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“Ce doux chant d’amour que nous chantions ensemble!”

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
04/30/2006 -  
Airs d’opéras: Roméo et Juliette, Manon, Lucia di Lammermoor
Natalie Dessay (soprano) - Rolando Villazon (ténor)
Orchestre Philharmonique de Radio-France
Myung-Whun Chung (direction)

Après un très beau concert au début du mois, Rolando Villazon revient au Théâtre des Champs-Elysées en compagnie, cette fois, de Natalie Dessay. Les deux artistes rêvaient de chanter ensemble et c’est aujourd’hui chose faite puisque la chanteuse peut maintenant aborder des partitions à partager avec un ténor lyrique. Ils enchaîneront donc les grands duos d’opéras français et italiens avec un réel enthousiasme et un engagement sans faille.



Rolando Villazon ouvre le concert avec le fameux air de Roldolfo “Quando le sere al placido” tiré de Luisa Miller: il entre confiant sur scène, en conquérant, et cette attitude lui permet de s’abandonner totalement à la musique pour livrer une interprétation juste et lumineuse de l’air. Rodolfo est tourmenté, triste mais aussi en colère de se voir trahi par celle qu’il aime! et toutes ces facettes du personnage ressortent dans le chant du ténor: il allonge certaines notes sur “mi tradia”, force l’articulation sur “sembrò l’empireo”…
Natalie Dessay entre ensuite en scène pour chanter Violetta, ses premiers pas dans le personnage de la dévoyée. Pour l’instant, le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle n’est pas Violetta même si elle fait toutes les notes avec brio (avec cependant une légère transposition…)! Le duo “un di felice” est correctement exécuté mais les notes piquées le sont que bien légèrement et surtout il ne se passe rien, elle ne joue pas avec Alfredo, elle ne tente pas de le séduire sans avoir l’air d’y toucher. Elle se lance ensuite dans le “e strano” qui est totalement désincarné: les mots ne prennent pas sens, aucune progression dans le personnage n’est perceptible, etc… Heureusement que Rolando Villazon est là pour donner un peu de vie à l’ensemble notamment dans ses interventions dans le “sempre libera”. Dans le duo, il séduit toujours par ses notes en mezza-voce et la somptuosité de ses graves. La chanteuse reçoit toutefois une ovation mais qui est sûrement dû davantage à ses aigus qu’à sa force expressive!
Le duo suivant “Lucia, perdona” de Lucia di Lammermoor permet de retrouver la Natalie Dessay que l’on aime et que l’on admire. La voix n’est d’ailleurs plus du tout la même, autant elle était grossie, alourdie dans La Traviata, autant ici elle est beaucoup plus fraîche et la musicienne semble savoir où elle va et où elle conduit son personnage. Rolando Villazon est toujours très bon en Edgardo et cet extrait ajouté à l’air de la mort interprété au début du mois, rendent le temps bien long avant les chorégies d’Orange! Le début du duo permet de saisir un Edgardo très en colère “Si,, si potrei” face à une Lucia toute douce, attendrissante et surtout très amoureuse comme le soulignent les notes qui accompagnent “E la vita fuggitiva…”. Enfin le duo “verrano a te” est magnifique entre une Natalie Dessay au chant très pur et un Rolando Villazon tout en velours et en sensibilité.
Mais le concert prend véritablement son envol dans la seconde partie consacrée au répertoire français avec de larges extraits de Roméo et Juliette. Comme on le sait Natalie Dessay vient, avec un certain succès paraît-il, d’ajouter ce personnage à son répertoire à l’automne dernier au Met et Rolando Villazon est le Roméo du moment. Réunir ces deux chanteurs étaient donc se promettre un grand moment de musique et cela a été le cas! Natalie Dessay campe une Juliette bien frêle, très fragile mais lumineuse et déterminée à être heureuse (le “j’engage ma foi” est très parlant!). Ils débutent par le duo “Hélas! moi le haïr” qui est une joute vocale entre deux musiciens pour rivaliser dans la beauté vocale, la chanteuse usant et abusant de la pureté de ses notes et le ténor redoublant de suavité dans des mots comme “réalité”… Enfin Rolando Villazon interprète le plus beau passage de l’opéra, l’air “va, repose en paix”: cet air est déjà magnifique en soi mais le chanteur mexicain le distille avec sensibilité, musicalité et amour: chaque note est vécue, ressentie et il fait alterner des notes en mezza-voce avec d’autres plus accentuées. Ils chantent ensuite le duo “Va! je t’ai pardonné…” avec passion, surtout de la part de Rolando Villazon. L’adieu de Juliette à Roméo est particulièrement poignant quand elle dit “à vous je le confie!”. Natalie Dessay chante ensuite l’air du breuvage: vocalement elle se trouve un peu à la limite de ses moyens mais elle se rattrape par l’intensité de son interprétation. Elle tient totalement la salle en haleine et enfin il se passe quelque chose: elle se laisse prendre par la musique et propose une Juliette bien plus aguerrie qu’au début des duos. Ils concluent le concert avec le fameux duo de saint-Sulpice de Manon de Massenet. Rolando Villazon est tout à fait dans son élément mais Natalie Dessay semble encore un peu en retrait, n’est pas Renée Fleming qui veut! En revanche une certaine complicité entre les deux chanteurs semblent enfin s’installer et cela donne confiance à la chanteuse qui montre un peu plus d’intérêt à ce qu’elle chante: elle est tour à tour séductrice (“rappelle-toi”), charmeuse (“N’est-ce plus…”). Rolando Villazon chante encore un air en soliste, “O souverain, ô juge” du Cid de Massenet: il y déploie une force et une puissance qui enflamment littéralement la salle.
Trois bis viendront couronner ce concert déjà bien riche. Les deux chanteurs reprennent Roméo pour interpréter le duo “ange adorable” et tous les deux se montrent beaucoup plus détendus: Rolando Villazon incarne un Roméo éclatant de jeunesse et de douceur et Natalie Dessay est une Juliette faussement naïve, quelque peu mutine et ils semblent jouer l’un avec l’autre. L’opéra français est toujours à l’honneur avec Offenbach et ses Contes: Natalie Dessay abandonne les roucoulades d’Olympia pour le legato d’Antonia et une plus longue habitude du personnage lui permettra de le dominer car pour l’instant ce n’est qu’une ébauche bien douce et sans grand relief. En revanche il est presque inutile de dire que Rolando Villazon est un Hoffmann idéal, le public parisien pourra en juger dès janvier prochain… Enfin ils chantent les adieux de Gilda et du duc de Mantoue sur un tempo endiablé, ce qui apporte une belle tenue à l’ouvrage. Natalie Dessay est bien plus à l’aise dans cet extrait que dans La Traviata et peut-être pourrait-elle regarder du côté de Gilda plutôt que de Violetta…


