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Le Don Giovanni de notre époque Zurich
Opernhaus
05/07/2006 - et 10, 12, 14, 16*, 18, 20 mai, 24, 29 juin, 2, 5, 8 juillet 2006
Wolfgang Amadeus Mozart: Don Giovanni
Eva Mei (Donna Anna), Malin Hartelius (Donna Elvira), Martina Janková (Zerlina), Simon Keenlyside (Don Giovanni), Piotr Beczala (Don Ottavio), Alfred Muff (le Commandeur), Anton Scharinger (Leporello), Reinhard Mayr (Masetto)
Chœur de l’Opernhaus de Zurich, Ernst Raffelsberger (préparation), Orchestre de l’Opernhaus, Franz Welser-Möst (direction musicale)
Sven-Eric Bechtolf (mise en scène), Rolf Glittenberg (décors), Marianne Glittenberg (costumes), Stefano Giannetti (chorégraphie), Jürgen Hoffmann (lumières)
Si chaque époque a son Don Giovanni, la nôtre a trouvé en Simon Keenlyside un titulaire d’exception, après les Hampson, Terfel, Skovhus et autre Gilfrey, comme vient opportunément le rappeler la nouvelle production du chef-d’œuvre de Mozart montée par l’Opernhaus de Zurich. Le chanteur anglais jaillit sur scène en plusieurs bonds successifs, tel un félin, torse nu, pectoraux saillants. Ses talents d’acteur et son physique avantageux lui permettent tout naturellement de camper un libertin mauvais garçon par excellence, cynique et froid, jouant effrontément la séduction et l’attirance sexuelle. Car pour le metteur en scène Sven-Eric Bechtolf, un habitué du théâtre zurichois, le doute n’est pas permis: le sexe est le moteur de l’action, comme le suggèrent les nombreuses scènes de copulation et de strip-tease jalonnant le spectacle, qui se déroule dans le cadre très glamour d’une immense salle d’un palais art déco, aux dorures éclatantes et aux perspectives infinies, renforcées par un jeu de miroirs. Du début jusqu’à la fin, la production est conçue comme une longue party raffinée pour une jeunesse dorée en mal de sensations fortes. Don Giovanni ne fait que réveiller les pulsions d’une bourgeoisie qui s’ennuie. Le propos peut sembler bien réducteur pour cerner un personnage aussi complexe, mais il a au moins le mérite d’être clair et cohérent de bout en bout. De plus, comme déjà dit, il est servi par un formidable interprète. Qui a aussi les moyens vocaux exigés par le rôle: Simon Keenlyside fait preuve d’une diction impeccable, d’une parfaite maîtrise de la ligne de chant ainsi que d’une immense palette de couleurs et de nuances, aussi bien dans l’émission que dans le volume, avec une voix claire et souple. Chaque note paraît minutieusement étudiée, contrôlée, n’empêchant pas toutefois le chanteur d’être confondant de naturel, du tout grand art! Des caméras étant présentes dans la salle, il ne reste plus qu’à espérer la sortie prochaine du DVD du spectacle.
Franz-Welser Möst – dont c’est la 60e première à Zurich! – obtient des musiciens des phrasés clairs et des sonorités transparentes, mais ne parvient pas toujours à éviter les décalages. Son Don Giovanni est léger, vif, prestement emmené, jalonné çà et là de tempi plutôt lents, pour permettre aux interprètes – et au public! – de respirer, avec notamment un Air du Catalogue curieusement très alangui. Même si elle n’atteint pas les sommets du rôle-titre, la distribution vocale est de fort belle tenue, avec des voix plutôt légères, à l’exception du Commandeur puissamment sonore d’Alfred Muff. Son homogénéité est dans tous les cas une des réussites du spectacle. On retiendra surtout les performances de Malin Hartelius, en Donna Elvira pour une fois pas hystérique, et de Martina Jankova en Zerlina très enjouée, alors qu’Eva Mei semble aujourd’hui dépassée par la tessiture de Donna Anna, rôle dans lequel elle avait pourtant débuté à l’Opernhaus en 1992.
Tous ceux qui ne pourront pas se rendre à Zurich se consoleront en écoutant Simon Keenlyside au disque:
Don Giovanni: 3 CD Deutsche Grammophon 457 601-2 (Simon Keenlyside, Matti Salminen, Soile Isokoski, Bryn Terfel. Chamber Orchestra of Europe, Claudio Abbado)
Claudio Poloni
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