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Hommage à Jean-Luc Gester

Strasbourg
Eglise protestante St.-Pierre-le-Jeune
06/06/2006 -  
Henri Hardouin : Deux Leçons de ténèbres, Stabat Mater
Jacques Antoine Denoyé : Messe à grand chœur & symphonie
Sébastien de Brossard : Deux Motets
Michel Corette : Voix humaine

Luanda Siqueira, Mathilde Etienne, Aniella Zins, Sylvie Kolb , Magdalena Lukovic (dessus), Sacha Hatala, Rodrigo del Pozo, Marie Virot (bas dessus & haute-contre), Romain Champion, Benoît Porcherot (haute-contre et taille), François Piolino, Michael Meier, Dominique Debes (taille), Jean-Louis Georgel, Nicolas Rouault, Jean Moissonnier, Hugo Pieri, Frédéric Cottereau (basse-taille/basse), Stéphanie Pfister, Sophie Iwamura, Dina Kurmanalinova, Myriam Mahnane (violons 1), Caroline Gerberr Clémence Schaming, Blanka Nieciag, Pierre Pascal (violons 2), Patrick Langot, Lisa Erbes, Florence Doé de Maindreville (basse de violon), Ronald Martin (contrebasse), Marta Kratochvilova, Rachel Mathis (flûtes), Joanne Maître, Nathalie Petibon (hautbois), Emmanuel Vigneron, Alain Sobczak (bassons), Aline Zylberajch (orgue), Martin Gester (direction)


À quelques semaines près le musicologue et organiste Jean-Luc Gester aurait pu assister à ce long concert du Parlement de Musique, consacré à des compositeurs qu’il a redécouverts, parmi d’autres : Capricornus, la Passion selon saint Matthieu de la Bibliothèque d’Uppsala… près de 400 partitions restituées, et parmi elles des révélations qui ont durablement conforté le devenir du Parlement de Musique à ses débuts.


Mais le cancer contre lequel Jean-Luc Gester a longtemps combattu en a décidé autrement. Le retour à la vie des œuvres de deux musiciens oubliés, retrouvées et restituées grâce à l’énergie d’un travailleur infatigable, se double dès lors d’un hommage public, rendu par la famille et les amis de Jean-Luc Gester présents en grand nombre tant dans l’assistance que dans les chœurs et l’orchestre. Cette soirée organisée rapidement constitue donc bien plus qu’un simple concert, dans une ambiance à la fois prégnante et rassérénante, à l’image de ces musiques ressurgies d’un passé lointain.


Henri Hardouin (1727-1808) fut le maître de musique de la maîtrise de la Cathédrale de Reims pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle : un compositeur liturgique très productif (plus d’une cinquantaine de messes répertoriées, dont beaucoup nous sont parvenues relativement complètes, encore conservées à Reims aujourd’hui) assez tardif dans le siècle pour bénéficier d’une influence allemande significative, même s’il reste fondamentalement d’un style français typique de l’Ancien Régime, encore proche de celui de Rameau. Restitué et analysé par Jean-Luc Gester, le Stabat Mater d’Hardouin, qui date vraisemblablement des années 1780, est une adaptation libre du Stabat Mater de Joseph Haydn. Hardouin restructure et réinstrumente largement l’original haydnien, voire le complète par des sections nouvelles entièrement de sa plume : un curieux hybride, à vrai dire, mais qui s’écoute avec plaisir, le charme mélodique typique de Haydn venant s’associer avec une transparence de la trame instrumentale liée à une autre tradition, style composite que la direction précise de Martin Gester met en lumière avec beaucoup d’à propos.


En seconde partie ressurgit une autre silhouette historique, encore bien moins bien documentée : Jacques Antoine Denoyé, musicien strasbourgeois, directeur de la musique de la Cathédrale de Strasbourg entre 1757 à 1759, dont il nous reste peu de partitions, la plupart ayant semble-t-il été détruites pendant la période révolutionnaire. C’est au hasard de recherches sur internet que Jean-Luc Gester a retrouvé la trace du manuscrit de cette Messe de Denoyé… dans l’inventaire de la Bibliothèque royale de Stockholm. Son travail de restitution, achevé récemment, révèle un ouvrage de proportions assez grandioses, d’un style français proche de la musique versaillaise de l’époque. Quelques années plus tard, avec l’arrivée en Alsace du compositeur de l’Ecole de Mannheim Franz Xaver Richter, suivi d’Ignace Pleyel, lui-même élève de Haydn, la musique de la Cathédrale de Strasbourg va connaître une période de rayonnement importante mais aussi un complet changement de style. À ce titre, disposer d’un document de première main sur la période précédente est évidemment précieux, ce d’autant plus que cette Messe très structurée se révèle d’une écriture fluide et limpide, articulée en séquences qui s’enchaînent avec une pertinence dramatique parfois proche de l’opéra français. Une unité que Martin Gester a souhaité interrompre par des « intermèdes » choisis dans l’œuvre de Sébastien de Brossard, autre maître de chapelle strasbourgeois, mais beaucoup plus ancien : mise en perspective évidemment pertinente mais qui brouille un peu la perception de l’ouvrage de Denoyé. En tout cas la découverte est intéressante, et elle est ici défendue par un effectif important dont on a souhaité citer plus haut le nom de chaque participant, tant toutes ces bonnes volontés, qui dépassent le cadre habituel du Parlement de Musique, s’associent en une même vitalité fervente, qui transcende la simple satisfaction d’une découverte musicologique utile.


Peu avant la fin du concert, entre deux pages chorales de la Messe de Denoyé, Martin Gester s’efface quelques instants pour laisser son neveu le petit Clément, 10 ans, fils de Jean-Luc Gester, interpréter une brève page de Corette pour flûte à bec, accompagné par quelques membres du Parlement de Musique. Malgré le deuil récent qui le frappe l’enfant reste concentré, joue juste et dignement, jusqu’aux petites ornementations qu’il détaille à leur juste valeur, sans s’y attarder. Symbole fort et porteur d’espoir, pour cette soirée donnée au bénéfice des missions quotidiennes de l’Unicef, en faveur d’une enfance mieux aidée et respectée dans le monde.



Laurent Barthel

 

 

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