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Vienne, le 23 mars 1783 Paris Théâtre des Champs-Elysées 01/25/2006 - et 28 (Bruxelles), 29 (Frankfurt), 31 (Zagreb) janvier et 2 février (Wien) 2006 Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie n° 35 «Haffner», K. 385 – Air «Se il padre perdei» extrait d’«Idoménée», K. 366 – Récitatif «Misera dove son» et air «Ah! Non son’io che parlo», K. 369 – Sérénade n° 9 «Posthorn», K. 320 (extraits) – Concerto pour piano n° 13, K. 387b [415] – Variations sur un air de Paisiello, K. 416e [398] – Concerto pour piano n° 5, K. 175 – Air «Parto, m’affretto, m’affretto» extrait de «Lucio Silla», K. 135 – Récitatif «Mia speranza adorata!» et rondeau «Ah, non sai, qual pena sia», K. 416
Rachel Harnisch (soprano)
Orchestre de chambre de Lausanne, Christian Zacharias (piano et direction)
Au cours de ses visites régulières au Théâtre des Champs-Elysées avec l’Orchestre de chambre de Lausanne, dont il est le directeur artistique et chef titulaire depuis septembre 2000, Christian Zacharias fait généralement une large place à Mozart, dont il est un interprète d’élection, avec notamment des intégrales des concertos et des sonates qui sont tenues pour des références. Il n’est nullement surprenant, par conséquent, qu’il parcoure l’Europe, en ce mois de janvier 2006, en apportant sa contribution à cet incontournable anniversaire.
Mais il le fait en s’inscrivant, comme à son habitude, dans une démarche originale, puisqu’il s’attache à reconstituer, quoique dans un ordre quelque peu différent, les pièces choisies par Mozart pour son «académie» viennoise du dimanche 23 mars 1783, sorte de «carte de visite» destinée à démontrer l’étendue de ses talents et honorée de la présence de l’Empereur Joseph II. Copieux concert, au vu des standards actuels, comprenant deux heures de musique – et bien qu’en fussent écartées des variations sur un thème de Gluck que le compositeur aurait improvisées à cette occasion en une sorte de bis – mais le pianiste allemand aime visiblement ce genre de défis: on l’aura rarement vu si mobile et exubérant, adoptant des attitudes aussi spontanées que peu orthodoxes, tant au clavier qu’à la tête de sa formation.
L’usage a longtemps fractionné l’exécution des partitions structurées en plusieurs mouvements: tel fut donc le cas de la Trente-cinquième symphonie «Haffner» (1782), qui était au demeurant à l’origine une sérénade. Avec un effectif allégé (vingt-quatre cordes), qui n’est certes pas le plus parfait ni le plus précis du circuit, Zacharias débusque le moindre contre-chant et démontre que ces pages, si connues soient-elles, demeurent encore pleines de ressources.
Suivent l’air d’Ilia extrait du deuxième acte d’Idoménée (1781) ainsi que le récitatif Misera dove son et l’air Ah! Non son’io che parlo (1781). Si les morceaux vocaux avaient été confiés à plusieurs chanteurs (dont un ténor) lors du concert de 1783, c’est ici Rachel Harnisch qui les donne tous. La soprano suisse, malgré des attaques très prudentes, ne parvient pas toujours à libérer ses aigus, qu’elle possède pourtant indéniablement.
Les deux mouvements de la «symphonie concertante» extraite de la Neuvième sérénade «Posthorn» (1779) bénéficient ensuite d’une lecture fraîche et fruitée, presque déjà d’esprit rossinien. Dans le Treizième concerto pour piano (1783), dernier d’une série de trois qui venait d’être achevée, Zacharias se souvient que chez Mozart, le théâtre n’est jamais loin: inventif, versatile et festif, il insère comme de coutume cadences et autres surprises de son cru, notamment dans l’Allegro final, mais il n’oublie pas pour autant de faire chanter admirablement l’Andante central.
L’histoire ne dit pas à quel moment l’académie de 1783 réservait des pauses… et si l’auditoire était autorisé à s’y nourrir: toujours est-il que pour sa reconstitution parisienne, l’entracte intervint après ce concerto… et que certains spectateurs ne se sont pas privés de se rassasier bruyamment pendant le concert.
A la reprise, ce sont les Variations sur un air de Paisiello (1783), dont il se dit que Mozart les aurait directement improvisées avant même de les coucher sur le papier: en tout cas, c’est le point de vue qu’adopte Zacharias, qui se divertit et régale du même coup le public en faisant preuve dans cette œuvre relativement secondaire d’une fantaisie digitale tout à fait réjouissante, où l’on retrouve l’admirateur de Scarlatti, mais aussi le coloriste qui plonge la variation en mineur dans des brumes inattendues.
Mozart avait choisi de se présenter à Vienne avec un répertoire qui pouvait être considéré comme fort ancien, au regard de l’obsolescence rapide qui frappait alors les créations, à l’image de son Cinquième concerto pour piano (1773). Ici encore, Zacharias rend justice à l’apparat et au brillant des mouvements extrêmes, voire à leur énergie prébeethovénienne, tout en laissant s’exprimer le lyrisme de l’Andante ma un poco Adagio central.
Rachel Harnisch revient pour deux airs de bravoure – celui de Giunia du deuxième acte de Lucio Silla (1772) ainsi que le récitatif Mia speranza adorata! et le rondeau Ah, non sai, qual pena sia (1783) – mais sa prestation reste inégale, marquée par trop d’approximations et des difficultés persistantes dans l’aigu. Il ne reste plus qu’à conclure cette longue soirée en forme de palindrome avec les deux derniers mouvements de la Trente-cinquième symphonie, où le jeu des contrastes, la robustesse du ton et le soin apporté à des détails pittoresques évoquent Haydn de façon insistante.
Le site de l’Orchestre de chambre de Lausanne
Simon Corley
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