Back
Des débuts brillants! Parma Teatro Regio 04/28/2006 - et les 1, 4, 7, 10 et 13* mai 2006. Giuseppe Verdi : Il Trovatore Annalisa Raspagliosi (Leonora), Roberto Frontali (Il conte di Luna), Marianne Cornetti (Azucena), Felipe Bou (Ferrando), Elena Borin (Ines), Saverio Fiore (Ruiz), Emiliano Esposito (Un vecchio zingaro), Amleto Ferrelli (un messo)
Dante Ferretti (décors), Anne Tilby (costumes), Howard Harrison (lumières), Elijah Moshinsky (mise en scène)
Orchestre et Choeur du Teatro Regio di Parma
Renato Palumbo (direction) Le prestigieux Teatro regio di Parma propose, pendant presque deux mois, une programmation dédiée à Giuseppe Verdi, compositeur tant fêté dans la région. Cette production de Il Trovatore vaut pour les débuts dans le rôle-titre du ténor Marcelo Alvarez et il n’a pas démérité, loin de là. Dommage que le reste de la distribution, à part une exceptionnelle Azucena, n’ait pas réussi à le suivre dans ses risques et qu’une mise en scène inintéressante ne l’ait pas encouragé à davantage développer son personnage.
La mise en scène d’Elijah Moshinsky n’est pas laide, elle est inexistante… Les chanteurs sont totalement livrés à eux-mêmes et ils sont statiques, sans âme. Les décors sont sobres (ce qui n’est pas forcément un mal…) et créent une ambiance sans pour autant proposer une lecture de l’oeuvre. L’opéra s’ouvre sur une terrasse avec un balcon entouré de colonnades, tout cela étant plongé dans une obscurité éloquente. L’acte d’Azuneca est plus travaillé et le choeur se retrouve dans une fonderie avec quelques couleurs (orange et rouge) qui évoquent le feu, etc… Quand Leonora est au couvent, les murs de la prison sont symbolisés par de grandes raies. Enfin la dernière partie est située dans la prison où Azucena dit adieu à Manrico sous les yeux heureux du comte Luna. La mise en scène montre un peu plus de vivacité car les rideaux s’ouvrent non seulement sur les côtés mais également par le haut et peu à peu la scène est dévoilée par un carré (procédé déjà vu…). Les costumes sont très somptueux en ce qui concerne Leonora et Alisa: les deux femmes portent de superbes robes rouges à panier. Le comte de Luna est habillé de vêtements militaires comme ses aides et Ferrando. Azucena est revêtue d’un habit simple de bohémienne tout comme Manrico.
Après avoir incarné de charmants Des Grieux, Werther et autre Roméo, Marcelo Alvarez décide de peu à peu donner une nouvelle orientation à sa carrière en abordant des rôles beaucoup plus lourds. C’est ainsi qu’il débute dans Manrico mais en prenant bien soin de le faire dans un théâtre de petite taille et dans d’excellentes conditions. Et le résultat est tout à fait louable! Son chant est généreux, élégant et ce dès les premières notes chantées en coulisse. Il sait également se montrer furieux et laisser exploser sa voix dans des passages plus tendus notamment dans les affrontements avec le Conte di Luna: à la fin de l’opéra il crie sa colère en faisant trois nuances sur le même mot “cielo”. Mais s’il ne fallait retenir qu’un moment, ce serait le “ah se ben mio”. Le chanteur trouve ici des accents plaintifs, doux, amoureux et la reprise en mezza-voce séduit profondément. Il conclut cet air par un puissant “parsa” qui annonce un “di quella pira” bouillonnant et surtout très bien rythmé: l’air passe de l’état d’air de bravoure à un air qui contient un véritable message dramatique et les contre-ut finaux semblent alors tout à fait logiques.
Annalisa Raspagliosi n’est guère à l’aise dans le rôle de Leonora. Sa prestation a été ponctuée d’aigus mal engagés et sa fâcheuse tendance à chanter bas lui a valu les foudres de certains italiens connaisseurs. La voix est parfois voilée, elle manque de stabilité et il est assez curieux qu’un théâtre aussi reconnu n’ait pas pu trouver une meilleure Leonora! Le premier air est vraiment massacré et les notes piquées, dans la seconde partie, ne le sont justement pas. Le second air est nettement mieux négocié et on sent un début de caractérisation du personnage, notamment dans la langueur que la chanteuse apporte au phrasé. Mais c’est véritablement dans la fin de l’opéra, c’est-à-dire dans la montée sur un fil de voix avant de mourir, que Leonora se dévoile et ce passage est vocalement très beau. A sa décharge, il faut quand même souligner qu’Annalisa Raspagliosi tente une démarche expressive (quelques respirations, des accents…) mais la voix ne semble pas suivre les attentes de la musicienne.
