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A vos mouchoirs!

Paris
Bastille
10/05/2005 -  et les 7, 9*, 12, 13, 15, 18, 19, 21, 22, 25, 26, 29 octobre et les 1 et 4 novembre 2005.
Giacomo Puccini : La Bohème
Olga Guryakova/Angela Marembio/Marina Mescheriakova (Mimi), Rolando Villazon/Stefano Secco (Rodolfo), Franck Ferrari/George Petean (Marcello), Elena Semenova/M ria Fontosh (Musetta), Alexander Vinogradov/Giovanni Battista Parodi (Colline), José Fardilha (Schaunard), Jean-Philippe Marlière (Benoît/Alcindoro), Pascal Meslé (Parpignol)
Dante Ferretti (décors), Gabriella Pescucci (costumes), Guido Levi (lumières), Jonathan Miller (mise en scène)
Orchestre et Choeurs de l’Opéra National de Paris - Maîtrise des Hauts de Seine - Choeurs d’enfants de l’Opéra National de Paris
Daniel Oren (direction)

Depuis dix ans, cette production de La Bohème à la Bastille aura vu défiler de nombreux Rodolfo (et de nombreuses Mimi) de Roberto Alagna à Marcelo Alvarez en passant par Stefano Secco ou Marcello Giordani,… Mais cette année, cette reprise est marquée par la présence du ténor qui, actuellement, met la critique et le public à ses pieds, Rolando Villazon.



La mise en scène est toujours aussi agréable à regarder et il n’y a rien de bien nouveau par rapport à 2003. Toutefois il faut souligner l’intrusion de la patte de Gérard Mortier qui n’hésite pas à mettre des affiches de Cardillac dans la chambre des quatre amis et au café Momus, au cas où le public n’aurait pas compris qu’il fallait aller écouter cet opéra de Hindemith…


