Back
D'un souffle Paris Opéra Bastille 06/20/2000 - et 23, 26, 29* juin, 2, 5, 8, 11, 15 juillet 2000 Richard Wagner : Der fliegende Holländer Falk Struckmann (Le Hollandais), Deborah Voigt (Senta), Jan-Hendrik Rootering (Daland), Thomas Moser (Erik), Anne-Marie Owens (Mary), Kurt Streit (Le Pilote de Daland)
Orchestre et Choeurs de l'Opéra national de Paris, James Conlon (direction)
Willy Decker (Mise en scène)
Condamné à errer éternellement pour avoir mis son âme en jeu lors du franchissement d'un cap en pleine tempête, le Hollandais Volant a pour seul espoir de rédemption de trouver une femme fidèle. Touchée par ce mythe qu'on lui raconte depuis l'enfance, Senta, la fille de Daland, se sent prédestinée à s'unir à cet homme. Leur rencontre semblera sceller leur sort mais son soupirant Erik fera tout échouer. Senta n'aura plus alors qu'à rejoindre le Hollandais dans la mort. De cette histoire d'errance et de destin, d'angoisses et de rédemption, on a souvent tendance à privilégier le decorum (les bateaux, la mer, le port, les marins, les femmes), à laquelle se prête une musique faisant la part belle aux choeurs et aux grands airs. Prenant le contre-pied de cette tendance, le metteur en scène Willy Decker focalise l'attention sur les conflits intérieurs des personnages, leurs angoisses, leurs névroses, en situant toute l'action dans un intérieur petit-bourgeois. On passe du cinémascope, souvent de mise, à un univers à la Tchekov. L'effet est saisissant. Le drame est resserré comme jamais, les tourments de la musique ne sont pas ceux du vent ou de la mer mais bien ceux de la psyché des protagonistes. L'exécution d'une traite, sans entracte, parfait cette concentration sur le drame et sa fatalité. Après Eugène Onéguine, La Clémence de Titus et Lulu, Willy Decker signe là une quatrième réussite éclatante à l'Opéra de Paris.
D'autant que la vision s'accorde à une exécution musicale du plus haut niveau : Falk Struckmann, que l'on avait découvert en Wozzeck dans la production de Chéreau au Châtelet, campe un Hollandais formidable de présence et de crédibilité. Face à lui, la Senta de Deborah Voigt déploie une voix ample et souple. Thomas Moser et Jan-Hendrik Rootering confirment leurs grandes réputations par des moyens vocaux où la puissance se plie toujours à l'expression. A la tête d'un orchestre survolté et d'un choeur en grande forme, James Conlon emporte ces deux heures quinze non-stop d'un souffle. Juste après, on peut respirer.
Philippe Herlin
|