Myung-Whun Chung dirige de main de maître l’orchestre philharmonique de Radio-France. L’ouverture de La force du destin soulève l’enthousiasme de la salle tellement l’orchestre semble se donner entièrement tout en ne perdant pas de vue le drame du destin qui s’installe peu à peu pour exploser dans les dernières mesures. Il est également attentif à ses chanteurs, les rattrapant de nombreuses fois car ce concert, malgré son immense qualité, laisse voir un certain nombre de décalage entre chanteurs et orchestre.



Malgré quelques petites réserves, les deux chanteurs ont donné un magnifique concert qui restera gravé dans les mémoires. Il est heureux de voir que Natalie Dessay a retrouvé sa voix (le clin d’oeil n’est d’ailleurs pas innocent quand Antonia dit “si j’ai perdu ma voix”…) et que Rolando Villazon ne perd pas sa générosité vocale et sa force expressive. Espérons que ce récital donnera des idées aux directeurs d’opéras pour les engager ensemble…




A noter:
- Natalie Dessay et Rolando Villazon se retrouveront au Liceu de Barcelone pour Manon de Massenet en juin-juillet 2007.
- Natalie Dessay participera à un concert de gala au Théâtre des Champs Élysées le 17 mai 2006: M. Delunsch, B. Uria-Monzon, L. Naouri, L. Tézier… l’accompagneront.
- Rolando Villazon sera au festival de Saint-Denis les 8 et 9 juin 2006 pour ses premiers Requiem de Verdi.


Manon Ardouin

 

 

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