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Dr. Heinrich et Mr. Schiff Paris Théâtre Mogador 03/15/2006 - et 16 mars 2006 Joseph Haydn : Concerto pour violoncelle n° 2
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 36 «Linz», K. 425
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette, opus 64 (extraits)
Orchestre de Paris, Heinrich Schiff (violoncelle et direction)
Pour la venue de Heinrich Schiff en sa double qualité de violoncelliste mais aussi de chef – une activité qu’il exerce depuis vingt ans déjà – c’est un programme aux deux parties bien autonomes et contrastées qui attendait le public de l’Orchestre de Paris: deux œuvres du classicisme germanique composées la même année (1783), puis des extraits d’un ballet soviétique des années 1930.
En formation concertante, un violoncelliste ne dispose pas de la même aisance qu’un violoniste (ou même qu’un pianiste) pour diriger en même temps l’orchestre: en tant que soliste, il est nécessairement assis face aux spectateurs sur un podium central, tournant ainsi le dos à la plupart des musiciens et devant se pencher sur ses côtés pour voir les premiers pupitres de violons ou d’altos. Dans le Second concerto (1783) de Haydn (en ré), moins exubérant mais au moins aussi redoutable que le célèbre Premier concerto (en ut), Schiff, entouré d’un effectif très restreint (vingt-deux cordes), déçoit par une justesse incertaine, des traits imprécis et une approche indécise, entre pureté presque désincarnée du chant dans l’aigu et graves sonores, voire rageurs.
Mais il restait à découvrir celui qui est devenu en mars 2004 chef principal de l’Orchestre de chambre de Vienne, d’abord dans la Trente-sixième symphonie «Linz» de Mozart. A la tête d’une masse instrumentale plus fournie (quarante cordes), il en donne une lecture plus analytique qu’instinctive, s’attachant à faire ressortir ici ou là les voix secondaires. Manifestement inspiré par les tenants de l’interprétation sur instruments d’époque, tant par le choix de tempi allants que par le refus du vibrato, il en retient hélas également certains des péchés mignons: articulation raide, accents fortement marqués, sonorités acides, discours austère, cultivant une sécheresse anguleuse et martiale bien plus que la grâce ou la rondeur.
Schiff a sélectionné sept extraits des Suites tirées de Roméo et Juliette (1936) de Prokofiev, permettant de présenter en un peu plus d’une demi-heure les pages les plus marquantes de la partition. Avec une force de frappe encore augmentée (soixante-cinq cordes), le tranchant et l’intransigeance convainquent davantage que dans Mozart, car ils sont associés à un phrasé particulièrement soigné des épisodes lyriques (Scène du balcon, Roméo au tombeau de Juliette). La tentation récurrente du chef à venir briser ce travail et cette cohérence par des ralentis expressifs et des gestes excessivement appuyés est d’autant plus regrettable que l’orchestre, avec lequel le contact a manifestement été excellent, montre sa capacité à passer sans encombre des épreuves exigeantes, comme ce tempo extrêmement risqué adopté dans le vif affrontement qui ouvre La Mort de Tybalt.
Simon Corley
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