About us / Contact

The Classical Music Network

Paris

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Des nouvelles de Kiev

Paris
Hôtel national des Invalides
10/03/2005 -  
Johannes Brahms: Sonate pour violon et piano n° 1, opus 78
Edvard Grieg: Sonate pour violon et piano n° 3, opus 45
Vadim Zhuravitsky: Sonate pour violon et piano
Ernest Bloch: Sonate pour violon et piano n° 2 «Poème mystique»

Herman Safonov (violon), Olena Strogan (piano)


Dans le cadre des Journées de la ville de Kiev en France («Automne de Kiev»), le salon d’honneur de l’Hôtel des Invalides accueillait un copieux récital proposé par deux solistes de la Philharmonie nationale d’Ukraine, Herman Safonov et Olena Strogan, mari et femme constituant depuis 1990 le duo Kyiv Accord. On comprendra aisément que le représentant de l’ambassade, plutôt que d’évoquer, malgré le lieu, le souvenir de Napoléon – qui, dans ses projets de démembrement de la Russie, voulait inciter les Cosaques d’Ukraine à se constituer en un Etat indépendant baptisé… Napoléonide – ait préféré rappeler que Horowitz, Oïstrakh et Richter naquirent dans son pays. Et, bien que cela n’ait hélas pas été signalé à cette occasion, les compositeurs n’ont jamais été en reste, de Bortniansky à Silvestrov, en passant par Liatochinski ou même Glière, Bortkiewicz et Roslavetz.


Herman Safonov présente la particularité de posséder un violon qui a été spécialement conçu à son intention par le luthier Florian Yuryev: celui-ci «a osé apporter quelques modifications à la forme ainsi qu’à la construction même de l’instrument traditionnel». Le timbre est effectivement différent, suggérant curieusement l’alto dans le grave et produisant des aigus assez acides. Est-ce ce que réclame la Première sonate (1878) de Brahms? Toujours est-il que ce qui frappe avant tout, c’est une justesse systématiquement problématique, impression que n’améliorent ni un piano brusque, haché et prosaïque, ni une interprétation confuse et incohérente, demeurant de l’ordre du déchiffrage à vue.


La puissance de jeu indéniablement renforcée qu’offre cet instrument convient mieux aux élans passionnés de la Troisième sonate (1887) de Grieg. Les musiciens en donnent au demeurant une lecture nettement plus satisfaisante, aux effets toutefois trop appuyés, portée par un vent provenant de l’est bien plus que du nord.


Plus originale, la seconde partie du concert valait à elle seule le déplacement. Le plan de la Sonate (2003) de Vadim Zhuravitsky (né en 1962) s’inspire de celui de la Trente-deuxième sonate pour piano de Beethoven: un premier mouvement (douze minutes) suivi d’un thème et variations (dix minutes). Se placer sous une telle protection pourrait relever de la présomption ou de l’inconscience et faire naître de légitimes inquiétudes, même si Prokofiev, en son temps, avait explicitement souhaité conférer à sa Sixième symphonie le numéro d’opus 111. Mais cette musique résolument expressive, qui fait d’ailleurs souvent songer au compositeur russe, mais aussi à Berg, ne déçoit pas, avec une écriture plus avancée dans son sens mélodique que dans son traitement du rythme ou du contrepoint. De façon tout à fait classique, le premier mouvement oppose un thème véhément, allant même jusqu’au cri, et un thème lyrique, privilégiant un esprit concertant, avec une brève cadence centrale. C’est au piano qu’est cependant confié l’énoncé du thème du second mouvement, lequel fait ensuite l’objet des traditionnelles oppositions de caractère qu’autorise une série de variations, s’acheminant vers une conclusion enfin apaisée.


Malgré les nombreuses imprécisions qui émaillent à nouveau la prestation du violoniste, l’audition de la Seconde sonate «Poème mystique» (1924) confirme, s’il en était besoin, qu’il est décidément grand temps de (re)découvrir Ernest Bloch. D’un seul tenant (vingt-deux minutes), rhapsodique dans son déroulement et métissée, œcuménique même, dans son inspiration, où mélodies juives et plain-chant alternent sans hiatus, l’œuvre, sincère et intense, magnifiquement écrite pour le violon, dont elle sollicite fortement, par ses atmosphères sereines et extasiées, le registre aigu (tout en réservant au piano une partie luxuriante), d’une élévation de pensée qui suggère parfois le Poème de Chausson, se déploie avec une grande liberté, de sections dansantes en envolées radieuses.


La soirée s’achève courtoisement par un salut au pays hôte, avec l’inusable Méditation de Thaïs (1894) de Massenet.



Simon Corley

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com