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Roméo et Juliette dans une cour d’école!

München
Nationaltheater
07/21/2005 -  et le 24* juillet 2005.
Charles Gounod : Roméo et Juliette
Marcelo Alvarez (Roméo), Angela-Maria Blasi (Juliette), Martin Gantner (Mercutio), Anna Bonitatibus (Stéphano), Francesco Petrozzi (Tybalt), Christian Rieger (Pâris), Nikolay Borchev (Grégorio), Steven Humes (le Duc), Heike Grötzinger (Gertrude) Maurizio Muraro (Frère Laurent), Sorian Colibran (Capulet),
Gideon Davey (décors et costumes), Franck Evin (lumières), Andreas Homoki (mise en scène)
Orchestre et Choeur du Bayerischen Staatsoper
Frédéric Chaslin (direction)

Le festival de Munich propose, le temps de plusieurs représentations, de retrouver quelques-unes de ses grandes productions de la saison. L’opéra français est largement représenté à travers deux ouvrages de Gounod, Roméo et Juliette et Faust. Ce Roméo est assez déstabilisant car la mise en scène apporte une lecture radicalement originale et la distribution n’est guère entièrement satisfaisante.



Roméo et Juliette dans une cour d’école? La mise en scène de Andreas Homoki a de quoi surprendre. Toute l’action est transposée dans une école et les Capulets (en violet et jaune) s’oppose à la bande rivale des Montaigus (vert). Tous les éléments typiques d’une bonne école sont représentés: le père de Juliette est le maître d’école et sûrement le chef de l’Institut, l’infirmière se cache sous les traits de Gertude et le Frère Laurent est un prêtre en soutane. Les objets sont démesurément grands: les personnages semblent des souris dans cet univers formé par le stylo-plume bleu, le crayon de mine, la boîte contenant les gélules (jaune et rouge…), les gélules elles-mêmes, etc… Les couleurs sont violentes autour du rose, bleu, jaune. Mais les décors auraient pu, à la limite, être oubliés si une direction d’acteurs avait été envisagée. Les chanteurs sont pratiquement tout le temps laissés à eux-mêmes et le drame n’est guère lisible dans leur gestuelle. Et peut-être est-ce préférable car la seule scène un peu théâtralement travaillée est d’un ridicule assez rarement atteint. Lors du duel entre Mercutio et Tybalt les deux jeunes gens sont tués avec la pointe du stylo-plume! Les metteurs en scène actuels semblent oublier que l’une des plus fameuses scènes est celle du balcon (au Staatsoper de Vienne aussi, le balcon est inexistant): Gideon Davey conserve l’idée du balcon mais il en fait un énorme plumier rose et Juliette apparaît à sa fenêtre, autrement dit au trou où on met l’encre. Enfin il faut savoir que le tombeau est aussi relégué et que le duo final entre Roméo et Juliette a lieu sur le volume de l’oeuvre, éditée chez les Éditions Penguin! Le secret pour tenter de passer une bonne soirée est de jouer le jeu et finalement l’ensemble reste assez cohérent. Mais on ne “croit” guère à cette histoire qui est peut-être la plus tragique, du moins la plus célèbre, de la littérature.


