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Les Noces de Figaro et de Susanna au Château de Montal!

Saint-Cere
Château de Montal
07/31/2005 -  et les 2*, 7 et 12 août 2005.
Wolfgang Amadeus Mozart : Les Noces de Figaro

Adrian Arcaro (Figaro), Anne-Sophie Domergue (Susanna), Boris Grappe (Comte), Karine Godefroy (Comtesse), Christine Tocci (Chérubin), Hélène Cukier (Marceline), Josselin Michalon (Bartholo), Thierry Cantero (Basilio), Gaëlle Pinheiro (Barberine)
Patrice Gouron (décor, costumes, lumières), Olivier Desbordes (mise en scène)
Nina Villeloup & Thomas Vosluisant (violons), Marie Kuchinski (alto), Anne-Sophie Boissenin-Piquion (violoncelle)
Sandrine Abello (piano et direction)

Parmi les productions lyriques proposées cette année au festival de Saint-Céré, ces Petites Noces de Figaro, un assemblage entre la musique de Mozart et la pièce de Beaumarchais. Cette combinaison originale est défendue par une distribution qui ne manque pas d’enthousiasme et cette représentation se révèle magique aussi car elle se déroule dans le cadre idéal de la cour du château de Montal.



Les récitatifs de Da Ponte sont donc remplacés par la pièce de Beaumarchais et l’ensemble fonctionne vraiment très bien. Les coupures ne sont pas nombreuses (le deuxième duo entre Figaro et Susanna au premier acte “ding-dong”, quelques récitatifs accompagnés, l’air de Susanna au deuxième acte “Venite igno”…) même si le final du deuxième acte est assez escamoté puisque l’épisode avec Antonio est supprimé. L’air de Figaro au dernier acte est remplacé également par la grande tirade de Beaumarchais “O Femme” et c’est vrai que c’est difficile de choisir entre la langue si riche et incisive de l’écrivain français et la musique brillante et captivante du compositeur autrichien.
Olivier Desbordes fait des mises en scène simples, sobres, intelligentes et surtout au service de la musique et du texte, ce qui devient très rare de nos jours. Le décor se limite à la cour du château et à une petite scène montée sur des tréteaux. Comme dans Falstaff, ce sont les accessoires qui permettent de lire l’histoire comme le matelas que mesure Figaro, la chambre de la Comtesse, simplement symbolisée par un paravent et une coiffeuse. Deux fauteuils serviront à la cérémonie de mariage. Beaucoup d’effets scéniques sont élaborés à partir du lieu même ainsi les personnages arrivent par le côté, la cour du château étant entourée d’arbres. La meilleure trouvaille se trouve, sans conteste, au dernier acte puisqu’il se joue dans une obscurité totale et les personnages ne sont éclairés que par des lanternes. Non seulement c’est joli scéniquement puisque Figaro, le Comte, etc… se reflètent en ombre chinoise, mais on approche aussi au plus près du livret dans la mesure où la scène se passe à la nuit et l’erreur du Comte entre Susanna et son épouse se justifie beaucoup mieux. Les costumes sont dans la plus pure tradition du XVIIIème siècle, riches pour la comtesse, somptueux pour le Comte et superflus pour les personnages presque comiques comme Marceline ou Bartholo. Enfin les musiciens sont également costumés comme des petits Mozart. L’ensemble est absolument charmant et on se sent transporté dans une autre époque, dans un autre contexte.


