About us / Contact

The Classical Music Network

Strasbourg

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Sagesse et sérénité

Strasbourg
Palais de la Musique et des Congrès
06/02/2006 -  
Joseph Haydn : Symphonie No 86
Richard Strauss : Capriccio , introduction. Vier letzte Lieder.

Anne Schwanewilms (soprano), Orchestre Philharmonique de Strasbourg, Armin Jordan (direction)

Au cours de la longue et grise période d’intérim actuelle, qui a vu l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg privé de chef titulaire pendant plusieurs saisons consécutives, chacun des passages d’Armin Jordan a fait figure d’agréable éclaircie. Le chef suisse avance en âge au point de se classer désormais parmi les doyens de la direction d’orchestre mais il n’a rien perdu de son savoir faire, forgé au cours de longues années passées à la tête de phalanges pas toujours brillantes dont il a invariablement tiré le maximum. A présent s’ajoute à cette expérience une indiscutable aura, celle d’un chef d’un rigoureux classicisme qui n’a plus rien à prouver, se contentant d’aller droit au but, de concert avec des musiciens qui manifestement l’apprécient beaucoup, tant artistiquement qu’humainement.


Son interprétation de la Symphonie No 86 de Haydn évoque vraiment cela : une sérénité, une évidence, une apparente décontraction dans le jeu, qui tourne le dos aux esthétiques plus resserrées et quémandeuses d’attention mises à la mode par la mouvance baroque. Les tempi respirent naturellement, rien n’est précipité, les phrases semblent se poser toutes seules, et force est de reconnaître que la musique de Haydn, ainsi respectée, à tout y gagner. L’orchestre prend quelques mesures avant de s’acclimater (un tel naturel dans le jeu, s’il est facile à intégrer intellectuellement, est sans doute beaucoup moins facile à concrétiser en pratique), voire rate quelques synchronisations sur les premiers tutti, et puis tout se met naturellement en place : on prend son temps, on s’écoute, voire on s’amuse (délicieux Trio du 3e mouvement). Papa Haydn dirigé par grand papa Jordan : on est quasiment en famille… et on se sent si bien ainsi !


Plus ambitieuse, la seconde partie de ce concert relativement court ne commence pas au mieux. On n’est pas certain que le Sextuor initial de Capriccio soit vraiment à sa place au concert symphonique, même s’il constitue un préambule pertinent à des Lieder de Strauss. L’effectif retenu semble trop lourd, ou du moins nécessiterait dans ce cas un véritable engagement de toutes les cordes, à la recherche d’une sonorité à la fois très transparente et très présente, ce qui n’est que rarement obtenu ici. L’impression reste mitigée, celle d’une musique aux couleurs un peu passées, qui aurait besoin d’une cure d’oxygène pour mieux assumer sa mélancolie.


Avec les Vier letzte Lieder, l’équilibre se rétablit immédiatement. La personnalité vocale invitée est, il est vrai, à la hauteur d’un dialogue véritablement symphonique. L’orchestre peut se déployer à l’aise, enchâsser le timbre de la soprano sans l’étouffer ni même risquer de perturber l’intelligibilité relative des textes. Anne Schwanewilms est désormais bien installée dans les théâtres allemands de premier plan, où son gabarit de soprano dramatique mais flexible fait merveille, en particulier dans les musiques post-romantiques les plus vénéneuses, de Richard Strauss à Schreker et Zemlinsky. On attendait beaucoup de sa prestation dans ces Lieder tardifs, avec néanmoins une interrogation quant aux possibilités poétiques d’une technique assez particulière, où l’on trouve intrinsèquement davantage de métal poli et de mots insidieusement proférés que de vrais instants de saine lumière. Or, ici, toute réserve est balayée : une mélancolie douce et souveraine s’installe, la voix sait se maintenir le plus souvent juste à l’affleurement, préservant une présence sans se forcer à l’imposer, et puis, quand il le faut, peut s’épanouir en élans généreux qui remplissent le grand vaisseau du Palais de la Musique strasbourgeois avec un parfait naturel. Et d’un coup cette très belle interprétation appelle irrésistiblement l’évocation de grandes voix du passé: Schwarzkopf, Janowitz, Jurinac… les moyens sont différents aujourd’hui mais la pertinence reste la même, et le niveau musical est comparable : une très grande artiste, à suivre fidèlement.



Laurent Barthel

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com