Marcelo Alvarez avait fait ses débuts dans le rôle de Roméo l’année dernière, dans cette même production, avant de le reprendre à Vienne. Son travail sur le personnage est très fouillé et il présente un Roméo tendre, bagarreur, exalté mais finalement assez conscient des problèmes et posé. Vocalement son interprétation est, comme toujours, subtile et intelligente et son “va repose en paix” restera dans les mémoires: rarement cet air n’aura été chanté avec une maîtrise aussi parfaite du pianissimo, avec seulement une voix un peu plus puissante le temps d’une demi-note. Le “ah lève-toi soleil” est aussi magnifiquement chanté avec une reprise en mezza-voce mais s’il ne fallait retenir qu’un moment, ce serait l’air final au tombeau. Le chanteur donne toute l’étendue de son talent avec un florilège de son phrasé très doux, de ses notes tenues en descrecendo. Ces derniers mois il a tendance à davantage exploser sur scène et c’est le cas dans son air puisqu’il chante en pleine puissance “un dernier baiser”. L’émotion est vraiment à son comble à ce moment! Enfin il convient de souligner que Marcelo Alvarez a fait un énorme travail sur le français et tous les mots sont clairs et intelligibles. Vraiment un grand merci à ce chanteur étranger au français!
Angela-Maria Blasi n’est pas très convaincante en Juliette. Elle est loin de posséder l’agilité vocale qui convient à la valse “ah je veux vivre” qui se trouve alors dépourvue de toutes les notes aiguës ainsi que du rythme si caractéristique. La chanteuse ne semble pas non plus à l’aise dans les passages plus lyriques comme le duo “va je t’ai pardonné”. La voix reste assez fluette et décharnée et ce malgré une interprétation qu’elle cherche sensible. Toutefois l’émotion prend le dessus dans l’air du breuvage dans lequel la musicienne se jette tellement corps et âme pour exprimer sa volonté de mourir par amour pour Roméo que les notes escamotées et loin de la justesse, sont oubliées. Scéniquement la chanteuse est affublée d’une queue de cheval et de chaussures et de chaussettes blanches pour bien souligner sa jeunesse mais tout cela n’aide pas à saisir la beauté humaine de l’héroïne. Il devient difficile de trouver aujourd’hui une Juliette correcte en dehors d’Anna Netrebko qui, paraît-il, est excellente. Espérons que Natalie Dessay qui fera cette année ses débuts au Met dans le rôle saura redonner toute la dimension vocale à ce personnage dont la partition est si belle…
Le reste de la distribution est dominée sans conteste par Anna Bonitatibus qui interprète Stéphano. Rarement l’air de la tourterelle n’a été chanté avec autant de facilité et de sens. Très à l’aise sur scène, la chanteuse - surtout connue pour ses fabuleux Haendel - campe une jeune fille impétueuse, fraîche. Sorian Colibran, que l’on entendait beaucoup à Paris pendant un temps, est un Capulet de grande classe. Dans un français compréhensible, il apporte toute l’élégance de sa voix pour le legato au début de l’oeuvre “soyez indulgent”. Le rôle de Frère Laurent est tenu avec talent par Maurizio Muraro qui se montre à la fois doux, protecteur et déterminé quand il propose le breuvage à Juliette. Il possède un très bel instrument, souple et ample. Mercutio a les traits de Martin Gantner qui est également très bon et qui chante, dans un français presque parfait, la chanson de la Reine Mab avec humour et facilité.


Frédéric Chaslin, remplaçant le regretté Marcello Viotti, connaît bien sa partition et il ne laisse passer aucune nuance, aucune subtilité. L’élégance de cet opéra français se retrouve dans chaque note, dans chaque élan mélodique. Dès le début il adopte un tempo rapide, les instruments jouent forts - peut-être un petit peu trop - et cet enthousiasme ne le quittera pas de toute la soirée. Il met en relief certains instruments comme dans la chanson de la reine Mab. Les passages plus lyriques, interludes instruments, sont joués avec raffinement et l’orchestre donne ses plus belles notes. Le choeur de l’opéra de Munich est également excellent et les passages du début sont interprétés avec énergie et rythme. De même le choeur “ô jour de deuil” au troisième acte est très solennel avec des decrescendos.



Passé le premier moment de surprise de la production, on finit par apprécier que les lilliputiens aient les mêmes problèmes amoureux que les humains. Ceci dit, cette reprise ne vaut que par la présence d’un Marcelo Alvarez souverain, intelligent et amoureusement musical. Puisse-t-il reprendre un jour ce rôle avec des partenaires et une mise en scène qui l’avantagent…


Manon Ardouin

 

 

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