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La carpe et le lapin «postmodernes» Paris Cité de la musique 03/24/2006 - Philip Glass : Concerto pour violon
Luciano Berio : Sinfonia
Gidon Kremer (violon), The Swingle Singers: Julie Kench, Meinir Thomas (sopranos), Kineret Erez, Johanna Marshall (altos), Tom Bullard, Richard Eteson (ténors), Tobias Hug, Jeremy Sadler (basses)
Orchestre philharmonique de Radio France, Mario Venzago (direction)
Après le succès du concert consacré à Steve Reich (voir ici), le deuxième volet du cycle «Métissages postmodernes» à la Cité de la musique a suscité une affluence encore plus remarquable. Mario Venzago, directeur musical de l’Orchestre symphonique d’Indianapolis et chef principal de l’Orchestre symphonique de Göteborg, était placé à la tête de l’Orchestre philharmonique de Radio France pour un programme proposant un curieux assemblage, celui de la carpe «minimaliste» et du lapin «progressiste», prouvant ainsi la largeur de l’éventail que permet d’ouvrir le concept de «postmodernisme».
Dans le Concerto pour violon (1987) de Glass, les musiciens doivent-ils interpréter le texte? Avec cette partition qui tient du pop art dans sa manière de ressasser jusqu’à l’absurde des fragments d’une banalité revendiquée, ne suffit-il pas en effet de laisser la froide répétition faire son œuvre? Telle n’est absolument pas l’option retenue par Gidon Kremer, qui s’investit ici comme s’il jouait du Schnittke – un autre «postmoderne», en un sens – avec force contrastes expressifs mais hélas aussi moult approximations. Le chef suisse s’accorde sans peine à cette conception d’un extrémisme inattendu, à l’opposé de l’abstraction lisse qui prévaut souvent dans cette musique, laquelle devient ici, non seulement par sa coupe traditionnelle mais également par ses stéréotypes de gestes virtuoses, une sorte de caricature grinçante du concerto classique ou romantique.
L’histoire pèse également à bien des égards sur la Sinfonia (1968/1969) de Berio, ne serait-ce que par son titre et par son important recours au procédé de la citation. Mais le compositeur italien a su oser une création littéralement unique, dont la relative rareté – malgré une assez récente apparition dans la capitale (mars 2004), déjà à la Cité de la musique (voir ici) – valait à elle seule le déplacement. Les Swingle Singers, dont le nom restera à jamais associé à cet objet musical non identifié, ne sont pas assis au premier plan comme à l’ordinaire, mais au milieu de l’orchestre. Toutefois, bénéficiant d’une sonorisation très bien équilibrée, ils se montrent particulièrement en verve, avec des interjections virulentes et incisives qui évoquent à nouveau irrésistiblement les couleurs volontiers criardes du pop art. L’engagement de Venzago au service d’une approche plus conflictuelle et accidentée que planante compense une acoustique qui ne rend malheureusement pas toujours justice à la richesse de l’écriture.
Les Swingle Singers offrent en bis l’un de leurs chevaux de bataille – la Fugue en sol mineur (BWV 578) de Bach dans l’arrangement «historique» de Ward Swingle, encore un bel exemple de «métissage postmoderne» – puis chanteurs et musiciens concluent sur une substantielle consolation à la brièveté de ce concert, en reprenant intégralement le troisième mouvement de la Sinfonia.
Le site de Philip Glass
Le site des Swingle Singers
Le site de Mario Venzago
Simon Corley
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