pas midi à quatorze heures, cette lecture bute toutefois ici ou là sur des problèmes de précision et de justesse de l’orchestre, mais elle reçoit à juste titre un accueil chaleureux, qui conduit les musiciens à reprendre l’Andante.
Le site du Festival de La Chaise-Dieu
Simon Corley
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