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Le roi Boulez

Paris
Théâtre du Châtelet
06/10/2006 -  et 13 et 16 juin 2006
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé
Béla Bartok : A Kékszakallu herceg vara, opus 11, sz. 48

Jessye Norman (Judith), Peter Fried (Barbe-Bleue), Frigyes Funtek (récitant)
Chœur de l’Orchestre de Paris, Didier Bouture et Geoffroy Jourdain (chefs de chœur), Orchestre de Paris, Pierre Boulez (direction)


Pour ses derniers concerts de la saison dans la capitale, l’Orchestre de Paris conclut sur un feu d’artifice, en présentant à trois reprises au Châtelet un somptueux programme de près de deux heures, pour lequel il fait appel à Pierre Boulez, qui, avec ces deux grandes œuvres scéniques exactement contemporaines et d’un seul tenant, se trouve en même temps à nouveau dans son répertoire d’élection, la musique du XXe siècle, et ce à la tête de la formation parisienne avec laquelle il a entretenu au fil des ans la relation la plus continue et la plus fructueuse.


Dans Daphnis et Chloé (1912) de Ravel, si la manière du chef français s’est quelque peu arrondie, ce qui convient évidemment à une orchestration aussi sensuelle, elle demeure allante (un peu moins de cinquante-trois minutes) et pas une de ses qualités ne manque à l’appel: précision de la mise en place, transparence des sonorités (début du Lever du jour), maîtrise des progressions, mais aussi refus du décoratif, sens dramatique et virulence (Danse guerrière, Danse générale finale). Le Chœur de l’Orchestre de Paris se fond dans ces splendides couleurs instrumentales, mais n’en négocie pas moins avec tenue les périlleuses pages a capella.


Dans Le Château de Barbe-Bleue (1911) de Bartok, Boulez retrouve la Judith de son enregistrement paru chez Deutsche Grammophon, rien moins que Jessye Norman. La cantatrice américaine, robe et bandeau verts émeraude, stupéfie à nouveau par la manière dont elle parvient à incarner son personnage, même dans cette version de concert où elle est à moitié dissimulée derrière un haut pupitre et une immense partition: campant avec un admirable professionnalisme une amoureuse postromantique plutôt qu’une instance morale, non seulement elle y met toutes ses qualités – notamment un timbre reconnaissable entre mille ainsi qu’un rayonnement et une puissance intacts – mais elle sait aussi tirer parti de quelques faiblesses passagères.


A ses côtés, Peter Fried est un Barbe-Bleue extrêmement convaincant, tant techniquement, avec une voix claire et juste sur l’ensemble de la tessiture, que dramatiquement, dans la morgue et la froideur initiales aussi bien que dans le registre lyrique, après l’ouverture de la septième porte. Toujours respectueux du texte jusqu’à maintenir le rôle parlé du Barde au tout début de l’opéra, confié à Frigyes Funtek, Boulez chauffe à blanc un Orchestre de Paris tendu et acéré, qui a, du coup, quelque peu tendance à couvrir les chanteurs, sans abandonner pour autant le raffinement de Daphnis (ouverture de la sixième porte).


Après huit minutes d’ovations, Boulez, visiblement ravi, en devient même blagueur et va pour s’asseoir sur l’un des deux fauteuils néogothiques rouges devant lesquels les protagonistes ont chanté: il n’en fera rien, bien entendu, mais chacun n’en pense pas moins que c’est lui le roi de cette soirée.



Simon Corley

 

 

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