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Plaisir et frustrations

Paris
Théâtre du Châtelet
01/28/2006 -  et 2, 12, 15 février, 6, 15 avril 2006
Richard Wagner : Götterdämmerung
Nikolaj Schukoff (Siegfried), Linda Watson (Brünnhilde), Kurt Rydl (Hagen), Dietrich Henschel (Gunther), Sergei Leiferkus (Alberich), Christine Goerke (Gutrune), Mihoko Fujimura (Waltraute), Qiu Lin Zhang (Première Norne), Daniela Denschlag (Deuxième Norne), Marisol Montalvo (Troisième Norne)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)
Robert Wilson (mise en scène), Frida Parmeggiani (costumes), Kenneth Schutz (lumières)


Après Siegfried avant-hier (lire ici) et Götterdämmerung ce soir, la boucle est bouclée et on peut faire un bilan. Dix ans après la production de Jeffrey Tate et Pierre Strosser, Paris accueille donc un nouveau Ring et c’est toujours le Théâtre du Châtelet qui monte ce cycle imposant et très exigeant artistiquement. Doté de moyens incomparablement plus importants (en budget comme en personnel), l’Opéra de Paris n’a pas mis la Tétralogie à l’affiche depuis les années cinquante, avec Hans Knappertsbusch ! Pour ces deux cycles, la location du Châtelet a été prise d’assaut par le public et l’on se demande bien pourquoi l’Opéra de Paris, qui se consacre d’abord au répertoire rappelons-le, ne veut pas franchir le pas. La difficulté de l’entreprise est réelle bien sûr, la prise de risque évidente, la planification complexe ; rappelons donc les mérites du Théâtre du Châtelet et de son directeur, Jean-Pierre Brossmann, qui achève ainsi son mandat en beauté.


Maintenant que penser de cette production ? On s’est fait ici l’écho des jugements partagés que l’on peut porter sur le travail de Robert Wilson, la direction de Christoph Eschenbach et la distribution vocale. Mais un Ring peut-il plaire à tout le monde : non ! Est-ce que ça aurait pu être pire ? Oui, très certainement (cf l’horreur de Stuttgart). Mieux ? Oui, peut être, mais même à Bayreuth on voit des stupidités et les réussites ne sont finalement pas si nombreuses. Et puis le «goût français» a été façonné par l’incontestable réussite de l’équipe Boulez/Chéreau à Bayreuth en 1976-1980, mais il faut savoir se détacher de ses références pour en découvrir d’autres.


On ne peut se départir, globalement, d’un certain sentiment de frustration. Le travail de Robert Wilson est remarquable, la dramaturgie très étudiée, les lumières magnifiques, le soin apporté à la réalisation exceptionnel, mais certaines scènes «d’action» (2e acte du Crépuscule) montrent les limites d’un langage qui place sa cohérence interne au dessus des singularités narratives. La dimension corporelle, charnelle s’évacue facilement dans Madame Butterfly, La Flûte enchantée ou Pelléas et Mélisande (trois réussites incontestables du metteur en scène américain), mais beaucoup plus difficilement dans Wagner où les personnages s’empoignent et se battent ou s’enlacent. Les scènes plus statiques, par contre, bénéficient de la «tension spatiale» que sait faire émerger Wilson, et le dialogue Waltraute-Brünnhilde à la fin du premier acte captive l’attention comme jamais par de simples mais très précis déplacements des protagonistes.


Légère frustration aussi par rapport à l’Orchestre de Paris et Christoph Eschenbach. La plasticité de l’orchestre fascine, l’équilibre des pupitres est savamment dosé, mais quelques couacs (des cors notamment) et un manque de graves dans le son irritent à la longue. Cependant la redoutable partition du Crépuscule des dieux, aux motifs enchevêtrés et aux voix multiples, aura été très bien rendue par l’orchestre parisien.


Sur la durée, la distribution vocale se révèle de haut niveau, avec une grande Brünnhilde (Linda Watson), même si la prononciation passe au second plan, un Hagen impressionnant d’autorité vocale (Kurt Rydl), un Gunther raffiné (Dietrich Henschel), une remarquable Waltraute (Mihoko Fujimura, un nom à retenir), une bonne Gutrune (Christine Goerke), mais malheureusement une erreur de distribution en la personne de Nikolaj Schukoff, incapable d’arriver aux chevilles du rôle de Siegfried.


Mais cette légère frustration n’entache pas l’œuvre qui reste préservée des lubies qu’imposent de force certains chefs et metteurs en scène, ici au moins on respecte Wagner et c’est finalement lui qui triomphe. Et puis ne soyons pas trop sévères, les Ring à Paris sont tellement rares qu’on attend énormément, peut être trop, des nouvelles productions !





Philippe Herlin

 

 

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