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Pour le plaisir Paris Théâtre Mogador 03/21/2006 - Guillaume Connesson : Supernova
Serge Prokofiev : Concerto pour violon n° 2, opus 63
Gustav Holst : Les Planètes, opus 32
Paul Rouger (violon)
Chœur de l’Orchestre Colonne, Patrick Marco (chef de chœur), Orchestre Colonne, Laurent Petitgirard (direction)
L’Orchestre Colonne offrait à nouveau une copieuse soirée, associant trois partitions qui, au delà de l’évidente parenté astronomique de deux d’entre elles, ont en commun d’avoir essuyé le reproche de s’être compromises dans des concessions à la facilité. Mais est-il permis de mettre en doute la sincérité de ces créateurs et est-il interdit de mettre sur pied un programme rien que pour le plaisir des musiciens et du public? La réponse est évidemment et heureusement négative, même si la fréquentation, malgré des places proposées à un prix à peine supérieur à celui d’une séance de cinéma (10 euros), a hélas été bien loin de rendre justice à cette sélection aussi séduisante qu’originale.
Comme l’excellente habitude en est désormais prise chez Colonne, le concert débutait par une pièce française contemporaine, Supernova (1997) de Connesson, donnée en présence du compositeur, dont l’écriture brillante et truffée de références a moult fois été épinglée. Ici, la rencontre entre Respighi et le premier Messiaen, entre Jolivet et Adams, défendue avec conviction par Laurent Petitgirard, se fait, quinze minutes durant, sous les auspices d’une énergie ludique et sans cesse renouvelée, cependant pas toujours bien mise en valeur par l’acoustique de Mogador.
Le Second concerto pour violon (1935) de Prokofiev constitue l’un des premiers témoignages – dans un esprit voisin de Roméo et Juliette, conçu exactement au même moment – du retour du compositeur en Union soviétique, contesté tant pour des raisons politiques qu’esthétiques, et qui se serait traduit par une renonciation à ses audaces antérieures. Toujours est-il qu’en l’espèce, Prokofiev ne semble nullement se contraindre à rendre son style plus accessible, d’autant que Paul Rouger, violon solo de l’Orchestre Colonne depuis 1999, en restitue avec une belle assurance le lyrisme généreux et les tons chauds, mais aussi, à l’occasion, le caractère rugueux (Allegro ben marcato final).
Les spectateurs obtiennent en bis l’Andante de la Deuxième sonate de Bach, choix identique à celui de Leonidas Kavakos trois semaines plus tôt à l’issue d’un autre concerto russe, celui de Stravinsky (voir ici), mais avec un son autrement plus charnu et une expression plus romantique.
Les Planètes (1916) de Holst connaissent un sort bien étrange dans notre pays. La disproportion entre le succès qu’elles rencontrent, depuis leur création, chez les mélomanes anglophones et la méconnaissance dans lesquelles elles sont tenues chez nous ne cesse de frapper. Il est vrai que l’essentiel de la musique anglaise du siècle passé semble voué à un tel sort sous nos latitudes, même si, au demeurant, seules les parties centrales de Mercure ou de Jupiter peuvent peut-être évoquer une certaine idée de l’Angleterre et si le cinéphile ne manquera pas de reconnaître, précisément dans cette section médiane de Jupiter, l’hymne I vow to Thee my country chanté dans le film Another country.
Dans un tel contexte, l’apparition des Planètes à l’affiche à trois reprises au cours du même mois dans la capitale – puisque l’initiative des Concerts Colonne a été précédée par un spectacle de l’Orchestre de Paris destiné aux jeunes (4 mars) et sera suivie de la venue de Colin Davis à la tête de l’Orchestre national (23 mars) – tient du miracle. Après une telle débauche, il ne restera plus aux Parisiens qu’à découvrir les autres facettes – fort nombreuses – du Britannique, qui compte à son con catalogue des pièces aussi variées que la Symphonie chorale, le poème symphonique Egdon Heath ou la Suite Saint Paul.
Suppléant des notes de programme qui, se bornant à la présentation des artistes et ne détaillant même pas les différents mouvements des œuvres, demeurent, de son propre aveu, un regrettable point faible chez Colonne, Petitgirard rappelle brièvement et non sans humour la carrière de Holst, décrit la succession des différentes planètes et souligne l’indéniable influence exercée par cette suite de sept pièces certes parfois contestée pour son refus du développement et de la variation mais qui, tout en résonnant des échos de son temps (Debussy, Dukas, Stravinsky, …), n’a pas de véritable précédent, particulièrement dans la musique britannique.
Avec des cuivres renforcés (huit cors et cinq trompettes), on a mis les petits plats dans les grands et, d’emblée, Mars, d’allure très modérée, s’impose, avec un tuba ténor tout à fait au point, jusqu’à une péroraison implacable. Plus vibrante que capiteuse, Vénus ne s’enlise pas dans un tempo trop retenu et le cor solo s’y montre à son avantage. Abordé à grande vitesse, Mercure souffre d’une mise en place désastreuse, mais le chef, ayant légitimement à cœur de prouver que ses troupes peuvent franchir l’obstacle, aura la classe et le panache de le faire reprendre en bis, cette fois-ci sans encombre et quoiqu’en maintenant le même rythme que lors de la première tentative.
Eclatant et sans lourdeur, Jupiter évite de s’alanguir dans le fameux hymne. On peut concevoir un démarrage plus obsédant (et avec des flûtes plus justes) dans Saturne, mais l’apaisement conclusif convainc en revanche pleinement, de même qu’un Uranus étonnamment vif et mordant. D’une redoutable difficulté par les pianissimi constants qu’il exige de l’orchestre et du chœur de femmes, Neptune déçoit quelque peu, tant par sa lenteur que par l’effacement trop rapide des choristes, dont la périlleuse ligne de chant est, contrairement à ce que prescrit le texte, soutenue par l’orgue, conférant à celui que Holst avait sous-titré Le Mystique un caractère bizarrement sulpicien.
Simon Corley
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