Back
Entretien entre Faust et Méphisto! München Nationaltheater 07/27/2005 - et le 30 juillet 2005. Charles Gounod : Faust
Rolando Villazon (Faust), Paata Burchuladze (Méphisto), Ainhoa Arteta (Marguerite), Martin Gantner (Valentin), Gerhard Auer (Wagner), Daniela Sindram (Siebel), Anne Pellekoome (Dame Marthe)
Stefanos Lazaridis (décors), Marie-Jeanne Lecca (marionnettes), Vivienne Newport (chorégraphie), Davy Cunningham (lumières), David Pountney (mise en scène)
Orchestre et Choeur du Bayerischen Staatsoper
Friedrich Haider (direction)
Le festival de Munich laisse une large part à l’opéra français et remonte, le temps de deux seules représentations, Faust dans une production créée en 2000. Cette reprise ne vaut que par la présence éblouissante de Rolando Villazon et par celle diabolique de Paata Burchuladze.
La mise en scène de David Pountney a de quoi susciter de nombreuses discussions et un certain mécontentement pour qui est habitué à des productions plus traditionnelles. Il faut déjà souligner que de nombreuses coupures ont été faites et souvent au détriment de l’intelligibilité de l’oeuvre. L’idée du dialogue est rétablie mais c’est un dialogue contemporain (en allemand) et qui n’a qu’un rapport artificiel avec l’oeuvre: on nous explique qui sont les personnages et ce qui va se passer à l’aide des marionnettes des personnages (Marguerite est trop jeune, elle n’a pas droit à la parole et elle est donc remplacée par un caniche blanc!). Le deux premiers actes, surtout, sont totalement démantelés par ces dialogues et les airs s’enchaînent mais sans aucune préparation musicale. Ainsi le veau d’or, le “salut demeure” et l’air des bijoux se succèdent comme un florilège des plus célèbres airs de Gounod et non comme une suite dramatique. L’ambiance musicale en est fortement gâchée! Les décors sont assez déroutants également mais justifiés. Un long rail traverse la scène pour le prologue et le premier acte (les soldats partent au combat en train) et enfin pour le dernier acte. Très peu de décors finalement mais surtout des accessoires dont certains n’ont guère leur place sur une scène internationale: Marguerite, dans la scène à l’église, chante dans un frigo qui fume! A côté de ces incongruités, beaucoup de bonnes idées surtout en ce qui concerne le traitement du personnage de Méphisto. L’idée principale qui parcourt l’oeuvre, et donc la mise en scène, est la dualité et le combat entre Dieu et le Diable. De grandes marionnettes viennent torturer Marguerite au troisième acte, trois sous la forme d’un représentant de l’Eglise et une rouge, symbole du Diable. Méphisto évolue au cours de la représentation car peu à peu ses cheveux s’éclaircissent pour finir totalement blancs: ses vêtements aussi sont de moins en moins sombres et son costume final s’apparente à un pyjama blanc. La mise en scène ne manque pas non plus d’humour notamment au moment de la métamorphose de Faust. Rolando Villazon est très grimé - au point d’en être méconnaissable - et les valets du Diable le mettent sur une table d’opération: ils commencent à s’occuper de leur patient en retirant les intestins, le coeur,… tous les éléments qui ont besoin d’être changés pour redonner la jeunesse au malade. Le résultat est vraiment très drôle et habile!
Rolando Villazon a beaucoup chanté Faust entre cette production de Munich et celle de Paris en 2003. Il connaît le rôle parfaitement et peut donc se dégager des contraintes vocales, qui, d’ailleurs ne lui posent aucun problème. Le chanteur offre le meilleur de lui-même et l’on ne peut que regretter qu’il songe à mettre un terme à sa participation dans ce rôle. Scéniquement déjà, Rolando Villazon est remarquable tellement il parvient à camper un vieux Faust, perclus de rhumatismes et avec des gestes saccadés et comment après la métamorphose il devient un jeune homme fringuant puis ensuite un amoureux doux, attentif et enfin désespéré. Son interprétation musicale suit le même chemin et c’est dans un français impeccable qu’il se présente au public. Le fameux “salut demeure chaste et pure” restera longtemps dans les mémoires tellement il a distillé cet air, fait de retenues. Il est impossible de décrire toutes les notes de la partition mais il faut relever certains passages particulièrement beaux: dans le prologue, le ténor se donne corps et âme et tient à l’excès le “à moi Satan” pour ensuite trouver de douces nuances pour “à moi les plaisirs” et surtout pour “ô merveille” qui est à peine susurré.
Paata Burchuladze n’est pas en reste avec Méphisto. Il possède les notes nécessaires pour chanter un endiablé “veau d’or” mais aussi une doucereuse sérénade “O Catherine ma mie”. Diable jusqu’au bout des ongles, il n’épargne pas Marguerite avec une voix bien franche et avec une noblesse vocale qui lui permet de jouer aux grands seigneurs dans ses domaines de Walpurgis. Le chanteur est secondé par une remarquable présence scénique qui fait frémir Marguerite et Faust, d’autant plus que ses costumes en rouge et noir accentuent le côté diable de son interprétation.
Ainhoa Arteta n’a pas l’envergure pour être une grande Marguerite. Techniquement déjà, elle éprouve des difficultés dans l’air des bijoux avec surtout des notes très laides sur le “ah” en trille avant la monté “ah que je ris…”. Elle semble toutefois plus à l’aise dans la seconde partie et surtout dans les scènes avec Méphisto.
Le reste de la distribution est honnête mais on ne peut guère dégager de chanteurs vraiment exceptionnels. Martin Gantner campe un fort bon Valentin avec un air bien mené, sensible et dans un très bon français. C’est surtout dans la mort qu’il trouvera des accents douloureux pour expliquer à Marguerite que tout arrive au bon moment.
Daniela Sindram est un Siebel tout en jeunesse et en impétuosité. Elle chante très bien son air (malheureusement coupé par un dialogue intempestif) avec entrain et amour.
Dame Marthe, sous les traits de Anne Pellekoome, possède un grain de voix intéressant et surtout un sens du rythme assez remarquable. Ses “vous n’entendez pas” dans le quatuor du troisième acte arrive avec justesse et sa voix se confond avec l’orchestre.
Friedrich Haider ne démérite pas dans sa direction et dès les premières notes, il tente d’insuffler une énergie à l’orchestre, mais l’élan s’estompera au cours de la représentation. L’ouverture est bien exécutée avec un tempo assez lent qui laisse bien les instruments se développer. Le veau d’or est particulièrement réussi avec une grande fougue et il est secondé à ce moment par un Méphisto déchaîné expressivement. Le choeur, en revanche, possède de gros problèmes de rythme et “la brise légère” est parti dans tous les sens.
Encore une fois une distribution hétérogène rend la soirée un peu décevante mais deux notes filées de Rolando Villazon et deux sons graves de Paata Burchuladze la justifient entièrement. Rien que pour ces deux artistes il faut absolument aller voir cette production d’autant plus que Rolando Villazon compte mettre un terme à sa carrière faustienne, ce qui est bien dommage quand on l’entend chanter aussi le “salut demeure”! Manon Ardouin
|