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Déclic 2005-2006, première! Paris Maison de Radio France 10/13/2005 - Johann Sebastian Bach : Largo de la Cinquième sonate en trio, BWV 529 (arrangement Samuel Feinberg)
Robert Schumann : Etudes symphoniques, opus 13
Jérémie Rhorer : Le Cimetière des enfants (création)
Paul Dukas : La Plainte, au loin, du faune...
Camille Saint-Saëns : Etude en forme de valse, opus 52 n° 6
Jean-Frédéric Neuburger (piano)
En coproduction avec l’Association française d’action artistique et le mécénat musical de la Société générale, Radio France poursuit pour une nouvelle année sa série «Déclic»: d’ici le 15 juin, neuf concerts (à entrée libre) permettront ainsi, les jeudis à 19 heures 30, à des lauréats français de concours internationaux de se produire à Paris et d’enregistrer à cette occasion un disque hélas non commercialisé mais qui leur servira de «carte de visite sonore» afin de faciliter le développement de leur carrière.
C’est à Jean-Frédéric Neuburger, troisième grand prix (et prix du public) au concours Long-Thibaud 2004 (voir ici, ici et ici), qu’il revenait d’inaugurer cette saison: profitant de cette aubaine, le public avait entièrement occupé les cent cinquante places du studio Sacha Guitry pour entendre un programme bien à l’image de ce pianiste qui n’a pas encore vingt ans, mêlant brio et profondeur, raretés et grand répertoire.
Egalement organiste de formation, il n’est pas étonnant qu’il ait choisi de débuter par le Largo de la Cinquième sonate en trio (1725) de Bach: assez tendu en ce début de récital, Neuburger s’accorde toutefois sans peine à la sobriété de l’arrangement réalisé en 1936 par Samuel Feinberg. Il se déploie en revanche pleinement au fur et à mesure des Etudes symphoniques (1835) de Schumann (ironie du sort, c’est l’une des oeuvres qu’avait choisie l’Italien Alberto Nosé, deuxième grand prix, lors de l’épreuve «récital» de la finale du concours Long-Thibaud): mettant une remarquable clarté d’articulation et de pensée au service d’une vision à la fois beethovénienne par son caractère combatif et lisztienne par sa bravoure, il n’oublie pas pour autant le caractère «symphonique» suggéré par le titre et fait sonner admirablement l’instrument dans tous ses registres.
Venait ensuite la création du Cimetière des enfants de Jérémie Rhorer, pièce d’une durée d’un quart d’heure qui traduit l’émotion ressentie en découvrant le carré réservé aux enfants sur l’île San Michele, cimetière vénitien où repose entre autres Stravinsky. Elève de Louvier, Escaich et Dalbavie, le compositeur – par ailleurs connu comme chef d’orchestre, notamment dans le domaine baroque – fait valoir ici une écriture séduisante et virtuose, comme héritée du Ravel d’Ondine et de Scarbo. Malgré le contexte, le propos, de caractère rhapsodique mais où se distinguent aisément des épisodes enchaînés, ne se complaît pas dans la noirceur, cultivant au contraire l’aigu, les petites notes légères et les arpèges, et conquérant progressivement la totalité du clavier parallèlement à une accélération du tempo. Après un point culminant de frénésie, la conclusion se fait dans le climat apaisé et interrogatif du début.
Aux côtés de Ravel (Sonate pour violon et violoncelle) et Stravinsky (Symphonies d’instruments à vent) mais aussi de Bartok, Falla, Goossens, Malipiero, Roussel, Satie et Schmitt, Dukas, avec La Plainte, au loin, du faune..., apporta sa pierre à l’hommage collectif rendu à Debussy en 1920. Neuburger agrémente d’une superbe variété de toucher cette sombre et brève élégie qui cite à plusieurs reprises, de façon plus ou moins voilée, le Prélude à l’Après-midi d’un faune.
Eblouissante d’aisance et de chic, non sans un rien de distance complice, l’Etude en forme de valse de Saint-Saëns, dernière des six Etudes de l’opus 52 (1877), ouvre la voie à deux bis: la troisième des quatre Mazurkas de l’opus 30 (1837) de Chopin, fort contrastée, et le Tango extrait d’Espana (1893) d’Albéniz dans son arrangement par Godowsky, tout de distinction et d’élégance.
Simon Corley
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