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Le pavillon des fantômes Paris Théâtre des Champs-Elysées 12/06/2005 - et 27 (Santa Barbara) et 29 (Berkeley) octobre, 1er (Salt Lake City), 3 (Denver), 10 (University, MS), 11 (Morrow), 12 (Durham), 13 (Washington), 15 (Princeton), 17, 18 (New York), 20 (Philadelphia) novembre, 4 (Warszawa), 7 (Bruxelles), 8 (Münster), 10 (Berlin), 11 (Hannover), 12 (München), 14 (Wien), 15 (Wels) et 17 (Ferrara) décembre 2005 Eugène Ysaÿe : Sonate pour violon n° 1, opus 27 n° 1
Georges Enesco : Sonate pour violon et piano n° 3 «Dans le caractère populaire roumain», opus 25
Nathan Milstein : Paganiniana
Wolfgang Amadeus Mozart : Sonate pour violon et piano n° 25, K. 293a [301]
Ludwig van Beethoven : Sonate pour violon et piano n° 3, opus 12 n° 3 Hilary Hahn (violon), Natalie Zhu (piano)
Dans la série «Les Grands solistes» qu’accueille le Théâtre des Champs-Elysées, Hilary Hahn, accompagnée par Natalie Zhu, défendait à Paris un programme aux choix et à la construction originaux, qu’elle joue intégralement par cœur, qu’elle donnera au total à une vingtaine de reprises aux Etats-Unis et en Europe entre fin octobre et la mi-décembre et dont chacune des parties présente la particularité de débuter, à froid et sans filet, par une redoutable pièce en solo.
Dès la Première Sonate (1923) d’Ysaÿe, la perfection des moyens de la violoniste américaine apparaît écrasante: justesse inattaquable, attaques exactes et dépourvues de brutalité, précision et assurance, sans le moindre flottement, sonorité pure, idéalement équilibrée, sans excès de moelleux ou de finesse, née d’un archet qui ne semble jamais toucher les cordes.
Ysaÿe destina chacune de ses six sonates à un grand violoniste: si la Première fut écrite pour Szigeti, la Troisième fut quant à elle dédiée à Enesco. Et c’est précisément sa Troisième Sonate «Dans le caractère populaire roumain» (1926) qui suivait et dont on peut difficilement considérer, quoi qu’en disent les notes de programme, qu’elle figure «au répertoire de tous les grands violonistes». Et c’est pourquoi il est réjouissant de voir la jeune Américaine défendre cette œuvre de par le monde. Toujours aussi olympienne, elle en livre une lecture d’une maîtrise impressionnante, même si l’on peut sans doute en concevoir des visions plus râpeuses ou subversives. Avec ce violon quelque peu retiré dans sa tour d’ivoire, sans être pour autant sérieux et encore moins austère, le piano impeccable de Natalie Zhu en semblerait presque plus engagé.
La seconde partie s’ouvrait sur une rareté: Paganiniana, neuf minutes de variations sur l’inévitable Vingt-quatrième caprice du virtuose italien, publiées en 1954 par Nathan Milstein, où Hilary Hahn semble s’ingénier à rester imperturbable devant l’accumulation des chausse-trapes.
Le duo vient de faire paraître chez Deutsche Grammophon un enregistrement de quatre sonates de Mozart, dont la Vingt-cinquième (1778). Avec simplicité et naturel, la violoniste y trouve curieusement davantage de ressources expressives, de couleurs et de contrastes que dans Ysaÿe ou Enesco. Dans le même esprit, la Troisième Sonate (1798) de Beethoven demeure d’une haute tenue tant technique que stylistique.
Hilary Hahn conclut en annonçant elle-même deux brefs bis empruntés à deux immenses pianistes compositeurs: Prokofiev, avec la vigoureuse Marche extraite de L’Amour des trois oranges (1919), qui triomphe actuellement à Bastille, dans son adaptation par Heifetz; Albéniz, avec le Tango extrait d’Espana (1893), arrangé par Kreisler et abordé ici de manière décidément plus viennoise que latine.
Ysaÿe, Szigeti, Enesco, Milstein, Heifetz, Kreisler: Gabriel Astruc, le fondateur du Théâtre des Champs-Elysées, aurait certainement apprécié ce récital qui permettait d’évoquer tant de noms prestigieux, lui qui avait intitulé ses mémoires Le Pavillon des fantômes...
Le site de Hilary Hahn
Simon Corley
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