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Rencontre parisienne

Paris
Théâtre des Champs-Elysées
12/10/2005 -  
Max Bruch : Concerto pour violon n° 1, opus 26
Ernest Chausson : Poème, opus 25
Franz Waxman : Carmen Fantasy
Johannes Brahms : Symphonie n° 2, opus 73

Vadim Repin (violon)
Orchestre philharmonique de Radio France, Valery Gergiev (direction)


Les chemins de deux vedettes russes se croisaient dans la capitale autour de l’Orchestre philharmonique de Radio France: Valery Gergiev poursuit un long séjour parisien qui, depuis un concert de gala avec le Mariinski (voir ici) jusqu’à différents spectacles au Châtelet ou à Bastille, tels Tristan (voir ici) ou Le Nez (voir ici), tient d’un véritable défi, puisqu’il aura mené de front aussi bien l’opéra que le ballet ou le concert, et dans des répertoires fort variés et à la tête de différents orchestres. Vadim Repin, de son côté, achève à Paris une tournée «Carte blanche» qui l’a conduit dans différentes villes françaises en tant que soliste, chambriste ou récitaliste. Une affiche qui, un samedi soir, avait évidemment fait le plein au Théâtre des Champs-Elysées.


Quelques jours après la venue de Hilary Hahn sur cette même scène, c’est certes un violon un peu moins parfait que l’on entend dans le Premier concerto (1866) de Bruch, mais à la sonorité et à l’expression autrement plus chaleureuses, jouant sans excès du vibrato et du portamento. Ce régal point trop sucré, jamais à l’emporte-pièce, est soutenu par un effectif imposant (soixante cordes) et chauffé à blanc, sur lequel Gergiev imprime d’emblée sa marque et qui s’en donne à cœur joie dans les tutti.


Avec de tels protagonistes, les sources russes du Poème (1896) de Chausson – une nouvelle de Tourgueniev – sont d’autant mieux mises en valeur que c’est son aspect narratif, à la manière d’un... poème symphonique, qui ressort de cette lecture particulièrement habitée, vibrante et dramatique.


Concluant ce défi concertant de cinquante minutes, la Carmen Fantasy (1946) de Waxman, bien qu’inscrite au programme, faisait office de bis: dans cette alternative à la Fantaisie de concert sur des airs de «Carmen» de Sarasate, le virtuose s’amuse, le chef d’opéra est aux anges, le public aussi, qui obtient la reprise des dernières pages.


Lorsque l’orchestre reprend place pour la seconde partie, ce sont soixante-dix cordes et des bois par quatre que l’on découvre avec étonnement – près de cent musiciens, soit quasiment le double de la formation réunie moins de deux semaines auparavant pour cette même Deuxième symphonie (1877) de Brahms sous la baguette de Jerzy Semkow (voir ici) – mais aussi avec appréhension: ces forces de nature brucknérienne sont-elles adaptées à la plus mozartienne des symphonies de Brahms? Et l’on craint déjà les surenchères et exagérations auxquelles se livre parfois Gergiev...


En fin de compte, ce choix instrumental se traduit moins par de la démesure que par une puissance soutenant un lyrisme généreux et une pâte sonore d’une belle plénitude, à l’image de la Deuxième symphonie de Schumann donnée l’année passée avec l’Orchestre de Paris (voir ici). Partition sous les yeux, enchaînant les mouvements presque sans interruption mais omettant la reprise de l’Allegro non troppo initial, le patron du Mariinski use du rubato et exacerbe les contrastes, avec une main gauche qui semble appeler toujours plus de pianissimi ou de fortissimos, mais l’ensemble demeure fermement tenu, au moins aussi construit qu’instinctif – on dirait presque radieuse et équilibrée, avec un Allegro con spirito final nullement précipité. Sensibles à une battue plus charismatique que précise, les musiciens saluent unanimement Gergiev, ayant confirmé pour l’essentiel, après Boulez (voir ici), qu’ils sont à la hauteur des prestigieux invités qui se succèdent au fil de cette saison.



Simon Corley

 

 

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