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Le pire … et le meilleur

Salzburg
Grosses Festpielhaus
08/15/2005 -  Jusqu’au 08/31/2005

Wolfgang Amadeus Mozart : La Flûte Enchantée
Michael Schade (Tamino), Genia Kühmeier (Pamina), Markus Werba (Papageno), René Pape (Sarastro), Franz Grundheber (Sprecher), Anna-Kristiina Kaappola (La Reine de la Nuit), Martina Jankova (Papagena), Burkhard Ulrich (Monostatos), Edith Haller, Karine Deshayes, Ekaterina Gubanova (les Trois Dames), Choeur de l’Opéra de Vienne, Orchestre Philharmonique de Vienne, Ricardo Muti (direction), Graham Vick (Mise en scène)


Giuseppe Verdi : La Traviata
Anna Netrebko (Violetta Valéry), Rolando Villazon (Alfredo Germont), Thomas Hampson (Giorgo Germont), Diane Pilcher (Annina), Pau Gray (Baron Douphol), Helene Scheidermann (Flora), Luigi Roni (Grébil), Choeur de l’Opéra de Vienne, Orchestre Philharmonique de Vienne, Carlo Rizzi (direction),Willy Decker (Mise en scène),


Goffredo Pettrassi : Coro di Morti
Johannes Brahms : Schicksalslied
Ludwig van Beethoven : 5e Symphonie

Choeur de l’Opéra de Vienne, Orchestre Philharmonique de Vienne, Ricardo Muti (direction)


Serge Rachmaninov : L’île des morts
Toshio Hosokawa : Circulating Ocean
Nikolai Rimski-Korsakov : Shéhérazade

Orchestre Philharmonique de Vienne, Valéry Gergiev (direction)


Certains lecteurs Parisiens de ConcertoNet se souviennent peut-être de la production des Maîtres Chanteurs de Nürenberg donnée en 90 au Théâtre du Châtelet. Les Chanteurs, dont faisaient partie rien moins que José Van Dam et Lucia Popp, avaient fait paraître un communiqué de presse pour exprimer leur désapprobation devant la conception du metteur en scène qui avait transformé l’œuvre la plus vivante et joyeuse de Wagner en un comte funèbre et lugubre avec le plus pur arbitraire et un mépris évident de la musique. Plus près de nous, le chef Philippe Jordan, dont la direction de Cosi Fan Tutte était la révélation et le sommet musical du Festival de Salzbourg de l’an dernier, a refusé d’en assurer la reprise suite à un désaccord avec le metteur en scène et en 92, c’était pour des raisons semblables que Ricardo Muti avait quitté les répétitions de la Clémence de Titus. Enfin, nul n’a oublié la volontairement scandaleuse et provocante production de Hans Neufels de la Chauve-Souris où, entre autres, le Prince Orlofski se shootait à la cocaïne.


La production de la Flûte Enchantée de cette année mérite de rentrer dans ce musée des horreurs: Sarastro et les prêtres sont une bande de grabataires qui massacrent les animaux que Tamino vient de charmer avec sa Flûte magique, Les épreuves du feu de l’eau sont remplacés par la roulette russe, Papageno chante « Ein Mädchen oder Weibchen » sur un pavot géant en rigolant de façon hystérique comme s’il venait de se droguer, …. Qu’est ce qui a pris à Graham Vick qui a pourtant de solides réalisations à son actif d’ afficher un tel mépris de la musique de Mozart ? Qu’est ce qui a pris à la direction du Festival de laisser monter une telle calamité ? Sans doute Ricardo Muti a-t-il voulu garder profil bas après ses démêlés très médiatisés avec la Scala et sans doute les chanteurs ne veulent pas faire de vagues avec la direction du Festival pour ne pas risquer de ne plus se faire réinviter, mais ils auraient du refuser d’entrer dans cette mascarade qui insulte musiciens et public. Le fait est que après les désastreux Enlèvement au Sérail et Don Giovanni et le très moyen Cosi Fan Tutte, la direction actuelle du Festival a raté toutes ses nouvelles productions Mozartiennes. La débâcle de cette Flûte est d’autant plus attristante que cet œuvre a toujours été une spécialité de Salzbourg, que ce soit dans les productions de Jean-Pierre Ponnelle ou d’Achim Freyer. Quel gâchis d’autant que Michael Schade est un Tamino plein de lyrisme, que Franz Grundheber est un Sprecher idéal ou que Anna-Kristiina Kaappola a des aigus superbes.


