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In saecula saeculorum

Paris
Salle Gaveau
11/28/2005 -  
Wolfgang Amadeus Mozart : La Clémence de Titus (Ouverture), K. 621 – Symphonie n° 34, K. 338
Frédéric Chopin : Concertos pour piano n° 1, opus 11, et 2, opus 21

Denis Pascal (piano)
Les Siècles, François-Xavier Roth (direction)


Un orchestre fondé en 2003 par des musiciens «issus des meilleures formations» autour d’un dynamique chef français, ayant pour ambition de «proposer une approche renouvelée du répertoire» en «mélangeant instruments d’époque et instruments modernes»? Eh bien non, ce n’est pas de la Chambre philharmonique d’Emmanuel Krivine qu’il s’agit, mais de l’orchestre de chambre Les Siècles et de François-Xavier Roth. Preuve est ainsi faite que la concurrence est rude dans ce domaine, qui est également celui de l’Orchestre de chambre Mahler, et sans compter avec l’extension des champs d’intérêt d’ensembles tels que l’Orchestre des Champs-Elysées ou l’Orchestre de l’Age des Lumières. Mais si l’on en juge par la belle affluence, pour ne pas dire la cohue, que cette prestation, organisée sous l’égide des «Concerts parisiens» de Philippe Maillard, a suscitée à Gaveau, le créneau n’est sans doute pas près d’être saturé.


Les Siècles se fixent notamment pour objectif de «repenser la programmation et le déroulement du concert», montrant d’emblée un échantillon assez rafraîchissant de cette démarche: de la quasi obscurité qui règne sur scène comme dans la salle émergent en effet quelques accents familiers, ceux de la Marche pour la cérémonie des turcs extraite du Bourgeois gentilhomme (1670) de Lully. Dans la pénombre, on devine Roth à la tête d’une poignée de musiciens et frappant vigoureusement l’estrade – la poussière n’en mène d’ailleurs pas large – avec un imposant bâton muni de grelots, tel sans doute celui qui fut fatal au maître de la cour de Louis XIV. Au fur et à mesure que les lumières reviennent, ils sont rejoints par les autres membres de l’ensemble, qui entrent de chaque côté depuis l’arrière du parterre, tout en jouant et même en esquissant des pas de danse, à l’image de leur chef. La progression contenue de l’intensité, jusqu’à un joyeux capharnaüm sonore, évoque une sorte de Boléro façon XVIIe.


Ayant abandonné son bâton, Roth lance ensuite le programme officiel avec l’ouverture de La Clémence de Titus (1791) de Mozart: démarrage en fanfare, au propre comme au figuré, tant l’énergie et le dynamisme y confinent parfois à la brutalité.


Au centre, à tous égards, de cette soirée, figuraient les deux concertos de Chopin, que Les Siècles ont déjà enregistrés pour Polymnie avec Denis Pascal, qui relevait ainsi le défi de les donner l’un à la suite de l’autre, de part et d’autre de l’entracte. Ophicléide, trompettes et cors naturels, ces derniers trop souvent à la peine, timbales anciennes, vingt-trois cordes (renonçant à tout vibrato): s’il est évidemment justifiable dans Mozart, cet instrumentarium l’est-il aussi clairement en plein XIXe, même si sa couleur «atypique» est ici explicitement revendiquée? La question mérite d’autant plus d’être posée que le Pleyel ne date pas non plus de l’époque de Chopin, mais est en réalité une copie neuve d’un instrument «ayant appartenu à Alfred Cortot qui date des années 1910». En bref: un orchestre fin XVIIIe avec un piano début XXe.


Il y a en outre quelque paradoxe à faire porter des efforts de recherche et d’interprétation sur des œuvres dont l’orchestration n’est généralement pas considérée comme le point fort: non seulement les déséquilibres entre pupitres ne sont pas toujours (ou toujours pas) résolus, mais cette approche indéniablement risquée, si elle renouvelle certes l’écoute que l’on peut avoir de pages aussi célèbres, aura sans doute surpris par sa mise en valeur de certains détails, par son articulation heurtée et, surtout, par son caractère inhabituellement violent, voire expéditif, particulièrement dans le Premier concerto (1830), bien loin d’un Chopin fragile et évanescent. Avec une respiration plus large, le Second concerto (1829) se révèle cependant plus convaincant, d’une belle finesse dans le Larghetto central et non sans humour dans l’Allegro vivace final.


En tout cas, on aura rarement vu concertos romantiques faire transpirer davantage le chef que le soliste, et pour tout dire, marquer la domination du premier sur le second. Cela étant, Denis Pascal a le mérite de suivre les tempi exigeants qui lui sont imposés et oppose à cet accompagnement hors normes un jeu plus sobre, fluide et équilibré. De généreux bis – l’avant-dernière des variations conclusives de la Sixième sonate (1775) de Mozart, puis Reflets dans l’eau, première pièce de la Première série (1905) des Images de Debussy – permettent d’ailleurs d’apprécier plus longuement un jeu clair, léger et dégraissé.


En guise de conclusion, la Trente-quatrième symphonie de Mozart – dont Les Siècles projettent de présenter une «odyssée» (comprenant principalement l’intégrale de ses symphonies) à l’occasion du deux cent cinquantième anniversaire de sa naissance – bénéficie d’une lecture abrasive et pétaradante, conduite avec élan, rythme et panache, mais très réductrice, dépourvue de grâce et confirmant une tendance à confondre vitesse et précipitation, sentiment d’urgence et course en ligne.


Parfait miroir, le concert s’achève sur une reprise encore plus déjantée de la Marche de Lully qui ravit le public.


Le site de l’ensemble Les Siècles

Le site de François-Xavier Roth



Simon Corley

 

 

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