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Paris
Théâtre de la Ville
01/21/2006 -  et 15 (Gateshead), 18 (Lisboa), 19 (Nancy), 20 (Martigues), 22 (Köln), 23 (Bilbao), 24 (Sevilla), 25 (Soissons) et 27 (Grenoble) janvier 2006
Béla Bartok : Quatuor n° 4, sz. 91 – Duos pour deux violons n° 28, 32 et 44, sz. 98 – Sonatine pour piano, sz. 55 (arrangement André Gertler/Roger Tapping, extrait) – Danses populaires roumaines, sz. 56 (arrangement Arthur Willner)
Chants et danses traditionnels

Quatuor Takacs: Edward Dusinberre, Karoly Schranz (violon), Geraldine Walther (alto), Andras Fejér (violoncelle) – Muzsikas: Péter Eri (alto, flûte, guitare), Daniel Hamar (contrebasse, gardon, percussion), Laszlo Porteleki, Mihaly Sipos (violon) – Marta Sebestyén (chant)


Le Théâtre de la Ville réunissait en un même spectacle deux formations hongroises habituées des lieux, le Quatuor Takacs et Muzsikas, qui, au cours d’une tournée européenne de dix concerts, s’attachent à montrer comment Bartok, même dans ses œuvres les plus «abstraites», a été influencé par le folklore. Ce n’est certes pas un scoop, s’agissant d’un compositeur qui s’est investi dans l’ethnomusicologie avant même que cette discipline ne fût consacrée – l’un des enregistrements de chants populaires qu’il collectait avec son ami Kodaly est d’ailleurs diffusé en début de concert – et qui forgea ensuite son propre «folklore imaginaire», tant il s’était imprégné de cette richesse ancestrale. Mais l’idée de confronter la source, telle que présentée par Muzsikas, à la manière dont Bartok s’en inspira ne manquait pas moins d’intérêt.


De la Hongrie à la Moldavie en passant par la Roumanie, Muzsikas – quatre musiciens jouant tour à tour des cordes (deux violons, alto et contrebasse) ou d’un instrumentarium plus spécifique (guitare, gardon, «flûte longue»), associés à la chanteuse Marta Sebestyén, voix nasillante et inflexions d’une rare subtilité – propose, avec de brefs textes de liaison lus de façon enjouée par son contrebassiste, Daniel Hamar, un florilège des styles et des genres que l’on reconnaît sans peine chez Bartok: violons s’opposant dans des joutes alertes ou tournoyant pendant que l’alto de Péter Eri (tenu de façon fort peu académique et sonnant comme un accordéon) et la contrebasse marquent le rythme en alternance; mélopées d’une modalité qui défie le temps, soutenues par cette «flûte longue» avec laquelle Péter Eri, un grand gaillard qui dissimule une grande subtilité derrière ses moustaches tombantes et son feutre mou, tire des bruits qui se superposent, à la manière d’un didjeridoo, au murmure de l’instrument.


Le Quatuor Takacs, où Geraldine Walther a remplacé Roger Tapping à l’alto depuis l’automne dernier, donne ensuite le Quatrième quatuor (1928), dont les trois mouvements sont précédés par des danses ou par un chant a cappella. A trois reprises, et à l’exacerbation croissante du public, un spectateur apostrophe Muzsikas d’un puissant «Laissez le quatuor jouer!»: il était visiblement le seul à ne pas avoir accepté ou même simplement compris une démarchée explicitement annoncée dans le programme distribué par le Théâtre de la Ville, au demeurant l’un des principaux temples des «musiques du monde», et ce dès l’époque où on ne les appelait encore que «traditionnelles»… Toujours est-il que les Takacs réalisent un travail magnifique, d’une âpreté certes policée, d’une clarté presque néoclassique, mais où, au fur et à mesure, une spontanéité plus grande s’installe, avec un Allegretto pizzicato résolument ludique puis un irrésistible Allegro molto conclusif.


Autant la correspondance entre le Quatrième quatuor et le folklore tenait davantage de l’esprit que de la lettre, autant, en seconde partie, le lien entre musique populaire et partitions de Bartok était nettement plus explicite, justifiant parallèlement une fusion croissante entre les deux ensembles invités: Mihaly Sipos, l’un des deux violonistes de Muzsikas, dialogue ainsi avec Karoly Schranz, second violon des Takacs, au moins aussi fougueux que son partenaire, dans trois extraits des troisième et quatrième volumes des Quarante-quatre duos (1931). Après une évocation virtuose et savoureuse de la cornemuse par Marta Sebestyén a cappella, ce sont les Cornemuses ouvrant la Sonatine pour piano (1915), dans des adaptations successives d’André Gertler et Roger Tapping, où Daniel Hamar vient renforcer le quatuor avec sa robuste contrebasse à trois cordes. Dans le même esprit, au fur et à mesure de l’arrangement pour quatuor réalisé par Arthur Willner des six Danses populaires roumaines (1915), s’intercalent les mélodies originales. Et la Danse rapide finale, reprise en bis, rassemble même les huit musiciens pour un feu d’artifice bon enfant.


Le site du Quatuor Takacs

Le site de Muzsikas



Simon Corley

 

 

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