La distribution est dominée par le Comte de Boris Grappe et la Susanna de Anne-Sophie Domergue déjà remarquée dans Nannetta. Boris Grappe avait participé à la production de La Grande-Duchesse de Gérolstein au Châtelet à l’automne dernier et on avait déjà pu découvrir un acteur-né et un très bon chanteur. Le rôle du Comte permet de confirmer les espoirs placés en ce jeune chanteur et il campe un Almaviva particulièrement subtil, charmeur quand il le faut, jaloux à l’excès et finalement assez lâche. Olivier Desbordes est sans pitié pour ce personnage puisqu’à la fin de l’opéra il le fait fuir devant ses responsabilités, laissant la Comtesse toute seule, abandonnée. Vocalement le chanteur est très à son aise, se laissant aller à de jolies nuances comme dans le duo avec Susanna au début du troisième acte: dès les premiers mots “perché crudel”, il opère un decrescendo et se retire progressivement des phrases. Enfin dans son air de ce même acte, il laisse éclater tout son talent vocal et expressif avec un “mi far jubilar” particulièrement travaillé car il chante ce passage avec un peu de retenue et ne laisse les notes arriver qu’après les avoir bien préparé.
Anne-Sophie Domergue est une très bonne Susanna et dès qu’elle rentre sur scène, on sent qu’elle est déjà le personnage jusqu’au bout du costume. La partition ne lui posant aucun problème, elle peut donner une interprétation fouillée et recherchée. Très à l’aise dans le rôle de soubrette, elle lui apporte une classe supplémentaire, se rapprochant peu à peu de la comtesse par la noblesse de son caractère et de ses gestes. Elle atteint la perfection dans “Giunse alfin il momento” qui ne se trouve, pour une fois, pas amputé de quelques notes: elle distille les notes une par une avec une grâce aérienne et des notes perlées. Espérons que ses prochaines apparitions continueront à la révéler!
Le rôle de Figaro est tenu par Adrian Arcaro qui ne ménage pas ses efforts pour interpréter un Figaro plein d’entrain et d’intelligence rusée. Si la prestation scénique est plus que convaincante (le “non piu andrai” est vraiment excellent car transformé en représentation d’un combat), sa voix laisse un peu plus à désirer et il devrait faire davantage attention à la justesse. En revanche il se montre très bon acteur au quatrième acte dans la tirade de Beaumarchais et use de sa bonhomie dans la scène où il explique au Comte que, bien sûr, il connaît l’anglais avec “Goddam”.
La comtesse de Karine Godefroy est mélancolique à souhait, dépressive et douce. Scéniquement elle campe une femme fragile et tristement amoureuse de son mari avec des langueurs et des colères dignes de son rang et de son malheur. Sa voix recèle des qualités, c’est indéniable, mais elle est parfois mal à l’aise dans les vocalises du “Dove Sono” qu’elle chante quand même très bien avec une reprise en mezza-voce. Le “Porgi amor” lui convient beaucoup mieux et elle tire des sons très purs et sombres de sa voix.
Christine Tocci interprète le rôle de Chérubin avec grande conviction et elle en fait un jeune homme fougueux, incapable de s’arrêter même quand il sait qu’il va commettre des erreurs. La notion de jeunesse, et celle de naïveté qui en découle, sont très bien exploitées et la chanteuse accentue un peu le côté vulgaire du personnage avec des accents - surtout parlés - un peu relâchés. Musicalement elle chante avec attention ses deux airs mais trouve vraiment sa plénitude dans le final du quatrième acte.
Le couple Marceline-Bartholo est également bien étudié puisque Marceline est habillée avec excès dans une robe violette avec beaucoup de mouches. Hélène Cukier a une voix suffisamment sombre pour contraster avec Susanna mais elle apporte des accents très doux et mélodieux dans la scène de reconnaissance avec Figaro. Quant à Josselin Michalon, il déploie une belle voix grave, soutenue et stable parfaitement adéquate pour le rôle, même si quelques aigus pourraient être plus percutants.
Le personnage de Don Basilio est particulièrement réussi: la mise en scène en fait une caricature de professeur de musique avec des mouches sur tout le visage, un maquillage à l’excès, et des allures maniérées et apprêtées. Vocalement Thierry Cantero a un instrument qui se prête bien à ce rôle et il devient irrésistible quand il dirige les instrumentistes pendant la marche nuptiale. Barberine, enfin, est très agréablement chanté par Gaëlle Pinheiro qui n’en fait pas une petite oie blanche et qui donne une certaine carrure au personnage, bien déterminé dans ses actions.


L’orchestre a été réduit à un quatuor à cordes, dirigé du piano et d’une main de maître par Sandrine Abello. Cette réduction est suffisante pour le cadre et concourt à rendre la représentation encore plus intimiste. L’élan mozartien n’en est en rien diminué et l’ouverture est interprétée avec des tempi dynamiques. La tension ne baissera pas de toute la soirée et ce genre d’expérience serait à renouveler avec bonheur.



Programmer une telle oeuvre dans ce lieu est vraiment une excellente idée car l’ambiance du château permet d’approcher au plus près de l’intrigue et on a vraiment l’impression d’assister à la narration de l’histoire du maître du château de Montal. A l’entracte un pique-nique était également proposé aux spectateurs, pique-nique sous les marronniers bien sûr!


Manon Ardouin

 

 

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