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Humanisme Paris Théâtre du Châtelet 04/27/2006 - Arnold Schoenberg : Pelleas und Melisande, opus 4
Gustav Mahler: Symphonie n° 4 Monica Bacelli (mezzo-soprano)
Gustav Mahler Jugendorchester, Claudio Abbado (direction)
Il n’y a pas de chefs qui aient eu de parcours aussi prestigieux que Claudio Abbado. Il a été le directeur musical de La Scala et de l’Opéra de Vienne, ainsi que le chef principal l’Orchestre symphonique de Londres et de l’Orchestre philharmonique de Berlin. Ces périodes n’ont cependant pas été toujours sans tension : il n’a pas réussi à faire valoir ses exigences artistiques à Milan et Vienne, a vécu une crise financière grave à Londres et une crise de succession unique à son arrivée à Berlin.
Ceci doit expliquer pourquoi il semble être aussi heureux et épanoui lorsqu’il est à la tête d’orchestres de jeunes, activité qu’il a démarrée en 1978 avec la création de l’Orchestre des jeunes de le Communauté européenne et une première tournée triomphale où figurait une inoubliable Sixième Symphonie de Mahler. Cette année, l’Orchestre des jeunes Gustav Mahler s’est adjoint la participation de plusieurs musiciens du West-Eastern Divan Orchestra. Bon sang ne saurait mentir et une lecture des noms des musiciens permet de trouver le progéniture de plusieurs grands musiciens. Le konzertmeister est le fils de Wolfram Christ, premier alto de la Philharmonie de Berlin, et le deuxième premier pupitre à coté de lui est le fils de Daniel Barenboim. L’excellence instrumentale y est très élevée. C’est toujours surprenant de constater à quel point cet ensemble réussit à se bâtir son identité sonore propre, année après année en si peu de temps (comme cela a été souligné ici à propos de leur DVD de la Neuvième Symphonie de Mahler ainsi que lors de leur dernier passage au Châtelet en 2001). Mention spéciale aux pupitres des altos et des violoncelles qui à plusieurs reprises sont capables de vrais pianissimos sans détimbrer leur sonorité ainsi également à une petite harmonie de toute beauté.
Malgré le talent de ses interprètes, Pelléas et Mélisande n’est pas du meilleur Schoenberg. L’œuvre manque terriblement d’unité et ne décolle jamais vraiment. Les Gurrelieder issus de la phase postromantique de Schoenberg ont été écrit sur une plus longue période mais s’avèrent une œuvre dramatiquement bien plus forte. L’influence de Richard Strauss est très présente et on entend ici et là des effets d’orchestration qui rappellent la Symphonie alpestre, Don Quichotte ou Ainsi parlait Zarathoustra. L’orchestre joue superbement mais cela ne suffit pas pour justifier une œuvre qui est à des années-lumière de la future école de Vienne.
Claudio Abbado est un des plus grands chefs mahlériens de sa génération. Il propose une lecture très personnelle de la symphonie la plus «légère»du compositeur bohémien, à la fois radieuse et profonde. Les textures sont lumineuses et allégées, le rubato et certains changements de tempo en particulier dans le premier mouvement sont si... italiens dans leur esprit. Abbado nous emmène non pas dans la région des lacs Autrichiens mais au bord du lac de Côme, lumineux et solaire. Cette conception trouve sa force et sa richesse de l’entente magique qui transparait entre Abbado et ses jeunes musiciens. Chaque note est à sa place, chaque instrumentiste sait comment sa contribution se situe dans un ensemble organique, chaque indication du chef est immédiatement traduite, témoignage de l’osmose exceptionnelle entre un chef si humain et un ensemble conquis.
Depuis son retrait de la Philharmonie de Berlin, Claudio Abbado dirige peu. Il n’était pas venu à Paris depuis 2002. Espérons que nous n’aurons pas à attendre si longtemps son retour.
Le site des amis de Claudio Abbado
Antoine Leboyer
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