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Le poids du passé!

München
Nationaltheater
07/22/2005 -  et le 26* juillet 2005.
Francesco Cavalli : La Calisto
Sally Matthews (Calisto), Umberto Chiummo (Giove), Martin Gantner (Mercurio), Lawrence Zazzo (Endimione), Guy de Mey (Linfea), Monica Bacelli (Diane, Destino, Furie), Véronique Gens (Junon, Eternita), Dominique Visse (Satirino, Natura, Furie), Kobie van Rensburg (Pane), Clive Bayley (Silvano)
Paul Steinberg (décors), Buki Shiff (costumes), Pat Collins (lumières), Beate Vollack (chorégraphie), David Alden (mise en scène)
Continuo-Ensemble der Bayerischen Staatsoper
Ivor Bolton (direction)

L’opéra de Munich tente de remonter La Calisto, opéra immortalisé il y a une dizaine d’années par Herbert Wernike et René Jacobs. La production de David Alden ne manque pas d’intérêts - même si elle peut surprendre - et le plateau vocal est tout à fait satisfaisant avec çà-et-là des petites disparités.



La mise en scène de David Alden propose des pistes de lecture intéressantes mais elle reste bien laide. Pourquoi tant de couleurs criardes, pourquoi tant de violence et de vulgarité? La comparaison avec le travail d’Herbert Wernike ne peut que revenir à l’esprit et malgré soi on se prend à rêver à la délicatesse, à la finesse et à la beauté esthétique dont il avait fait preuve. Ici, rien de tout cela. Pourtant la mise en scène est truffée de bonnes idées. Le prologue est le prétexte pour montrer l’assemblage d’un film par la Nature (sorte de soeur d’Arnalta dans la production de David Alden), l’Eternité, gros personnage avec un visage à six yeux et une horloge sur le ventre, et le Destin, gros bébé joufflu. Tous les trois montent le film de la vie de Calisto. Le premier acte s’ouvre sur une grande salle, vide à l’exception d’un bureau (sûrement une récupération du Couronnement de Poppée…), un canapé blanc qui ne cessera de se mouvoir et une machine à eau (quand Calisto entre sur scène elle est assoiffée et n’arrive pas à trouver de quoi se rafraîchir). Les costumes sont très originaux pour Calisto, Pane, Silvano, etc… mais très classiques et assez riches pour les personnages divins. Junon porte une superbe robe noire et une veste rouge ainsi qu’un chapeau à plumes magnifique. Endimione, quant à lui, doit se contenter d’un simple costume gris contemporain et d’une chemise rouge. David Alden aime placer des personnages étrangers à l’action. Ainsi plein de bestioles hantent la scène comme un caméléon vert qui apporte du champagne à Calisto, une vache qui boit une brique de lait, un cheval tout droit échappé de Cocteau…