Olga Guryakova est une charmante Mimi avec une voix très puissante (surtout dans les aigus!), ce qui lui permet d’apporter une dimension originale au personnage: on est très loin de la mièvrerie de certaines Mimi qui passent le temps de la représentation à pleurer sur leur sort. Son air “Mi chiamano Mimi” est interprété avec beaucoup de sensibilité surtout le passage assez délicat “ma quando vien” qu’Olga Guryakova amène tout doucement pour ensuite laisser éclater son bonheur très simple de vivre dans “il primo bacio”: le contraste est saisissant dramatiquement. La chanteuse a de la passion en elle et son chant s’enflamme dans le duo avec Marcello (passage magnifique) quand elle explique que Rodolfo et elle doivent se séparer. Le second air est également intense grâce à des nuances subtiles et étudiées. Elle retrouve la fragilité nécessaire au personnage seulement au moment de la mort quand, avec des perles dans la voix, elle dit bonjour à Marcello, Schaunard et Colline.
Le personnage de Rodolfo a été marqué par des ténors plus prestigieux les uns que les autres mais au sortir de cette représentation, on ne peut que se rendre à l’évidence: Rolando Villazon s’ajoute à la liste très fermée des grands titulaires de ce rôle. On n’a jamais vu un Rodolfo aussi effondré de douleur à la fin de l’opéra quand il comprend que Mimi va mourir, effondré certes mais aussi très intelligent car il sait avant que ses amis ne lui disent la vérité, que c’est fini pour Mimi: il met beaucoup d’espace entre ses phrases parlées, reprend plusieurs fois sa respiration… Vocalement sa prestation est de toute beauté. Le “che gelida manina” était, de toute évidence, très attendu et c’est avec une maîtrise parfaite de la ligne de chant, de la musicalité que le chanteur aborde cet air: son interprétation réchaufferait la main la plus gelée tant il y met de feu et de vérité. Rolando Villazon dessine un Rodolfo très tourmenté au troisième acte et ses accents sur “Ebben e no” sont impressionnants! Il est le personnage jusqu’à la plus petite couture de son imperméable tant il grelotte de froid avec conviction et tant il s’amuse avec ses amis au premier et au dernier tableau en se déguisant en chevalier, en dansant le menuet et autres…
Le reste de la distribution est très bien assurée à commencer par Franck Ferrari qui assume avec brio le rôle de Marcello. Le couple Rodolfo-Marcello fonctionne à merveille et le duo “Ah Mimi, tu piu non torni” est un grand moment d’intensité: les deux voix se mêlent l’une dans l’autre pour exprimer la douleur, mais les deux personnages semblent très distants sur un fond de complicité. Enfin les deux amis sont à chaque coin du plateau et regardent dans le vide, Marcello les toits de Paris, Rodolfo le mur! Franck Ferrari, qui enfin trouve sa vraie place sur une scène parisienne, dévoile une voix très puissante, autoritaire mais qui sait s’adoucir pour crier son amour passionné pour Musetta.
Musetta est interprétée par Elena Semenova, nom à retenir et artiste à aller voir. Elle apporte une grande fraîcheur au personnage ainsi que des aigus brillants. Sa valse “quando m’en vo” est non seulement chanté avec une grâce infinie, mais aussi jouée sans aucune vulgarité et avec conviction. La dernière montée est exécutée en pianissimo mais parfaitement soutenue ce qu’il lui permet de conclure sur un aigu puissant et stable.
Une très bonne surprise en la personne de Alexander Vinogradov, autrement dit Colline! Ce tout jeune chanteur impressionne beaucoup avec un adieu au manteau particulièrement expressif et puissant. Les derniers “addio” sont séparés par des silences éloquents et n’ont pas tous la même intensité. On sent dans sa voix de nobles accents qui feront merveille dans des rôles plus imposants, russes notamment. Schaunard est très agréablement rendu par José Fardilha qui joue avec la partition, allongeant les notes, changeant le rythme pour davantage rendre drôle le récit de la mort du perroquet au premier tableau. Il n’hésite pas à contrefaire sa voix pour ridiculiser les bourgeois, propriétaires de la dite bête! Enfin, Jean-Philippe Marlière met toute sa vis comica au service de Benoît et de Alcindoro.


Tous ces chanteurs sont soutenus par l’excellent chef Daniel Oren, qui remplace Gustave Kuhn lui-même remplaçant Daniel Harding dans Cosi fan tutte à Garnier. Sa prestation dans ce même ouvrage à Vérone l’été dernier avait reçu un accueil très enthousiaste et c’était donc avec une immense plaisir qu’on le retrouvait à Bastille, dans un cadre fermé cette fois. Et malheureusement cela sonne un tout petit moins bien. Ceci dit, il apporte toujours le même élan dans les parties très lyriques même s’il a tendance à couvrir un peu les chanteurs. Le début de “O soave fanciulla” est magnifique, doux pour ensuite se développer avec une immense émotion. De même l’introduction du “sono andanti” du dernier tableau est très bien amenée avec une douleur mêlée à un bonheur inexprimable. Bien dirigé, l’orchestre de l’Opéra de Paris peut se révéler très bon! Les choeurs, pour une fois, sont parfaitement en place et le petit passage, au début du troisième tableau, où les femmes partent travailler, est absolument charmant avec les notes piquées: avec une grande douceur, elles expriment leur ennui de la vie de et la routine qui s’installe jour après jour.



Une bien belle soirée qui aura permis de découvrir, à Paris, un nouveau rôle de Rolando Villazon et de consolider les immenses espoirs fondés sur Olga Guryakova qui avait déjà fait sensation dans Rusalka quelques semaines plus tôt. Dommage que la valse des alternances risque de briser le climat établi entre les solistes…




A noter:
- Rolando Villazon sera de nouveau à Paris pour deux récitals au Théâtre des Champs-Elysées, les 1er et 30 avril 2006, ce dernier en compagnie de Natalie Dessay.



Manon Ardouin

 

 

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