Back
Que du bonheur ! Paris Palais Garnier 04/14/2006 - et 17, 19, 21, 24, 26, 28, 30 avril, 2, 4, 5, 6 mai 2006 Jean-Philippe Rameau : Platée Paul Agnew ; Jean-Paul Fouchécourt les 19, 24, 28/4 et 2, 5/5 (Platée), Mireille Delunsch (La Folie, Thalie), Yann Beuron (Mercure), Bernard Richter (Thespis), François Lis (Jupiter), Doris Lamprecht (Junon), François Le Roux (Cithéron, un Satyre), Valérie Gabail (L’Amour, Clarine), Franck Leguérinel (Momus)
Chœurs et Musiciens du Louvre-Grenoble, Marc Minkowski (direction)
Laurent Pelly (mise en scène)
Que du bonheur ! Cette reprise de Platée n’offre que du bonheur, celui du rire et de l’esprit mêlés au plus haut point. Premier opéra comique français, pastiche de la Tragédie-lyrique, comédie burlesque, Platée (1745) est un bijou de l’art lyrique qui a su trouver, avec le couple Minkowski-Pelly, ceux qui savent le faire briller de mille feux. Marc Minkowski connaît la partition comme sa poche et met en lumière toutes ses trouvailles, ses clins d’œil, sa pyrotechnie. Jouant sur la dimension pastiche, Laurent Pelly nous montre les gradins d’une salle d’opéra s’écartant progressivement pour laisser place au monde des grenouilles et des marais gouverné par la «naïade ridicule», Platée. La comédie et la cruauté de l’amour s’y expriment sous toutes ses formes, notamment dans des danses pleines d’ironie de Laura Scozzi.
Ce qui constitue l’une des plus remarquables productions lyriques de ces dernières années a été créée en 1999 (lire ici), repris en 2002 (lire ici) et a fait l’objet d’un DVD (lire ici) que l’on ne saurait que trop conseiller. Cette reprise n’a rien perdu de son piquant, il est vrai que l’ossature de base est restée identique : outre le chef et le metteur en scène, on retrouve Paul Agnew ou Jean-Paul Fouchécourt dans le rôle titre, Mireille Delunsch et sa formidable scène de la folie, Yann Beuron en Mercure dans son costume d’argent, Franck Leguérinel, impérial en Momus. On se précipitera d’autant plus d’aller voir ce spectacle que la prochaine saison de l’Opéra de Paris ne présente malheureusement aucun opéra baroque, le public pourtant se pressait les années précédentes pour voir les spectacles, et la concurrence, entre William Christie (Alcina, Les Indes galantes, Les Boréades, Hercules) et Marc Minkowski (Jules César, Ariodante, Platée). Coâ qu’il en soit, il faut voir et revoir cette Platée !
***
Retour à Platée le 19 avril pour voir le second titulaire du rôle titre. Disons d’emblée que l’on détient, avec Paul Agnew et Jean-Paul Fouchécourt, deux excellents hautes-contre qui rendent parfaitement justice du rôle de Platée, plus complexe qu’il n’en a l’air. Il faut en effet réunir les qualités d’un véritable acteur et savoir exprimer la naïveté, l’exaltation ou la colère, sans jamais tomber dans l’excès ou le mauvais goût. Il faut également s’attacher à rendre les clins d’œil de Rameau (par exemple les jeux sur le son quoi/coâ) sans que cela n’apparaisse forcé. Les deux y parviennent, mais on distinguera sans hésiter Jean-Paul Fouchécourt dont l’incarnation est d’un naturel confondant et qui respecte mieux que Paul Agnew les subtilités d’écriture, ce dernier ne pouvant se départir d’un léger accent anglophone. Plus subtil, Fouchécourt campe une Platée plus touchante, plus «humaine».
Philippe Herlin
|