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Le charme discret de l’Hôtel de Béhague Paris Ambassade de Roumanie (Hôtel de Béhague) 10/10/2005 - Claude Debussy : Préludes, Livre premier (trois extraits)
Johannes Brahms : Danses hongroises n° 1, 2 et 9
Béla Bartok : Danses populaires roumaines, sz. 56
Dimitri Kabalevski : Sonate n° 3, opus 46
Gabriel Gorog (piano)
Edifié sous Napoléon III dans le style Louis XV, puis profondément remanié à la fin du XIXe siècle, l’Hôtel de Béhague, entre l’Alma et l’Ecole militaire, a accueilli, du temps de la comtesse de Béarn, de nombreux artistes (Chevillard, I. Duncan, Fauré, Gernsheim, Rodin, Widor). L’ambassade de Roumanie, qui y a transféré son ambassade en 1939, et son Institut culturel poursuivent cette tradition en organisant régulièrement des concerts dans son salon d’or, à l’image de ce bref récital au cours duquel Gabriel Gorog prend la peine de présenter successivement les pièces qu’il a inscrites à son programme.
Au travers de trois extraits du Premier livre (1910) des Préludes (Voiles, La Sérénade interrompue et La Danse de Puck), il campe d’abord un Debussy assez inattendu, sanguin et nerveux, percussif et contrasté. Dans trois Danses hongroises (Neuvième, Première puis Deuxième), il choisit de privilégier les effets et le rubato, dans une traditionnelle vision alla zingarese.
Bartok n’est pas plus roumain que Brahms n’était hongrois – encore qu’il soit né dans une région devenue roumaine depuis lors – mais ses six Danses populaires roumaines (1915) exaltent l’âme roumaine aussi bien que le compositeur hambourgeois l’avait fait dans ses arrangements de mélodies tziganes. Alternant robustesse et finesse de toucher, le pianiste franco-italien en donne une interprétation particulièrement entraînante.
Sortant davantage des sentiers battus, Gorog défend avec un enthousiasme réjouissant et spectaculaire la Troisième sonate (1946) de Kabalevski. L’œuvre se situe, par son sens rythmique et mélodique, dans la lignée du Prokofiev des trois «sonates de guerre», et plus particulièrement de la Septième par sa durée (quinze minutes) et sa coupe en trois mouvements. Apparue entre la Neuvième symphonie de Chostakovitch et la Sixième symphonie de Prokofiev, la partition, dans sa violence ou même son ironie, n’est pas sans ambiguïtés, rappelant que Kabalevski avait été dans les années 1930 l’un des créateurs soviétiques les plus originaux (Deuxième symphonie) et n’avait pas encore été remis au pas par la «normalisation» jdanovienne de 1948.
Trois bis concluent la soirée: la Fantaisie-Impromptu (1835) de Chopin, véloce mais trop raide dans sa partie centrale, le prélude de choral Nun komm, der Heiden Heiland de Bach (dans son arrangement par Busoni), dont la mélodie est excessivement martelée, et la Dixième des Visions fugitives (1917) de Prokofiev.
Simon Corley
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