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Révolutions

Normandie
Deauville (Salle Élie de Brignac)
04/16/2006 -  
György Ligeti : Monument – Selbstportrait – Bewegung
Béla Bartok : Sept pièces du Mikrokosmos pour deux pianos, sz. 108
Maurice Ravel : La Valse
Olivier Messiaen : Visions de l’Amen

Bertrand Chamayou, Jonas Vitaud (piano)


Le toujours excellent festival de Deauville se poursuivait en ce dimanche de Pâques, dans le prestigieux «palace pour chevaux de luxe» qu’est la salle la salle Élie de Brignac et son écrin de verdure et de boxes, par un sixième concert, d’une série de huit, résolument tourné vers notre temps. Points communs du programme: deux pianos, deux compositeurs hongrois et exilés, deux grands Français, deux jeunes artistes pleins de talent et d’audace, et une certaine forme de provocation, surtout à Deauville. Sans doute, n’était-ce pas la première fois que des œuvres «contemporaines» étaient jouées au Festival – on se remémore un extraordinaire Quatuor pour la fin du temps l’an dernier avec notamment Jérôme Comte à la clarinette – mais les deux compères Bertrand Chamayou et Jonas Vitaud, fidèles de Deauville, jadis fréquentée par Cziffra et Rubinstein au faîte de leur gloire, poussèrent les choses plus loin cette année. Ils furent, grâce à leur goût et leur tempérament, les maîtres d’œuvre du programme le plus original du festival de 2006.


La première œuvre, la plus récente du programme, composée par le grand provocateur Ligeti et créée par les frères Kontarsky en 1976, était articulée autour de trois brèves pièces – Monument, densification croissante de rythmes mais à la violence contenue et un peu rapide sous les doigts des deux solistes, parfois proche du jazz, puis Autoportrait, fine pluie de petites notes très sarcastique, sous les hommages apparents aux maîtres de la musique répétitive américaine Reich et Riley et à Chopin (sur la fin avec une citation de la Deuxième sonate), comportant d’étonnants doigtés, et enfin Bewegung, rappelant le Ce que la mouche raconte de Mikrokosmos qui allait suivre.


La deuxième œuvre était une transcription pour deux pianos de sept pièces parmi les plus complexes du célèbre recueil, connu de tous les pianistes en herbe, Mikrokosmos, de Bartok permit de fournir au public un avant goût de la virtuosité du duo qui devait éclater avec la page suivante.


Suivait en effet la version pour deux pianos de La Valse, deuxième dans l’ordre chronologique après celle pour quatre mains et précédent la version orchestrale, dans laquelle Ravel fait exploser les traditions autrichiennes, la démarche du compositeur – l’effondrement – apparaissant renforcée par la réduction de l’orchestre viennois à un déferlement pianistique balayant tout.


La seconde partie du concert était exclusivement consacrée à une autre œuvre révolutionnaire, les Visions de l’Amen (1943), un «monument», pour reprendre l’intitulé de la pièce de Ligeti dont la puissance, orchestrale finalement, poursuivait parfaitement celle de l’œuvre antérieure, tout en étant toutefois d’une nature opposée puisque tournée vers l’avenir radieux de la Résurrection. L’œuvre, cathédrale en rien engloutie, parfaitement opportune en cette journée de Pâques, intimidante, ne fit nullement peur à Chamayou, «révélation soliste instrumental de l’année» en 2006, qui avait pu irriter l’an dernier à Deauville par un pied particulièrement agité et bruyant, et Vitaud, ce dernier montrant un beau sens de la nuance dans des pièces certes virtuoses mais non exemptes de puissance émotionnelle.


Ainsi se concluait une exceptionnelle soirée devant un public malheureusement restreint, comme prévu (voir ici), au milieu duquel figurait bon nombre d’artistes du festival ou de passage (Martial Solal), le tout Deauville ayant sans doute préféré se rendre au spectacle de Liane Foly au casino.


Le site du Festival de Pâques de Deauville



Stéphane Guy

 

 

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