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“Sur les remparts… Don Giovanni!” Saint-Céré Château de Castelnau 07/27/2006 - et les 2, 7, 11 et 14 août 2006. Wolfgang Amadeus Mozart : Don Giovanni
Christophe Lacassagne (Don Giovanni), François Harismendy (Leporello), Stéphane Malbec-Garcia (Don Ottavio), Jean-Claude Sarragosse (Mazetto), Vincent Pavesi (Commandeur), Cécile Perrin (Donna Anna), Karine Godefroy (Donna Elvira), Pauline Courtin (Zerlina)
Patrice Gouron (décors, costumes, lumières), Olivier Desbordes (mise en scène)
Choeur et Orchestre du festival
Dominique Trottein (direction) En ces temps de commémoration mozartienne, le festival de Saint-Céré ne pouvait déroger à la règle et Olivier Desbordes a programmé un certain nombre d’oeuvres du compositeur notamment Don Giovanni, qu’il choisit de présenter dans la cour du château médiéval de Castelnau-Bretenoux. Le spectacle est très bien conçu et la distribution reste tout à fait honnête.
Don Giovanni reçoit ce soir dans son château et Olivier Desbordes se sert du cadre exceptionnel pour élaborer la mise en scène. Un plateau est reconstitué au milieu de la cour et par terre, dans du gravier et du sable, gisent des tableaux de femmes, plus ou moins belles, qui sont apparemment les conquêtes de Don Giovanni. La couleur dominante des costumes est le blanc et les vêtements, portés par les chanteurs, sont assez sommaires mais forment une belle harmonie. Les femmes ont des robes très simples et les hommes des semblants de costumes mais ils sont assez débraillés, presque en chemise. On se croirait dans un rêve, avec des fantômes…Les accessoires sont réduits, une chaise puis une table pour la dernière partie de l’opéra. Leporello place des croix grises tout autour du plateau à partir de la scène au cimetière. En revanche le château est exploité puisque Donna Elvira se promène sous les arcades pour son entrée en scène et elle se met sur les remparts pour écouter la sérénade de Don Giovanni-Leporello.
Christophe Lacassagne est difficilement convaincant en Don Giovanni: il n’a rien des Don Giovanni charmeurs, séduisants que l’on a l’habitude de voir. Il propose alors une lecture assez originale de l’opéra: il campe un Don Giovanni véhément, hypocrite, presque méchant. Au fur et à mesure de la représentation, il devient de plus en plus hagard, spécialement dans l’air du champagne, qu’il chante avec grand aplomb, pour finir presque fou au moment du repas. Mais il sait aussi se montrer très doux lors de la sérénade “deh vieni alla finestra” qu’il adresse davantage à Elvire, partie avec Leporello, qu’à la servante d’Elvire. Sa prestation vocale est très bonne mais n’est pas forcément en adéquation avec ce qu’il tente de montrer en scène.
Donna Elvira est défendue par Karine Godefroy qui apporte beaucoup de grâce et d’humanité au personnage. Elle n’est pas une Elvira hystérique et coléreuse, juste ce qu’il faut pour suggérer la douleur du personnage. Son air “mi tradi” (déplacé au début du premier acte) est chanté avec inspiration: le récitatif est bien amené, elle distille les mots grâce à une bonne prononciation pour ensuite laisser parler sa colère dans le corps de l’air. Elle y souligne beaucoup les “tormento” et son indignation croît au fur et à mesure.
Leporello trouve en François Harismendy un excellent serviteur. Dès ses premières notes, le baryton met en place un personnage et une dramaturgie: peu à peu il cesse d’être le valet de Don Giovanni pour prendre le pas sur son maître grâce à une incroyable autorité vocale. L’air du catalogue est habité, joué, presque vécu et une complicité s’installe avec Elvire qui se décompose au fur et à mesure: il colore sa voix de mille nuances quand il évoque les “femmes” de Don Giovanni, s’attendrissant sur certaines, etc… Dans le deuxième acte, son personnage prend de l’importance et il tente le pari de feindre de réellement être charmé par Elvira et ses cris de défense quand il se retrouve au milieu de tous les autres protagonistes, sonnent justes.
Pauline Courtin domine la distribution féminine. La voix est claire, stable, le timbre est fruité et personnel. Elle joue une Zerline pleine de tendresse envers son Mazetto mais également fascinée par Don Giovanni. Ses airs sont très bien exécutés avec une attention sur la prononciation qui lui permet de rendre son personnage encore plus présent. On aimerait l’entendre dans des rôles plus longs car elle servirait bien les soubrettes comme Susanna ou Despina.
Cécile Perrin possède un instrument puissant, des aigus bien présents et une intensité dramatique intéressante. Le parti pris d’Olivier Desbordes est de montrer une Donna Anna plutôt consentante, même si elle est masquée, mais Don Giovanni perd tout crédit auprès d’elle à partir du moment où il tue son père. Si elle est plutôt bonne dans le début de l’opéra, la voix se fatigue un peu et les deux airs sont un peu au-dessus de ses moyens: elle remplace l’absence de puissance dans certains aigus par des notes en mezza-voce qui sont du plus bel effet et finalement tout cela passe plutôt bien. C’est surtout dans les récitatifs qu’elle montre son talent car elle revit, dans le début de “or sai chi”, la scène avec Don Giovanni.
Autant Stéphane Malbec-Garcia avait fait bonne impression dans L’Enlèvement au sérail, autant dans le rôle de Don Ottavio, il semble plus en retrait. La mise en scène le peint comme un personnage assez fade et statique, il regarde constamment Donna Anna, agit à sa demande mais ne prend presque jamais aucune initiative gestuelle. Pourquoi pas? Le “dalla sua pace” est correctement exécuté avec de jolies notes et un phrasé doux mais il n’”explose” pas comme dans le rôle de Belmonte: son chant est tout en retenue et il attaque quelques-unes de ses notes sur des mezza-voce. L’absence de “Il mio tesoro” ne permettra pas de découvrir ce ténor dans la totalité du rôle.
Le commandeur est chanté par Vincent Pavesi qui est une basse très prometteuse. ll brosse le portrait d’un père prêt à défendre l’honneur de sa fille et il apparaît déjà tel un spectre avec une grande robe blanche et des cheveux plaqués gris-blancs. Vêtu de la même manière, il revient pour le dîner avec Don Giovanni et on ne peut que louer sa présence scénique. Son chant, presque effrayant dans cette partie, est tout aussi remarquable avec des graves affermis, une stabilité dans l’émission de la voix.
Le rôle de Mazetto est tenu par Jean-Claude Sarragosse qui met sa grosse voix au service du paysan. Il peut utiliser la puissance de son instrument pour donner tout son sens aux mots “vengo” et “bricona” dans son air “Ho capito”. Il est très à l’aise en scène et apporte une vraie dimension à son personnage sans en faire un rustre.
Dominique Trottein ne ménage pas ses efforts pour apporter des images à la musique de Mozart: il raconte véritablement une histoire et ce dès l’ouverture qu’il dirige assez vivement. La scène finale est particulièrement évocatrice car il donne des accents avec l’orchestre à chaque changement de phrase.
Après avoir subi un Don Giovanni déplacé et vulgaire à Garnier, quel bonheur de se retrouver seul à seul avec la musique de Mozart sans masques de Mickey, sans ascenseurs, sans agenda électronique, etc… Le lieu se prête très bien à une plus grande intimité et à la concentration du drame: les chanteurs s’unissent pour défendre au mieux cette oeuvre et on ne peut que saluer leur jeunesse, leur enthousiasme et leur ardeur! Manon Ardouin
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