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The Maazel disaster

Baden-Baden
Festspielhaus
09/02/2005 -  
Dvorak : Symphonie No 9, « du Nouveau Monde »
Richard Strauss : Don Juan, Grande Suite d’orchestre du Rosenkavalier

Orchestre Philharmonique de New York, Lorin Maazel (direction)

Le New York Philharmonic peut s’enorgueillir de son passé de plus vieil orchestre des Etats-Unis, bien que ses prestations n’aient jamais eu la régularité horlogère d’autres phalanges d’Outre-Atlantique, d’une constance de niveau instrumental bien plus étonnante (Chicago, Cleveland, Philadelphie…). De notoriété publique la qualité sonore de la Philharmonie de New York a toujours posé de «petits problèmes», y compris sous la baguette de Leonard Bernstein, avec même une véritable crise pendant le mandat de Zubin Mehta (1978-1991).


Et puis vint Kurt Masur, et avec lui une longue période de travail en profondeur. D’énormes progrès que l’on a pu vérifier personnellement : à New York en 1996, lors d’un concert phénoménal dirigé par Paavo Berglund, puis à Baden-Baden, lors de la précédente tournée européenne de l’orchestre sous la direction de Kurt Masur, (une 1ère Symphonie de Mahler peu habitée mais techniquement impressionnante).


On attendait donc impatiemment ce nouveau passage du New York Philharmonic, à l’occasion du «75th Anniversary european tour», commémorant le premier voyage européen de l’orchestre en 1930, sous la direction d’Arturo Toscanini. La présente tournée a commencé à Francfort le 1er septembre 2005 et se poursuit en ce moment en Suisse et en Allemagne, sous la baguette de Lorin Maazel, nouveau chef titulaire de l’orchestre depuis 2002. Un second voyage est prévu en novembre, à Munich et Dresde (un concert dans la Frauenkirche tout juste reconstruite).


Dans le cadre confortable du Festspielhaus de Baden-Baden, après un premier contact engageant (une introduction très lente mais luxueuse), la 9e Symphonie de Dorak laisse perplexe. Maazel s’y montre peu synthétique, préférant souligner une multitude de détails plutôt que de laisser avancer seule une œuvre qui pourtant ne demande que cela. Les mouvements extrêmes sont agréables (il s’agit quand même d’un grand orchestre), les deux autres plus problématiques à force d’éparpillement (avec un patent vide d’inspiration dans le Scherzo). Mais ce qui inquiète surtout, c’est l’insidieuse dégradation du son. Quelque chose d’atone et de creux s’est réinstallé dans les cordes, les cuivres ont moins d’éclat… Les yeux fermés on retrouve l’ambiance des vieux enregistrements de Leonard Bernstein : ces couleurs peu attirantes, que l’on imputait en partie à de mauvaises prises de son américaines, ne seraient-elles pas plutôt une véritable marque de fabrique de l’orchestre, du moins les mauvais jours ? Il est étrange que ce phénomène se reproduise encore, à trente ans d’intervalle, alors même que les musiciens ont changé (encore que… la moyenne d’âge dans les rangs semble relativement élevée aujourd’hui).


La copieuse seconde partie, entièrement consacrée à Richard Strauss confirme ce malaise. Les cuivres connaissent quelques vicissitudes, les bois sont parfois criards, mais tout cela reste admissible de la part d’une phalange en tournée, fatiguée par trop de tourisme entre les concerts et bien sûr par le décalage horaire. Ce qui est en revanche inacceptable, c’est la vulgarité de ce bastringue symphonique bruyant. L’orchestration de Strauss repose tellement sur le savant dosage de coulées sonores diversement colorées qu’une absence de rigueur dans ce genre de mélange peut vite éveiller une sensation nauséeuse. Et ici c’est terrifiant : cloué dans son fauteuil, impuissant à se défendre, on éprouve l’impression de se voir imposer de force l’ingestion d’un conglomérat de chamallows tièdes. Horrible sensation, qui culmine dans la partie médiane de Don Juan, moment d’errance où chaque groupe instrumental garde certes sa cohérence interne mais n’écoute plus du tout les autres. Quant à l’introduction de la Grande Suite d’orchestre du Rosenkavalier, on ne l’a jamais entendue à ce point déconstruite et clinquante.


Au fait, pourquoi un tel passage à vide ? Simple méforme? À bien y réfléchir on retrouve quand même au cours de cette seconde partie de concert l’impression désastreuse déjà suscitée par quelques disques tardifs de Lorin Maazel (des poèmes symphoniques de Strauss, voire un sinistre programme Ravel): la même confusion pâteuse, la même sensation de désengagement...
Sur place, à bien observer ce qui peut clocher (à défaut d’un vrai plaisir dispensé par le concert, essayons au moins de comprendre…), l’un des déterminants de cette viscosité généralisée semble bien la gestique même du chef, très ample mais dépourvue d’angles, qui ne donne que peu d’élans auxquels s’accrocher visuellement. Seules quelques entrées sont signalées par des gestes explicites, et dans ce cas sont plutôt destinées à la salle qu’aux pupitres concernés. Et puis surtout, quand il s’agit de céder un peu, la signalisation n’est pas immédiate, avec une battue qui simplement se ramollit, là où l’orchestre aurait au contraire absolument besoin de retrouver des repères clairs. Rien de pire qu’un rubato collectif où chacun fait cavalier seul (sauf ce soir-là dans la Valse du Baron Ochs, démantibulée avec une obstination très précise, mais à ce stade ce n’est même plus du rubato… plutôt le déhanchement d’un troupeau d’éléphants).

Curieux, quand-même, qu’il faille s’interroger à tel point sur un chef que l’on a par ailleurs connu aussi enthousiasmant (avec d’autres orchestres, il est vrai) : on se souvient d’une enivrante Luisa Miller à Munich, d’une prodigieuse 3e Symphonie de Mahler ici-même, au Festspielhaus de Baden-Baden. Baisse de motivation ? Déclenchement du pilote automatique un soir de fatigue ? Pour l’avenir artistique du New York Philharmonic on souhaite qu’un tel désengagement reste passager.


Laurent Barthel

 

 

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