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C’est pas classique ! Nice Acropolis 11/12/2005 -
14 heures 30, Salle Athéna
Manuel de Falla : Fantasia baetica
Enrique Granados : Goyescas, La Maja y el ruiseñor
Federico Mompou : 2 danses catalanes
Manuel de Falla : L’amour sorcier, extraits
Jean-François Heisser, piano
15 heures 30, Salle Athéna
Gabriel Fauré : Dolly
George Bizet : Jeux d’enfants
Sandrine et Gabriel Tacchino, piano à 4 mains
20 heures 15, Salle Apollon
W.A. Mozart : Concerto pour 2 pianos K365
Ludwig Van Beethoven : Fantaisie pour piano, chœur et orchestre op80
George Gershwin : Porgy and Bess, arrangement pour clarinette
Maurice Ravel : Tzigane
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé, 2ème suite
Orchestre régional Cannes-Provence Alpes Côte d’Azur, Philippe Bender, direction
Chœur départemental des Alpes-Maritimes et Chœur universitaire de Nice (direction Alain Joutard), Chœur Andantino, Solisti Vocalis
Brigitte Engerer et Jacques Taddei, piano, Michel Lethiec, clarinette, Olivier Charlier, violon
On ne remerciera jamais assez René Martin, le dynamique créateur –entre autres- des Folles Journées de Nantes. Son pari réussi d’amener dans un lieu donné et tout au long de quelques journées consécutives bien remplies, un vaste public n’ayant que peu ou pas fréquenté les concerts de musique classique, a donné des idées à bien des responsables culturels.
Nice vient de se lancer dans l’aventure et là aussi la gageure semble avoir été largement gagnée. Sur les 3 journées des 11, 12 et 13 novembre, environ 30.000 personnes se sont pressées dans le spacieux Palais des Congrès Acropolis. Pour une première édition, c’est un succès, il est vrai que tous les concerts étaient… gratuits. Le Conseil général des Alpes-Maritimes avait initié cette opération sans crier gare, et les organisateurs n’ont eu que quelques semaines pour élaborer un programme festif assez copieux : une quarantaine de concerts (récitals, musique de chambre, orchestres), une dizaine de Master Classes, des conférences, des animations et expositions. Prédominance musique classique, mais sans exclusive, et la qualité était comme on dit au rendez-vous, la pédagogie également. Bien sûr, dans ce genre de manifestation, les contraintes organisationnelles peuvent s’avérer lourdes : gestion des foules, des horaires, des flux, mais la chaleur du public a toutefois répondu sans barguigner à l’engagement financier réel de la Collectivité organisatrice, la gratuité arrange bien des choses !
Dans cette opération, baptisée par le clin d’œil « C’est pas classique ! », on a pu ainsi entendre des grosses pointures, telles Jordi Savall, mais aussi de nombreux jeunes musiciens par exemple issus des conservatoires locaux ou des chorales du département. On aura surtout puisé dans le vivier des professeurs de l’Académie internationale d’été de Nice (Engerer, Demarquette, Adamopoulos, Vidal, Charlier…) et fait appel aux orchestres locaux et aux grands solistes azuréens tels Olivier Gardon ou Gabriel Tacchino. On peut résumer ces marathons sonores en disant que la première journée magnifiait la musique baroque, la deuxième surtout le piano et la troisième la voix humaine.
Enfin, élément un brin inhabituel, le dimanche 13 a vu un compositeur populaire, dans la meilleure acception du terme, Bruno Coulais, célébré par un concert lui étant dédié, avec des extraits de ses films et de son opéra Il Gioco di Robin e Marion.
Que dire de ces concerts qu’on pourrait qualifier d’institutionnels tant la part du contexte imposait des programmations ou des durées bien définies ?
Ceux auxquels il nous a été donné d’assister étaient en fait surprenants : point trop d’effets de manche, une bonne dose d’œuvres grand public mais pas uniquement. Et Jean-François Heisser avait même inclus dans sa sélection un chef d’œuvre aussi austère et sans concession que la Fantasia baetica de De Falla, ou des pièces d’un compositeur pour initiés, le Catalan Mompou. Notre excellent spécialiste du répertoire espagnol fit passer un rare moment de poésie à l’intérieur d’un cadre plutôt orienté vers le démonstratif.
Avec Sandrine et Gabriel Tacchino, autre direction, probablement pour séduire les nombreuses familles présentes à Acropolis : évoquer le monde de l’enfance. Le charme des Jeux d’enfants de Bizet a pu l’espace de ces instants follement virtuoses faire briller les yeux des jeunes ou faire rêver les moins jeunes sur ces amusements disparus.
Le concert du samedi soir était qualifié de « phare » par les organisateurs. Rassembleur serait le mot : un orchestre professionnel, des jeunes de conservatoire, des solistes réputés, des chœurs (3) et des œuvres arrachant toutes aux 2400 spectateurs un enthousiasme fort sympathique. Notons cette Fantaisie de Beethoven, rarement jouée (pourquoi monter une œuvre de 20 minutes nécessitant 6 solistes vocaux plus un chœur qui chantent moins de 5 minutes ?). Mais l’allégresse collective qui graduellement subjugue les sens est pourtant bien de la même veine que le final de la 9ème symphonie, on sait que c’en était l’esquisse.
La clarinette de Gershwin et le violon de Ravel, chacun dans leur domaine, permettaient à Michel Lethiec de frôler le jazz (le grand absent des 3 jours) et à Olivier Charlier, de brosser sa Tzigane avec un aplomb et une verve prodigieuse. L’oeuvre concluant cette longue soirée, Daphnis et Chloé, fut jouée par un Orchestre régional survolté auquel était adjoint, quelle belle initiative !, 54 jeunes élèves des conservatoires du département. Philippe Bender, un des héros de la journée, en donna une version unanimiste, électrisante à plaisir.
Si l’émotion apparemment ressentie et exprimée par l’abondante jeunesse dans l’immense salle Apollon pouvait se muer en plus d’intérêt pour le classique, un autre pari, magistral lui, serait gagné.
Alain Dornic
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