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A la bien-aimée lointaine

Paris
Théâtre du Châtelet
03/11/2006 -  
Kaija Saariaho : L’Amour de loin

Daniel Belcher (Jaufré Rudel), Magali de Prelle (Clémence), Marie-Ange Todorovitch (Le Pèlerin)
Rundfunkchor Berlin, Deutsche Symphonie-Orchester Berlin, Kent Nagano (direction)


Alors qu’Esa-Pekka Salonen s’apprête à révéler à Bastille Adriana Mater, le nouvel opéra de Kaija Saariaho, c’est L’Amour de loin (2000) qui revenait, pour une seule soirée seulement, à l’affiche du Châtelet, où il avait déjà connu sa première française en novembre 2001 (voir ici). Depuis sa création à Salzbourg, l’histoire du troubadour Jaufré Rudel, sur un livret d’Amin Maalouf, accomplit décidément une belle carrière, puisqu’un enregistrement est annoncé chez Harmonia mundi et qu’un film en sera ensuite tiré, sous la direction du réalisateur Yves Angelo.


Pour ce qui était alors sa première tentative dans le domaine lyrique, la plus parisienne des Finlandaises a habilement déjoué bon nombre de pièges: réussite dans le traitement, pourtant toujours délicat, de la langue française, entre chant, ornementation, déclamation ou récit; respect des voix malgré un orchestre à l’effectif imposant, qui produit un somptueux continuum de sonorités sensuelles; refus de l’orientalisme facile qu’aurait pu susciter le sujet; capacité à fusionner sans hiatus stylistique des époques très diverses, depuis la musique médiévale jusqu’aux interventions électroniques réalisées par l’Ircam. Privilégiant quasi exclusivement les soli sur les ensembles vocaux, intégrant souvent le chœur comme une couleur supplémentaire de l’orchestre, l’écriture donne la primauté aux timbres et à la mélodie plus qu’aux rythmes.


Structurée en cinq actes eux-mêmes découpés en treize tableaux d’une durée totale de près de deux heures, l’action tient sans doute davantage de l’oratorio de l’opéra. Pour cette reprise, elle est enrichie par des images conçues par Jean-Baptiste Barrière et réalisées par Pierre-Jean Bouyer. Projetées sur un écran placé à mi-hauteur, entre les surtitres et l’orchestre: tantôt abstraites, tantôt plus réalistes, intégrant en surimpression des gros plans en direct des chanteurs, elles évoquent – mais est-ce simplement une thématique proche (l’amour, la mer) qui suggère un tel rapprochement? – les vidéos de Bill Viola pour un autre Poème de l’amour et de la mer, le Tristan présenté la saison dernière à l’Opéra Bastille. Y avait-il d’ailleurs davantage d’animation et de mise en scène dans cette production de Peter Sellars que dans cette version de concert «en images»?


La frustration engendrée par l'absence de réalisation scénique reste donc limitée, d’autant que les solistes défendent leur partie avec un engagement très théâtral. On peut sans doute concevoir un Jaufré Rudel plus nuancé que celui de Daniel Belcher et Magali de Prelle peut difficilement faire oublier que le rôle de Clémence fut écrit pour Dawn Upshaw, mais la conviction l’emporte sans peine, avec en outre une superbe prestation de Marie-Ange Todorovitch en pèlerin. Kent Nagano, qui porte la partition depuis sa création salzbourgeoise, et le Deutsches Symphonie-Orchester Berlin (l’ancien RSO, lui-même ancien RIAS), dont il est le chef principal depuis 2000, déroulent un tapis chatoyant, auquel s’associe le Chœur de la Radio de Berlin.


Après les saluts, auxquels s’étaient joints la compositrice et le librettiste, Daniel Belcher ne tarde pas à revenir sur scène pour se voir remettre par Jean-Pierre Brossmann, en même temps que Sara Mingardo, le prix du Cercle des amis et mécènes du Châtelet.



Simon Corley

 

 

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