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Les Liebesliederwalzer de Mahler

Paris
Musée d'Orsay
10/11/2005 -  
Gustav Mahler : Symphonie n° 5 (réduction Otto Singer)

Philippe Cassard, Jonas Vitaud (piano à quatre mains)


En parallèle à l’exposition «Klimt, Schiele, Moser, Kokoschka» qui vient d’ouvrir ses portes aux Galeries nationales du Grand Palais, les quatre soirées du cycle «Vienne, fin de siècle» présentés par l’auditorium du Musée d’Orsay, qui permettront d’ici le 6 décembre d’entendre notamment l’Ensemble Intercontemporain, Shlomo Mintz et Yvonne Naef, s’intéressent entre autres aux arrangements donnés dans le cadre de la Société d’exécutions musicales privées créée par Schönberg en 1918.


Outre la seconde «Ecole de Vienne», bien entendu, et le postromantisme germanique (Reger, Busoni, F. Schmidt, Zemlinsky, Schreker, Korngold, Wellesz, ...), on y joua jusqu’en 1924, dans la capitale autrichienne mais aussi à Prague, tout ce qui comptait dans la musique de l’époque (R. Strauss, Bartok, Stravinski, Szymanowski, Suk, Novak, ...), sans distinction de nationalité (les noms de Debussy, dès la première soirée, et Ravel reviennent ainsi très souvent, mais aussi ceux de Dukas, Milhaud ou Satie) et sans oublier non plus les jeunes talents (Hindemith, Krenek, Lajtha, Pijper). Les oeuvres originales (mélodies, musique de chambre, récitals de piano) alternaient avec les réductions pour ensemble de chambre ou pour piano, souvent de la plume des compositeurs eux-mêmes (Passacaille de Webern, Petrouchka de Stravinsky ou La Valse de Ravel, qui y fut d’ailleurs créée). C’est dans le cadre de la «série B» (sic) de ces manifestations que la «trinité viennoise» proposa des versions des valses de Strauss qui furent mises aux enchères à l’issue de leur création, afin de renflouer les caisses de la société, et qui conservent encore quelque succès de nos jours.


Sans surprise, Mahler était représenté dès le concert inaugural (29 décembre 1918), et ce par une réduction pour piano à quatre mains de sa Septième symphonie réalisée par Casella. La Sixième, dont se chargea cette fois-ci Zemlinsky, vint dès le 27 avril suivant. Des adaptations pour petites formations instrumentales furent également effectuées: la Quatrième échut ainsi à Erwin Stein (voir ici), tandis que Schönberg, après avoir livré les Lieder eines fahrenden Gesellen, se lança dans Le Chant de la terre, mais ici, son travail ne fut achevé que soixante ans plus tard par Rainer Riehn et a fait depuis lors une assez belle carrière au disque comme au concert (voir ici, ici et ici).


Passé à la postérité pour son inlassable activité d’adaptateur, le compositeur Otto Singer (1863-1931) collabora avec la Société d’exécutions musicales privées en confiant à deux pianos la Sinfonia domestica et la Symphonie alpestre de Richard Strauss, dont il avait déjà réduit la plupart des opéras. En revanche, ce n’est pas à cette fin qu’il écrivit une transcription la Cinquième symphonie (1902) de Mahler, puisqu’il en est fait mention dès 1904 (1). Dès lors, celle-ci se rattache à la démarche, habituelle à une époque où l’enregistrement en était encore à ses balbutiements, consistant à publier des éditions pour piano à quatre mains des grandes partitions symphoniques, ce à quoi s’attelèrent Bruno Walter pour les Première et Deuxième, puis Josef Venantius von Wöss (1863-1943) pour les Troisième, Quatrième et Neuvième, la Huitième et Le Chant de la terre faisant par ailleurs l’objet d’une édition pour chant et piano (à deux mains).


Cela étant, le niveau requis des pianistes dépasse très largement celui que pouvaient sans doute atteindre des amateurs même chevronnés, ainsi que le montrent les quelques problèmes de mise en place que rencontrent Philippe Cassard et Jonas Vitaud. Quant à leur choix de mettre en exergue la dernière (Zum Schluss) des Neue Liebesliederwalzer (1874) de Brahms, s’il semble paradoxal au premier abord, il rencontre toutefois un écho saisissant dans les ländler du troisième mouvement de la symphonie.


Pour l’essentiel, les deux Français, qui intervertissent les places de primo et de secondo après les deuxième et quatrième mouvements (alors que celui-ci est en principe suivi sans interruption du cinquième et dernier), relèvent le défi gigantesque que constitue une telle entreprise. Car au-delà même de la perte inévitable de la variété des timbres, il leur faut batailler avec la contrainte inhérente à ce type d’exercice: l’impossibilité de tenir aussi longtemps les notes qu’à l’orchestre, qui conduit les exécutants à accélérer le tempo (premier et quatrième mouvements) pour éviter l’asphyxie et l’arrangeur à boucher les trous en multipliant les tremolos. Réputée pour son caractère contrapuntique particulièrement développé, la Cinquième symphonie bénéficie-t-elle pour autant par ce biais d’une meilleure mise en valeur de ses voix secondaires? Nullement, car quels que soient leur bonne volonté et leurs mérites respectifs, Singer pas plus que Cassard et Vitaud ne peuvent rendre justice, à quatre mains, à une telle profusion sonore, l’orchestration de Mahler demeurant en outre, malgré cette richesse de textures, un modèle de clarté.


Dans de telles conditions, le troisième mouvement est sans doute celui qui ressort de la façon la plus convaincante. Dès lors, c’est fort logiquement qu’en bis, après avoir renoncé – clin d’oeil au public – à offrir la Sixième symphonie, Cassard et Vitaud confirment la parenté assez inattendue entre Mahler et Brahms avec la sixième (Ein kleiner, hübscher Vogel) des Liebesliederwalzer (1869).


(1) Mahler en interprétait lui-même le premier mouvement au piano, ce dont témoigne d’ailleurs l’un des quatre rouleaux qu’il a gravés en novembre 1905.



Simon Corley

 

 

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