Sally Matthews ne peut pas faire oublier la pureté et la subtilité de la voix de Maria Bayo. Elle campe une Calisto déterminée, autoritaire, aguicheuse et absolument pas “oie blanche”. Il manque alors de cette douceur que laisse entendre pourtant la musique. Vocalement la chanteuse est aussi en-deçà des espérances car si le medium est rond, les aiguës sont plus aigres et pas toujours très justes. Les vocalises ne sont pas non plus impeccables, ce qui est handicapant dans ce genre de musique. Mais il faut reconnaître que Sally Matthews ne ménage pas ses efforts pour interpréter le personnage, pour lui donner une âme mais plus au niveau scénique qu’au niveau vocal. Lorsqu’elle entre en scène, elle est habillée en bête, bottes et maillot de bain en panthère, et elle porte un arc et des flèches. Elle aura ensuite une robe bleue qui cache l’enfant qu’elle a avec Jupiter (nouvelle aberration de la mise en scène). Sa métamorphose, si elle est loin d’être poétique, est assez habile: elle reçoit des cadeaux de la part de Junon et dans chaque paquet se trouve un élément du costume (les pattes, la tête,…)
Martin Gantner, entre deux Gounod, interprète le rôle de Mercurio. Autant l’opéra français lui va très bien, autant le baroque ne sert pas aussi bien sa voix. Il reste assez décevant malgré un jeu de scène inspiré. Son costume est tout en or.
Giove est incarné par Umberto Chiummo qui possède un très bel instrument et qui s’en sert avec beaucoup de goût. Il est un Jupiter sensible, aux notes voluptueuses surtout dans les legatos ascendants. Il est également rompu à l’art baroque puisqu’il tient bien les notes sans vibrato, etc… Mais contrairement à Marcello Lippi, il ne change pas sa voix en Diane et c’est Monica Bacelli qui interprète sa partie. Dommage car quand il esquisse quelques notes en voix de fausset, elles sont tout à fait acceptables. Il se déplace avec beaucoup d’allure sur scène et le costume qu’il porte reste bien classique, tout en noir.
Lawrence Zazzo est un vrai bonheur dans le rôle d’Endimione. Ce chanteur à la voix si pure, si raffinée, compose un amoureux transi et sensible. Dans son premier air il apporte des accents d’une immense élégance sur les différents “respira”. Mais c’est surtout dans le premier air du second acte qu’il déploie tout son charme et qu’il incarne au plus profond la douleur du personnage. Scéniquement il est assez laissé de côté et il ne se déplace pas beaucoup si ce n’est pour ébaucher des gestes obscènes avec Diane.
Monica Bacelli est une Diane de toute respectabilité, drapée dans son costume noir dont la seule touche de couleur est le croissant de lune éclairé au sommet de son chapeau. Heureusement la chanteuse est excellente et on a souvent l’impression d’entendre Ottavia. Elle parvient à séduire Endimione endormi avec sa longue voix grave, parfois un peu gâché par une affectation intempestive.
Véronique Gens est un des meilleurs éléments de la distribution. Quel bonheur de retrouver cette chanteuse dans son répertoire originel! Sa voix s’est corsée au fur et à mesure des années et du nouveau répertoire abordé. Elle donne à Junon une belle palette de couleurs dans les graves tout en assurant avec une puissance parfaitement contrôlée les aigus dans des “o gelosia” riches de sens et de colère retenue. Très grande, elle a une allure souveraine comme peu d’artistes et elle apporte la touche de froideur nécessaire au personnage. Elle laisse aussi éclater la douleur de la femme outragée puis vengée dans son air final avec de très belles et longues vocalises sur les “a”.
Le personnage de Linfea est tout à fait réussi. Guy de Mey est excellent et la mise en scène en fait une vieille ménagère, avec de faux bijoux, un tailleur, un chignon, des rhumatismes, etc… Vocalement il a une voix puissante - peut-être un peu trop - et il joue sur ses graves androgynes pour souligner l’ambiguïté de cette vieille nymphe. Il rajoute aussi quelques cris notamment dans la fin du “resoluta” au second acte.
Dominique Visse, comme toujours, est irrésistible en satyre, Dame Nature et en Furie. C’est surtout son interprétation du petit satyre que l’on retiendra et son costume, pour le coup, très réussi qui le montre véritablement en satyre avec les pattes réglementaires, etc…Sa voix est toujours surprenante car il passe du très grave au suraigu d’une note à l’autre sans aucun problème. Il ne ménage pas ses efforts pour tenter d’être drôle, séducteur dans la scène avec Linfea ou tout simplement piquant quand il joue la Furie. Mais ce chanteur aux multiples facettes déploie toute l’étendue de son talent dans le choeur des esprits célestes où en compagnie de Véronique Gens et de Guy de Mey, ils composent tout les trois un moment de pur bonheur musical, avec des voix à l’unisson et parfaitement homogène.
Les deux autres personnages comiques du trio sont bien tenus par Kobie van Rensburg, dont la voix puissante n’est plus à démontrer, et par Clive Bayley et ses graves charnus.


La direction d’Ivor Bolton est très bonne et il apporte de très jolies couleurs à l’ensemble ainsi que de belles nuances. Il reste assez proche de l’esthétique monteverdienne avec un grand dépouillement et un attachement au continuo. Le passage avec le trio comique est particulièrement réussi grâce à un rythme soutenu et à un joueur de tambour doué pour marteler la musique et lui donner vie. De manière générale, le chef se montre plus enjôleur, plus doux que René Jacobs. Malheureusement il manque la chaconne finale et l’opéra se clôt un peu rapidement.



Certes le pari de David Alden était difficile à relever et il ne s’en est qu’à moitié sorti. Il a des idées, et même des bonnes, mais quand on eu la chance de pouvoir admirer la production plus ancienne, on reste assez sceptique. Ceci dit, il reste cohérent jusqu’au bout et c’est l’une de ses qualités. Heureusement, les chanteurs sont bons, voire excellents pour certains, et cela permet d’assumer la déception scénique, du moins l’étonnement.




A noter:
- Dominique Visse a enregistré les rôles du Satyre et de la Furie dans l’intégrale de La Calisto par René Jacobs chez Harmonia Mundi.


Manon Ardouin

 

 

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