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Festina lente Paris Jardin des serres d’Auteuil (Pavillon des azalées) 09/10/2005 - Franz Liszt: Sonate en si mineur
Luciano Berio: Cinque variazioni
Igor Stravinsky: Petrouchka
Khatia Buniatishvili (piano)
Soucieux, par définition, de faire découvrir les talents de demain, les «Nouveaux solistes aux serres d’Auteuil» accueillaient ainsi une pianiste âgée de dix-huit ans, Khatia Buniatishvili, qui, avec l’audace ou bien l’inconscience de la jeunesse, avait choisi un programme particulièrement redoutable. En effet, nullement perturbée par l’arrivée bruyante de retardataires – et ce jusqu’à quarante minutes après le début d’un récital appelé à durer... une heure – la pianiste s’attaque d’emblée à la Sonate (1853) de Liszt. Elle y défend crânement une approche démesurée, précipitée, résolument risquée – certes au prix de nombreuses embardées – qui fait contraster débordements insensés et pureté du chant. Ce caractère délibérément plus symphonique que métaphysique est servi par une puissance et un toucher remarquables, à l’image d’une fugue d’une parfaite clarté bien que menée à un train d’enfer.
Visiblement marquées par les Variations de Webern, les Cinque variazioni (1953/1966) de Berio – le compositeur italien est, avec Boulez, la «figure obligée» de cette série de concerts – sont, loin de tout exercice austère, emportées par un tempérament fougueux et poétique, où le clavier est tour à tour griffé et caressé, suggérant d’inattendus rapprochements avec une esthétique davantage héritée de Debussy que de l’Ecole de Vienne.
On n’est donc pas surpris de la vitalité, de l’énergie survoltée, du sens du rythme qui animent Petrouchka (1921) de Stravinsky, mais le texte est survolé à une telle allure que l’interprétation tourne à la démonstration virtuose, pas toujours propre au demeurant: à cette vitesse, ça passe (souvent) ou ça casse (parfois). Si le discours avance indéniablement, relancé sans répit, le résultat est par trop univoque et ne rend pas justice à toutes les facettes de la partition.
Khatia Buniatishvili offre un premier bis toujours dans l’esprit de la danse, avec rien moins que la Première Mephisto Valse (1860) de Liszt, qui se plie sans doute mieux à ce rôle de brillant faire-valoir. «Hâte-toi lentement»: la recommandation des Anciens semble toujours pertinente, et le deuxième des trois Intermezzi de l’opus 117 (1892) de Brahms vient heureusement confirmer qu’au-delà d’un péché mignon – la tendance à aller (beaucoup) trop vite – la Géorgienne ne se range pas parmi ces prodiges aseptisés mais possède une véritable sensibilité d’artiste, subtile et personnelle.
Simon Corley
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