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Exemplaire

Paris
Opéra Bastille
11/08/2005 -  et 12*, 16, 20, 29 novembre, 3 et 6 décembre 2005
Richard Wagner : Tristan und Isolde

Clifton Forbis (Tristan), Willard White (König Marke), Lisa Gasteen (Isolde), Alexander Marco-Buhrmester (Kurwenal), Ekaterina Gubanova (Brangäne), Peter Eglitis (Melot), Ales Briscein (Ein junger Seemann/Ein Hirt)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Peter Burian (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Valery Gergiev (direction musicale)
Peter Sellars (mise en scène), Bill Viola (vidéo), Martin Pakledinaz (costumes), James F. Ingalls (éclairages)


L’Opéra Bastille accueille la reprise, pour sept soirées et matinées, de la production-événement de Tristan et Isolde (1859) de Wagner, déjà présentée sept fois en avril et mai derniers (voir ici). En raison d’une direction musicale et d’une distribution vocale intégralement renouvelées, c’est l’association entre les visions de Bill Viola et la mise en scène de Peter Sellars qui en constitue le principal élément de continuité.


Décidément, cette année à Paris, Wagner sera conceptuel ou ne sera pas. Pour être plus innovante dans sa démarche que celle de Robert Wilson dans le Ring qui vient d’être présenté au Châtelet, ce spectacle s’y apparente cependant par son esthétique épurée et conceptuelle, d’une vibrante intensité, traduisant une fidélité constructive à la Gesamtkunstwerk wagnérienne.


Habilement calé sur la partition et sur l’action tout en suggérant, à la manière des leitmotive, les pensées ou les songes des protagonistes, le travail de Viola, qui recourt sans ostentation à une large palette technique (ralenti, flou, noir et blanc, ...), est projeté sur un immense écran rectangulaire utilisé verticalement (éventuellement scindé afin d’offrir deux images au déroulement symétrique) ou bien horizontalement. L’eau (y compris, au premier acte, un long rituel de purification) et le feu dominent les trois heures quarante-cinq de la vidéo réalisée par l’Américain: mer (sur laquelle la vue d’un cargo éclairé au loin demeure toutefois difficilement explicable) et flammes, mais aussi côtes sauvages et forêt, procédant souvent, grâce à des lumières très étudiées, à des irisations chatoyantes, à de superbes effets de clair-obscur ainsi qu’aux poses qu’adoptent les acteurs représentant le «corps terrestre» et le «corps céleste» des deux héros, par longs plans fixes qui évoquent des sujets religieux de la Renaissance ou des tableaux de Caspar David Friedrich.


Afin d’éviter toute surcharge visuelle et de ne pas capter excessivement l’attention, la mise en scène se devait d’être dépouillée. Sellars y parvient, le ludion américain semblant, du même coup, étonnamment assagi, avec une direction d’acteurs réduite à l’essentiel, tenant davantage de la «mise en espace» d’une version de concert, avec des personnages qui se tiennent généralement devant la rampe, face au public. Mais le metteur en scène n’abdique pas complètement, usant notamment de la spatialisation – les interventions du jeune matelot et du chœur au premier acte, de Brangäne au deuxième acte puis du berger au troisième acte viennent ainsi des hauteurs de la salle – et faisant preuve, malgré ce cadre contraignant, d’une indéniable poésie, telle cette invocation à la nuit que Tristan et Isolde chantent à genoux, et même d’une certaine créativité, par exemple le retour aveuglant des lumières dans la salle à la fin du premier acte ou l’apparition sur scène de Marke et Melot à chacun des avertissements de Brangäne au deuxième acte.


Le fond noir pour tout décor, les accessoires quasi inexistants (philtres, épées), les éclairages parcimonieux de James Ingalls et les costumes de Martin Pakledinaz sont à l’avenant, dans des noirs et gris intemporels (hormis l’uniforme d’amiral quelque peu incongru que revêt Marke au dernier acte), d’où émergent seulement visages et mains, le blanc étant exclusivement réservé à Tristan agonisant.


La relative déception de cette reprise vient d’un plateau vocal globalement moins satisfaisant que celui réuni au printemps dernier. Succédant respectivement à Ben Heppner et à Waltraud Meier, Clifton Forbis et Lisa Gasteen n’ont effectivement pas la partie facile: le ténor américain, qui fut autrefois Parsifal à Bastille (voir ici) et récemment Tristan à Genève (voir ici), peine durant les deux premiers actes, malgré un beau registre grave, à trouver un timbre homogène et à se libérer d’une émission tendue, qui donne sans cesse l’impression d’une rupture imminente, mais retrouve plus de naturel et de legato au troisième acte; la soprano australienne, quant à elle, possède incontestablement la tessiture et la puissance du rôle, mais ses ports de voix dépourvus d’élégance tendent à devenir envahissants.


Si Willard White, en Marke sonore, impose sans surprise sa présence, son autorité et sa ligne de chant, la révélation vient d’une Brangäne de vingt-six ans, Ekaterina Gubanova: déjà entendue à Paris en Troisième dame dans La Flûte enchantée (voir ici) et en Emilia dans Otello (voir ici), la mezzo russe surprend par son aisance, sa constance et ses qualités techniques. Seul «rescapé» de la distribution du printemps, Alexander Marco-Buhrmester, qui était alors Melot, a pris du galon, mais malgré des aigus bien maîtrisés, son Kurwenal manque de souffle.



Dans la fosse, Esa-Pekka Salonen est remplacé par Valery Gergiev, lancé depuis le récent gala du Mariinski (voir ici) dans un véritable marathon qui le conduira alternativement, durant un bon mois, dans trois institutions parisiennes (outre l’Opéra de Paris, le Châtelet et Radio France) et dans des répertoires très différents. Malgré une gestuelle débridée, le chef ossète demeure d’une grande probité et dirige, dans des tempi globalement rapides, un orchestre d’une belle cohésion, transparent et mobile.


Sellars, Viola, Gergiev, la combinaison promettait d’être sulfureuse, mais elle se révèle finalement bien plus que cela: exemplaire.



Simon Corley

 

 

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