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Ombres brillantes

Paris
Musée d'Orsay
02/25/2006 -  et 24, 25*, 26, 28 février, 2 et 3 mars 2006
Aristide Bruant : La Chanson du Chat noir
Ernest Cabaner : Le Pâté
Del Fragson : Les Amis de Monsieur
Léon Xanrof : L’Associé
Georges Fragerolle : Le Sphinx – L’Enfant prodigue
Claudius Blanc/Léopold Dauphin : L’Age d’or (+)
Paul Marinier : D’elle à lui
Maurice Mac-Nab : Le Mastroquet de Suresnes
Charles de Sivry : Le Malin Kanguroo
Yvette Guilbert : Verligodin

Françoise Le Golvan (mezzo), Jérôme Correas (baryton), Claude Aufaure (récitant), Susan Manoff (piano, cymbales antiques), Karolos Zouganelis (+) (piano)
Jean Godement (metteur en scène et marionnettiste), Josette Stein (marionnettiste), Claire Ananos (traductions numériques et animation en direct), Mariel Oberthür (conseiller artistique)


Depuis plusieurs saisons, le Musée d’Orsay, sous l’impulsion de l’historienne Mariel Oberthür, s’attache à faire revivre les spectacles d’ombres donnés au cabaret Le Chat noir. Le copieux programme (près de deux heures) qu’il propose à sept reprises jusqu’au 25 mars permet de donner un aperçu complet des différents genres et techniques dans lesquels s’inscrivent les plus de quarante pièces produites dans ce cadre entre 1885 et 1897: les silhouettes (d’origine ou bien réalisées à partir de dessins d’époque), articulées ou non, sont mues par deux marionnettistes dissimulés derrière un écran lumineux placé à mi-hauteur, faisant parfois appel à la couleur (reconstituée ici avec des images numériques); elles sont associées tantôt à un texte seul dit par un récitant, tantôt à un mélodrame (récitant soutenu par le piano ou alternant avec lui), tantôt même au chant.


En frac impeccable, Claude Aufaure, après une entrée de Monsieur Loyal impertinent, se fait le narrateur idéal du bref «drame oriental» (sans musique) de Henry Somm, L’Eléphant, à la poésie délicieusement absurde (1886). Dans le même esprit, le «drame australien» Le Malin Kanguroo (1894) bénéficie quant à lui d’une musique de Charles de Sivry. Plus développé, Le Secret du manifestant (1894), «drame express en cinq actes» (et en vers) sur une «bavure» policière dont les gendarmes seront finalement les victimes, tourne en dérision dans la plus pure tradition des chansonniers – rien de plus facile, du coup, que d’y insérer au passage une allusion au périple du Clemenceau – les forces de l’ordre et la politique: Susan Manoff l’entoure d’un accompagnement à base de citations détournées (Bizet, Chopin, Satie, Wagner, le Dies irae ou La Marseillaise).


Révélateur, après l’Orient et l’Australie, du goût fin de siècle pour l’exotisme, Le Sphinx (1896), «épopée légendaire en seize tableaux» de Georges Fragerolle, se veut plus ambitieux, de même que L’Enfant prodigue (1894), encore plus long (vingt-sept minutes). Quoique vaillamment défendues par le baryton Jérôme Correas, ces deux pièces tiennent davantage de la curiosité historique et peinent à s’imposer, qu’il s’agisse de la musique, au style et à l’écriture incertains, de l’animation numérique, un ton en dessous des «vraies» ombres, ou du texte, qui n’a rien à envier à la manière ampoulée des cantates de Prix de Rome.


L’Age d’or (1894), «symphonie-pantomime en neuf tableaux», constitue en revanche une véritable merveille, particulièrement parce que c’est ici que la fusion des trois arts paraît la plus aboutie: musique nettement plus élaborée de Claudius Blanc et Léopold Dauphin (pour piano à quatre mains, où Karolos Zouganelis a rejoint Susan Manoff), dont la délicatesse évoque souvent Chabrier; ombres magnifiques d’après des dessins d’Adolphe Willette; texte (passablement misogyne) maniant l’humour et la mélancolie, remarquablement mis en valeur par Claude Aufaure.


Au Chat noir, les spectacles d’ombres étaient entrecoupés de chansons, drôles ou sérieuses: puisant dans le répertoire de Cabaner, Fragson, Xanrof, Mac-Nab et Yvette Guilbert, Jérôme Correas et Françoise Le Golvan, une «mezzo» à la gouaille bien en situation, font alterner petits riens de la vie quotidienne (Le Pâté), anecdotes de caractère plus leste (Les Amis de Monsieur, L’Associé), mais aussi fantaisie délirante (Le Mastroquet de Suresnes) et contestation sociale (D’elle à lui, Verligodin).


Bien entendu, c’est La Chanson du Chat noir de Bruant qui, après avoir ouvert la soirée, conclut, entonnée par les six protagonistes et reprise par le public, qui admire au passage les talents de pianiste de Jérôme Correas… et de chanteuse de Susan Manoff, parée pour l’occasion d’un boa blanc.



Simon Corley

 

 

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