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Quand l’impérialisme américain se joue des traditions impérissables… Tours Grand-Théâtre 01/29/2006 - et 31 janvier, 1er février 2006 Giacomo Puccini : Madama Butterfly Sophie Fournier (Cio-Cio-San), Svetlana Lifar (Suzuki), Véronique Laumonier (Kate Pinkerton), Geneviève Nesprias (La mère), Maryse Pirès Da Silva (La cousine), Khalida Majzoub (La tante), Jean-Francis Monvoisin (B.F. Pinkerton), Evgueniy Alexiev (Sharpless), Michael Bennett (Goro), Jean-Louis Mélet (Le Bonze), Michaël Chapeau (Le Prince Yamadori), Jean-Marc Berthe (Le Commissaire impérial), Alexandre Richez (L’Officier du registre ), Jean-Michel Mounes (L’Oncle Yakousidé)
Alain Garichot (mise en scène), Denis Fruchaud (décors), Claude Masson (costumes), Marc Delamézière (lumières)
Chœurs de l’Opéra de Tours, Emmanuel Trenque (direction), Orchestre Symphonique de l’Opéra de Tours, Jean-Yves Ossonce (direction musicale) Au vingt-troisième Festival d’Art Lyrique de Loches, Madame Butterfly sera l’opéra que donnera deux soirs consécutifs, les 6 et 8 juillet 2006 à 21h30, parc Baschet, cour du donjon, l’équipe de l’Opéra de Tours dans la mise en scène, désormais célèbre, d’Alain Garichot. Cette même équipe avait donné, en coproduction avec l’Opéra de Rennes le chef-d’œuvre de Puccini au début de l’année avant de signer une reprise de cette mise en scène pour l’Opéra de Rouen, prévue en début de saison prochaine (automne 2006). Cet été, c’est sans Evgueniy Alexiev que se jouera le drame car la production estivale accueillera, dans son rôle de Sharpless, Jean-Sébastien Bou, grand habitué de la « maison » lyrique dirigée par Jean-Yves Ossonce.
L’acte premier s’ouvre sur une lumière magnifique et bleutée de Marc Delamézière (réalisée par Richard Créceveur) dans un décor épuré japonais avec estrade et paravents de tradition signé Denis Fruchaud.
Le Pinkerton de Jean-Francis Monvoisin, évoluant dans ce décor ancestral, prend sciemment les allures de super-américain dégoulinant d’assurance, même dans le timbre choisi et dans la démarche (torse gonflé et appui sur jambes écartées.) Sur le plateau, pendant les scènes de groupe, le chanteur se trouve souvent placé proscenium par Alain Garichot, sans doute pour renforcer la facilité d’émission vers la salle ainsi que la grandiloquence et le côté plastronnant du personnage. Les instants de réelle intimité entre Butterfly et Pinkerton, finalement assez rares dans l’ouvrage, sont joués avec une jolie tendresse dans le jeu de scène et, volontairement ou non (il est vrai que Puccini tente à favoriser son rôle féminin), Jean-Francis Monvoisin se tourne, tout comme le spectateur vers Le Personnage de l’opéra : Madame Butterfly.
Sophie Fournier, qui n’a certes plus quinze ans (âge théorique du rôle au lever de rideau), mime, pour caractériser son personnage, des gestes de jeune fille qui contrastent avec cette voix chaude que lui confèrent ses longues années de scène et qui donnent à l’héroïne à la fois une réserve d’adolescente et cette force d’adulte lucide, celle-là même qu’on pressent depuis les premières notes de l’opéra et qui va conduire Butterfly à rejoindre le destin tragique de son père. Là encore, Alain Garichot se sert habilement des nombreux talents de Sophie Fournier (avec laquelle il travaille souvent) : à savoir son jeu (apparemment) naturel, sa propension à incarner une certaine candeur, une vraie jeunesse et sa facilité à dire, à émettre les sons tels qu’ils doivent être. Alors, le metteur en scène peut jouer sur le dénuement, pour demander que seule l’expressivité des sons prône, dans une économie totale de gestes, dans une gestion lente et parcimonieuse des déplacements...
Autour des premiers rôles, remarquons une belle distribution dont Jean-Yves Ossonce est coutumier, avec Evgueniy Alexiev en Sharpless, Michael Bennett en Goro (décidément habitué à évoluer dans des décors orientaux), une Suzuki, par Svetlana Lifar, qui donne une jolie réplique à Sophie Fournier, rivalisant d’effets sotto voce toujours réussis. Le plateau, sans cesse porté par une vision touchante, au sens noble du terme et vivant le drame dans la retenue, distille d’une même voix, le caractère inéluctablement tragique du dénouement.
On le sait, chez Puccini, l’orchestre doit dompter une partition très écrite, doit tenir un rôle dramatique à part entière et non plus se faire uniquement soutien obligé d’airs cantabile. La profusion des thèmes, les changements de teintes orchestrales sont donc autant de matériaux sonores à faire ressortir, pour relever çà et là un motif, pour souligner à d’autres moments une idée. L’équilibre impeccable entre voix et orchestre, même dans les passages où peu de texte chanté vient se poser sur un flot orchestral, est à établir. Jean-Yves Ossonce maîtrise totalement cette science des phrasés, bien qu’en interne, les rapports de justesse entre instruments de la petite harmonie (hautbois-clarinette par exemple), lors d’accords tutti joués, manquent parfois d’équilibre et que les chœurs en coulisse aient tendance à chanter bas et lent.
Le rôle de l’orchestre reste resserré, énergique, compensant volontairement l’atmosphère contemplative des voix et déplacements servie par la figuration scénique d’un orient 1900 « estampes » et « kimonos », conçue par la costumière Claude Masson, le scénographe Denis Fruchaud et les lumières de Marc Delamézière. Il ne vous reste plus à venir à leur rendez-vous cet été, à l’automne... et quand ils se présenteront à vous. Pauline Guilmot
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