Marianne Cornetti est une bouleversante Azucena. Non seulement elle assume avec brio la partition mais elle possède un aplomb scénique pour incarner cette mère aimante mais brisée par son passé. Elle semble totalement habitée par son rôle (respirations, accents, nuances…) notamment dans son premier air où elle enlaidit parfois sa voix pour la rendre plus caverneuse ou bien quand elle la sombre pour qu’elle devienne funèbre et lugubre dans la descente “da cui argomento”. Elle forme un duo passionnant et de haute voltige avec Marcelo Alvarez. La fin est particulièrement émouvante quand elle crie ses “rogo” et que lui tente de la calmer et de lui redonner espoir. C’est d’ailleurs elle qui aura le dernier mot avec un aigu brillant et puissant à la fin de l’opéra!
La prestation de Roberto Frontali est propre, il chante sans aucune difficulté sa partie mais malheureusement il ne se passe pas grand chose. Sa voix est très large pour le théâtre donc il est obligé d’alterner entre forte et mezzo, ce qui est, certes, très mélodieux, mais qui n’apporte pas beaucoup au personnage et à son développement. Il dessine toutefois un Luna très venimeux, presque méchant tellement son chant est puissant. Dans le trio Manrico-Leonora-Luna au premier acte, il crie presque “non piu vivere” tant sa colère est grande! De la même manière, il se montre très euphorique dans le duo avec Leonora “colui vivra” quand là, au contraire, le bonheur déborde de son coeur et il hurle sa joie! A ce moment, le personnage devient un peu plus humain et sa voix est moins ferme. Son air “Il balen” est chanté avec une voix généreuse mais n’est guère expressif.
Felipe Bou est très bon dans le rôle de Ferrando: il chante avec aplomb l’air d’ouverture et la voix est solide. Il se montre expressif quand il est avec le choeur car il martèle tous les mots pour leur donner, au niveau sonore, un plus grand impact. Le reste de la distribution est tout à fait correcte à commencer par Elena Borin qui campe une Inès plus sûre d’elle que Annalisa Raspagliosi. Ruiz trouve, en Saverio Fiore, un fidèle serviteur car il vient, avec son puissant instrument, annoncer les nouvelles à Manrico.
Le choeur est excellent et leur préparation semble avoir été très minutieuse. Même s’ils sont assez nombreux sur scène, ils sont capables d’infimes nuances: des murmures avec Il Conte di Luna dans “il balen” jusqu’au forte dans le choeur des enclumes où ils montrent un enthousiasme extraordinaire. Très attentifs au moindre mot, les choristes martèlent également les mots dans le passage qui suit l’air de Ferrando au premier acte, mais une subtile légèreté.
Le chef Renato Palumbo ne mérite aussi que des éloges. Sa musique vit, elle raconte une histoire ce qui devient assez rare maintenant. Dès les premières notes, il dévoile une certaine élégance qui ne cessera que dans les moments plus tragiques. Le passage du miserere est véritablement superbe car l’orchestre (le destin) ne laisse pas une seule chance à Leonora et Renato Palumbo a ici une battue très sèche, très réglée. Il sait également comment diriger Verdi car il trouve les couleurs parfaites dans le duo qui suit entre Leonora et Luna, dommage que ces derniers ne soient pas au même niveau…A noter le joueur d’enclume qui s’en donne vraiment à coeur joie: il joue avec une réelle autorité et un enthousiasme cummunicatif (mais un peu bruyant…)!
Pour monter un Trovatore, il faut, paraît-il, un quatuor vocal exceptionnel! A défaut, le Teatro Regio a réuni un duo (Manrico-Azucena) exceptionnel qui réussit à faire oublier les difficultés vocales de Leonora et l’absence d’expressivité du Comte. Il n’en reste pas moins que Marcelo Alvarez a remporté un triomphe bien mérité dans ce rôle et il est à espérer qu’une mise en scène plus inspirée lui permettra d’enrichir son personnage car la voix possède déjà tous les atouts pour faire de lui un Manrico de choix!
A noter:
- Marcelo Alvarez reprendra le rôle de Manrico au Covent Garden du 30 janvier au 18 février dans cette même mise en scène, en compagnie de Catherine Naglestad, Anthony Michaels-Moore et Stephanie Blythe.
- La production de Elijah Moshinsky a été filmée et éditée en Dvd avec José Cura, Veronica Villaroel…
- Le festival Verdi continue avec un très prometteur Macbeth incarné par Léo Nucci, du 6 au 17 juin. Manon Ardouin
|