A l’orchestre, Ricardo Muti démontre à nouveau la qualité de son style Mozartien : des tempis alertes ainsi qu’ un soin tout particulier apporté au phrasé et à la couleur dans un style .. Italien. Tout en gardant sa sonorité propre, l’Orchestre Philharmonique de Vienne qui compte plus de 25 années de collaboration avec Muti le suit avec professionnalisme sans failles. Cet accord et ce respect sont encore plus clairs dans le concert symphonique du lendemain par les mêmes artistes. Si le Coro di Morti de Goffredo Pettrassi est une pièce qui déçoit par son manque de souffle, le Schicksalslied, est un chef-d’œuvre qui mériterait à être joué plus souvent transcendé par des musiciens très inspirés par un Muti au meilleur de sa forme. On retrouve dans la cinquième Symphonie de Beethoven les tempis vifs et la pâte orchestrale aérée qui sont les caractéristiques du chef Italien ainsi peut-être qu’un contrôle très poussé qui est un de ses défauts. Malgré l’excellence instrumentale, cette cinquième n’arrive pas à décoller et à trouver la respiration que demande la ligne musicale allemande (qualité que l’on pouvait retrouver ce week-end sur Arte dans la cinquième que dirigeait de Ramallah Daniel Barenboim et son East-West Divan Orchestra.)


Une semaine plus tard, c’était à Valéry Gergiev de diriger cet orchestre. Le grand chef Russe fait partie des musiciens qui ont établi un rapport privilégié avec les Viennois. A nouveau, il est fascinant de voir avec quel souplesse l’Orchestre adapte sa sonorité pour répondre aux exigences de Gergiev : un son moins brillant mais plus coloré et plus opulent. C’est un vrai luxe que d’entendre dans de telles conditions une œuvre comme Shéhérazade de Rimski-Korsakov ou l’Ile des Morts de Rachmaninov. Commande du Festival, Circulating Oceans du compositeur Japonais Toshio Hosokawa, est une réussite dont la beauté de l’orchestration et la structure ne sont pas éloignées des options esthétiques d’un Dutilleux. Quelle expérience cela doit être pour un compositeur qu’une de ses œuvre soit crée par un orchestre si prestigieux et si réceptif.


Si Salzbourg nous a donné cet abominable Flûte, il faut les féliciter pour cette Traviata qui marquera les annales. Cette production avait été très médiatisée de part la présence dans le rôle-titre d’Anna Netrebko, belle et talentueuse chanteuse qui a fait la une de tous les journaux et plateaux de télévision. Cependant, le succès de cette Traviata n’était pas lié à une vedette si remarquable ou médiatique soit-elle, elle est due au travail approfondi d’une équipe unifiée autour d’une conception dramatique pour servir les intentions du compositeur. Le concept central voulu par Willy Decker est que le temps qui reste à Violetta est conté. Dés le prélude, le Docteur est présent et celui-ci reviendra à chaque fois que seront évoqués sa maladie et le temps qui lui reste. Seule Violetta est habillée en costume de couleur, hommes et femmes du chœur étant, tel le chœur d’une tragédie Grecque, vêtus du même costume sombre. Les passages choraux des derniers actes, habituellement si conventionnels (n’oublions pas que Verdi devait écrire un ballet pour se conformer aux habitudes de l’époque) sont ici parfaitement intégrés à l’action, montrant le désarroi d’Alfredo au deuxième acte ou dans au troisième dans un moment saisissant, la foule du Carnaval, vient habiller de la robe une nouvelle élue du moment, oubliant en un instant le drame et le malheur de son idole d’hier. La confrontation entre Alfredo et Germont est également passionnante révélant une violence et une profondeur que l’on avait que trop oubliées de mettre en avant chez Verdi. Ce travail permet de réaliser à quel point La Traviata est une oeuvre forte, parfaitement à sa place dans le théâtre de notre temps et à milles lieux de la psychologie de romans-photos dans laquelle des mises en scène à la Zefferrelli l’ont réduit.


Aussi brillante que soit cette conception, elle ne trouverait son aboutissement sans la capacité de chanteurs-acteurs capables de la soutenir. Beckmesser aurait probablement fait remarquer qu’Anna Netrebko prend beaucoup de licences avec la mesure et il serait passé à coté du fait que la chanteuse Russe est une vraie Spinto capable de trouver de très émouvantes inflexions dramatiques et de communiquer comme peu le font avec son public. Rolando Villazon que j’avais entendu dans ce rôle il y a quelques années a mûri sa technique vocale et confirme à quel point il n’est pas déplacé de le comparer à un Domingo par la chaleur du timbre, la beauté de la ligne de chant et la qualité de l’engagement dramatique. Thomas Hampson, qui avait été à Paris un inoubliable Posa, déploie son talent pour dépeindre un Germont père plus brutal qu’autoritaire, très émouvant lorsqu’il réalise à la fin du deuxième acte qu’il ne se réconciliera jamais avec son fils. La direction de Carlo Rizzi, plus efficace que subtile, soutient bien la scène, les chœurs bénéficiant en particulier d’une mise en place solide.


Coïncidence des parutions, la Flûte Enchantée donnée durant les années 80 l’équipe Jean-Pierre Ponnelle/James Levine réapparaît en un DVD que je ne saurais trop vous recommander. Si cette Flûte historique ou la Traviata sont des succès, c’est que les artistes sont animés par le même talent, le même respect du compositeur et surtout le même amour de la musique.




Antoine Leboyer

 

 

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