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Dernier round avant le Ring

Paris
Théâtre Mogador
09/28/2005 -  et 29* septembre 2005
Osvaldo Golijov : Last round
Dimitri Chostakovitch : Concerto pour violoncelle n° 1, opus 107
Piotr Ilyitch Tchaïkovski : Symphonie n° 4, opus 36

Natalia Gutman (violoncelle)
Orchestre de Paris, Miguel Harth-Bedoya (direction)


C’est avant d’aller vers le Ring que vient le dernier round: cette chronologie inversée est celle de l’Orchestre de Paris, qui, avant de se lancer dans les deux premiers volets de la Tétralogie (à partir du 19 octobre au Châtelet), proposait à deux reprises un programme s’ouvrant par Last round (1996) d’Osvaldo Golijov. Sur un titre inspiré par Cortazar, cet hommage à son compatriote Piazzolla, entamé sous le coup de la disparition du maître du tango et écrit à l’origine pour deux quatuors à cordes et contrebasse, était donné ici dans sa version pour double orchestre à cordes.


A l’écoute des deux sections nettement contrastées qui se succèdent, il est difficile de deviner que le compositeur argentin a étudié avec Crumb et Knussen: une incessante agitation fondée sur des formules rythmiques et instrumentales héritées de Bartok, mettant en vedette un concertino de chefs de pupitres (debout), puis une lente plainte citant, si l’on en croit la présentation de l’œuvre, une chanson de Gardel. Chef assistant à Los Angeles (1998-2004), directeur musical de l’Auckland Philharmonia jusqu’en décembre et directeur musical de l’Orchestre symphonique de Fort Worth depuis 2000, Miguel Harth-Bedoya a beau déployer toute la bonne volonté du monde mais dix minutes de bonne musique auraient été préférables à ces dix bonnes minutes de musique tournant à vide.


La suite de la soirée devait heureusement se révéler nettement plus convaincante, avec, année Chostakovitch oblige, son Premier concerto pour violoncelle (1959). Ayant acquis parmi ceux du siècle dernier le statut de concerto le plus prisé des solistes, sans doute plus encore que ceux d’Elgar ou de Dutilleux, il échappe toutefois, sous l’archet de Natalia Gutman, à tout risque de standardisation. Rauque et inexorable, comme volontairement enlaidi, l’Allegretto initial laisse la place à un Moderato assez allant, sans pathos inutile. Le sens de l’improvisation et le naturel que la violoncelliste russe met au service de la longue cadence montrent qu’elle est on ne peut plus dans son élément, menant insensiblement vers l’Allegro con moto final, où l’orchestre se joint par ses grincements et ses hurlements à un vision qui ne concède jamais de répit. A l’issue d’une prestation pourtant physiquement exigeante, elle offre encore deux bis: si les attaques ne sont pas toujours parfaitement précises, peut-on cependant concevoir Bach plus parlant (Sarabande de la Troisième suite) ou plus dansant (Bourrées I et II de la même Suite)?


Avec la Quatrième symphonie (1877) de Tchaïkovski, la seconde partie demeurait non seulement dans l’univers russe, mais aussi, comme précédemment avec Last round ou le deuxième mouvement du Concerto de Chostakovitch, dans une écriture où les thèmes populaires tiennent un rôle important. Tchaïkovski est trop souvent associé à des excès spectaculaires ou larmoyants, qui ne sont certes pas ceux dans lesquels Miguel Harth-Bedoya a tendance à tomber: évitant la faute de goût, il en parvient finalement au manque de saveur. Clair au point d’en être didactique, voire scolaire, le chef péruvien s’attache visiblement à mettre en valeur les voix secondaires, mais son interprétation, qui enchaîne sans interruption les trois derniers mouvements, n’a que peu à voir avec le fatum qui pèse sur la partition: le discours peine à se mouvoir, lesté par des tempi plutôt lents, mais surtout par un manque de respiration et par une direction sans imagination, raide et mécanique.


Les musiciens, manifestement peu convaincus et même inhabituellement turbulents dans les deux derniers mouvements, ne se départissent pas pour autant de leur excellence coutumière mais semblent déjà avoir la tête ailleurs, peut-être à ce Ring à la création duquel Tchaïkovski avait assisté à Bayreuth l’année précédant la composition de sa Quatrième symphonie


Le site de Miguel Harth-Bedoya



Simon Corley

 

 

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